Il semblerait que la Tunisie doive aujourd’hui réviser ses ambitions, après avoir été pendant 5 décennies l’exemple même de la modernité du monde arabo-musulman, et pressentie en 2011 pour tenir un rôle d’avant-garde démocratique du printemps arabe.
Aujourd’hui, et après les élections de l’assemblée nationale constituante et la mise en place du nouveau pouvoir politique, nous en sommes encore à nous poser la question suivante : "Qu’avons-nous réellement gagné des mouvements de protestation qui ont secoué le pays durant l’an passé suite à la chute du régime de Ben Ali ?". Il est clair que pas grand-chose… car les aspects les plus sombres de notre réalité socio-économique et politique sont toujours là :
– Persistance d’un ensemble de facteurs maintenant l’économie nationale dans l’immobilisme et la stagnation (voire même le déclin)
– Règne de la culture de soumission pour tout un pays qui reste toujours placé sous la coupe de l’obéissance et de l’allégeance à certains pays et certains organismes internationaux
– Prédominance d’un climat de crise sociale inconfortable, avec toujours des sit-in, des revendications sociales et de plus en plus une remise en cause de la confiance dans les élites et la classe politique
– Conformité répétitive dans la chose politique avec des actions non suffisamment réfléchis et des discours approximatifs et dans une langue de bois (en surcroît en Arabe littéraire).
Ainsi, et globalement, il n’y a pas eu jusqu’à lors de grands changements dans le quotidien du Tunisien. Les citoyens ont été appelés à voter, et ils l’ont fait pour une bonne moitié d’entre eux ; mais leur vote a été presque vidé de son contenu initial à savoir mettre en place une nouvelle constitution, pour se trouver à exprimer un choix sur une vrai/fausse bataille sur des programmes politiques et une certaine vision de la future Tunisie. Et puis il ya eu la composition du gouvernement et de ses responsables qui nous ne disent pas tout par omission peut être ou par ignorance des arcannes de l’Administration publique et des dossiers qu’elle a su plus ou moins bien géré pour l’instant. Ils ne nous disent pas par exemple qu’ils n’ont et n’auront pas de pouvoir réel (!!!), car comme tout le monde doit le savoir, les véritables maîtres du monde ne sont plus les gouvernements, mais les dirigeants de groupes multinationaux financiers ou industriels, et autres institutions internationales opaques (comme le FMI, la Banque mondiale, l’OCDE, l’OMC, etc.).
Mais alors que va t-on gagner dans toute cette affaire ? Rien ou presque rien … un peu de Démocratie peut être !
Ce terme enchanteur de démocratie qu’on nous livre à toutes les sauces n’est en définitive qu’une illusion, qui ne dure souvent que le temps d’un scrutin (et quelques mois). Rappelez-vous, l’Histoire toute l’histoire ou seulement l’histoire de ce pays qu’est la Tunisie.
On a souvent vu que les élites qui nous gouvernent devenir de vrais "princes" qui concentrent autour d’eux tous les pouvoirs et surtout les richesses du pays, et qui font tout pour être au-dessus des lois. Et c’est d’une main de fer, qu’ils vont dominer leurs "sujets", brisant au passage des existences ou forgeant des destins selon leur bon plaisir. Le "cirque médiatique" qu’ils entretiennent, et surtout la télévision publique, n’est là que pour distraire la foule (surtout avec des matchs de foot et des émissions pour commenter les matchs, et d’autres pour commenter les commentaires !!!), que pour la manipuler dans un sens ou un autre et servir des intérêts particuliers.
Les notions comme la Liberté, l’Accès universel aux soins et à l’éducation et même la Justice deviennent alors des leurres auxquels il semble être très dangereux, voire même fatal, d’y croire. La politique est une machine à broyer : plus le mensonge est gros plus il a de chance qu’il passe et entre temps l’intérêt général et le long terme sont oubliés par nos gouvernants au profit d’humiliations, de vengeances personnelles et beaucoup d’arrangements pour s’accaparer du pouvoir et d’en survivre si possible jusqu’à l’infini.
Heureusement que l’infini est borné par une limite temporelle !
A propos de l’axe temporelle, il faut se mettre en évidence le caractère destructeur du pouvoir qui s’illustre toujours par deux phases successives.
– Suivant la première phase, les gens qui mis au pouvoir - et en l’absence de tout scrupule - finiront toujours par faire le vide autour d’eux afin de se maintenir en place. Leur soif de conservation du pouvoir est semblable à une tourmente qui balaie progressivement et irrémédiablement tout et emporte chacun. Toutes leurs facultés mentales et sa phénoménale intelligence sont alors mises à profit de cette tourmente.
– Puis vient la seconde phase durant lequel ces personnages sinistres vont peu à peu se trouver isolés, enfermés dans leur tour d’ivoire et définitivement dans la maladie qui les range celle de ne pas vouloir lâcher le pouvoir. Ils sont alors victime d’hallucinations liées à leur état ; et là ils peuvent devenir très cyniques, des mal-entendants et/ou mal-voyants : ils n’écoutent plus personnes et ne voient pas la chose venir. Ils se décrètent devenir nos dictateurs !
Au bout de ces deux phases, qui peuvent malheureusement durer des décennies, tout le monde est exténué, essoufflé, ..., beaucoup sont les mécontents, très peu sont les turbulents. Et puis viendra alors un jour où de braves citoyens, aidés de divers canaux de communication et média de tout genre, sortent dans une nième et nouvelle (tentative avortée ou pas) insurrection populaire pour destituer leurs dirigeants et remettre à leur place d’autres. Et tout recommencera de nouveau pour un nouveau cycle.
La Tunisie entame aujourd’hui le début d’un nouveau cycle ; un cycle pour sa reconstruction démocratique.
Chers tous, que me faut-il vous dire pour vous réveiller et laisser tomber les termes creux qui gravitent autour cette désillusion qu’est la Démocratie que vous demandez et de vous concentrer sur l’essentiel pour essayer de construire une société tunisienne multi-culturelle, tolérante, égalitaire et ouverte à tous et sur son environnement ?
Ceci est un appel à tous, car TOUT( oui, absolument tout !) reste à faire ou à refaire. Même si cela semble être prenant ou reste inefficace, il faut que nous soyons tous conscients que l’on n’a pas tellement le choix : il nous faut travailler durement et consciencieusement (cela va de soit, sinon ça sera la catastrophe promise) et faire des efforts pour atténuer les problèmes auxquels sont confrontés les chômeurs, les familles nécessiteuses et les régions oubliées. Mais il nous faut également agir sur la mise en place des valeurs citoyennes comme la transparence, la participation, le bien commun. Il nous faut aussi réapprendre les valeurs partiellement perdues : du travail bien fait, l’estime du travail d’autrui ou encore le respect de l’autre. Comme il ne faut pas oublier qu’il nous faut nous dresser de temps en temps contre le pouvoir en place et le critiquer de l’extérieur car le pervertir de l’intérieur restera compliqué et illusoire.