Fernando Dias est propriétaire d’une scierie de bois à Sertã au centre du Portugal, il soupire : « Le bois brûlé vaut cinq à six euros de moins que le prix pratiqué habituellement. C’est le résultat de l’offre supérieure à la demande pour ce genre de bois qui ne peut être que broyé ou servir à faire des palettes ».
L’agence de presse portugaise Lusa a avancé que « l’État a réussi à ramasser seulement 2,85 millions d’euros en deuxième tour d’enchères concernant le bois brûlé dans les incendies de 2017, alors que la tutelle s’attendait à encaisser 4,4 millions avec la vente de plus d’un million d’arbres ».
La maire de Góis a dit sur la chaîne de radio TSF que « beaucoup de propriétaires de bois brûlé affirment que le montant proposé est insuffisant pour récupérer l’investissement et que souvent ils n’arrivent même pas à couvrir le coût du nettoyage des forêts ». Ce qui amène à ce que cette matière, combustible, va rester sur le terrain, entraînant un risque de déflagration l’année suivante. Pour les revendeurs, le cauchemar est encore plus grand : l’industrie de papier portugaise, une des plus importantes d’Europe, impose un prix du bois de l’ordre de 23 euros en moyenne, ce qui anéanti les marges de profit des intermédiaires – bûcherons – et conduit les producteurs à vendre directement aux industries de transformation. Y compris dans ce cas, le gain reste inexistant.
Domingos Luís, petit propriétaire forestier affirme à la même radio que « sans régulation, il est normal que les bûcherons essayent de gagner leur vie en achetant au meilleur prix ». C’est le pire scénario pour celui qui exploite la forêt, alors – car c’est lui qui gagne le moins et qui n’est plus en capacité de nettoyer la forêt et d’éviter ainsi, année après année l’incendie.
Les industriels se gavent
Ce n’est pas par hasard que le business de pellets a permis d’amasser 67,6 millions d’euros et une plus-value de 15,8 millions à la plus grande entreprise de bois portugaise, la Navigator. Le propriétaire de ce géant mondial est décédé après une attaque cardiaque en Espagne, le 20 août 2018. Mais le business qui déjà appartient à sa fille, a bondit de 50% rien que pour les ventes vers les États-Unis. Cependant, champion d’une taxation effrénée, le président Trump veut que cette entreprise paye 37% de taxes sur ses profits de 2015 et 2017, soit plus de 45 millions d’euros de bénéfices net.
L’autre géant portugais du bois et papier, l’Altri, a annoncé un « profit net de 32,6 millions d’euros pour le premier trimestre 2018, soit 90,6% de plus que sur la même période en 2017 », citation parue dans le « Jornal Económico », publication portugaise dédiée au monde de la finance. Les deux paramètres expliquant ces résultats sont d’une part qu’il s’agit de bois brûlé et que les feux ont majoritairement lieu chez des petits propriétaires forestiers.
L’Altri est un conglomérat portugais de référence mondiale dans la production de pâte d’eucalyptus et dans la gestion forestière – ses terrains curieusement, ne prennent pas feu, même s’ils abritent 84 mille hectares de forêt certifiée. L’entreprise a été visée par cinq procès d’infraction environnementale entre 2011 et 2017, mais un seulement a abouti à une amende de 12 500 euros.
João Vasco Almeida, journaliste et auteur littéraire portugais. Éditeur littéraire de l’association « Rossio » http://arossio.com/. Il publie ses chroniques sur son blog « Ideia Perigosa – Idée Dangereuse » https://ideiaperigosa.wordpress.com/
Paulo Correia est musicien et ex-géologue pétrolier. Il collabore en tant que traducteur pour Investig’Action