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Poésie et révolution (2)

A tout seigneur, tout honneur : " L’Internationale " . Mais avant - ne zappez pas - quelques brefs rappels contextualisants.

Paris est d’abord assiégé durant quatre mois d’un hiver épouvantable. Toutes les usines sont fermées, sauf celles qui travaillent pour la défense. Pour l’ouvrier, la solde de garde nationale est de 30 sous par jour. Le ravitaillement profite surtout aux riches : Blanqui parle de « rationnement par l’argent ». Les grands traiteurs, comme Brébant, croulent sous les victuailles. Dans les faubourgs, on mange du chien, du chat et du rat.

En 1871, les deux tiers des députés sont des monarchistes ou des bonapartistes. La révolte de la Commune est prolétarienne, anticléricale et jacobine. Antihausmanienne, elle marque une volonté de se réapproprier l’espace urbain. Alors qu’il était ministre de Louis-Philippe, Thiers avait commandé des fortifications ceignant Paris (avant de la saigner). Il s’agissait, certes, de défendre la ville contre des ennemis étrangers mais aussi de faciliter l’écrasement de révoltes populaires en enfermant les insurrectionnels.

Le gouvernement de la Commune va oeuvrer dans l’esprit de la Révolution de 1789 et de la constitution de 1793 : « les membres de l’assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l’opinion, sont révocables, comptables et responsables ». Leur mandat est impératif. Reposant sur une citoyenneté active, la démocratie est donc directe. Le droit à l’insurrection est « sacré et imprescriptible ». Les citoyens étrangers sont français car « le drapeau de la Commune est celui de la République universelle. »

Des mouvements féminins de masse réclament l’égalité du droit au travail et des salaires. L’union libre est reconnue. La liberté de la presse (souvent hostile) est réaffirmée. L’enseignement est totalement laïcisé.

On sait qu’avec l’aide de l’Allemagne de Bismarck les Versaillais écraseront le mouvement populaire. 20000 personnes seront fusillées sans jugement. Les Communards exécuteront 47 otages, des religieux pour la plupart.

Raoul Rigault, qui avait oeuvré toute sa vie pour le rapprochement entre intellectuels et ouvriers, saluera les Communards qui font face au peloton d’exécution le sourire aux lèvres : « Si on meurt, il faut au moins mourir proprement. Ca sert pour la prochaine. » Il sera abattu le 24 mai, pendant la Semaine sanglante. Gustave Courbet saluera ceux qui sont morts «  en riant, comme des hommes sûrs de l’avenir et qui avaient foi en leurs convictions. » Le comte Albert de Mun sera le seul homme de droite à protester contre la répression sanglante.

Verlaine réécrit, en hommage aux Communards, " Les vaincus " , un texte dédié au poète socialiste Louis-Xavier de Ricard où il espère en une vengeance possible :

Nous n’avons plus, à l’heure où tombera la nuit,

Abjurant tout risible espoir de funérailles,

Qu’à nous laisser mourir obscurément, sans bruit,

Comme il sied aux vaincus des suprêmes batailles.

Vous mourrez de nos mains, sachez-le, si la chance

Est pour nous. Vous mourrez, suppliants, de nos mains.

La justice le veut d’abord, puis la vengeance,

Puis le besoin pressant d’opportuns lendemains."¨

Et la terre, depuis longtemps aride et maigre,

Pendant longtemps boira joyeuse votre sang

Dont la lourde vapeur savoureusement aigre

Montera vers la nue et rougira son flanc,"¨

Et les chiens et les loups et les oiseaux de proie

Feront vos membres nets et fouilleront vos troncs,

Et nous rirons, sans rien qui trouble notre joie,

Car les morts sont bien morts et nous vous l’apprendrons.

Les écrivains de droite ont eu très peur pour les privilèges de la classe dominante. Alphonse Daudet qualifie la Commune de «  ramassis de bien vilain monde » et il voit Paris «  au pouvoir des nègres ». Évoquant les femmes des insurgés, Alexandre Dumas fils écrit : « Nous ne dirons rien de leurs femelles, par respect pour les femmes à qui elles ressemblent quand elles sont mortes. » Dans une lettre à sa chère George Sand, Gustave Flaubert ne verra dans les Communards que des « sauvages du Moyen à‚ge ». Même Zola, plutôt de gauche, sera effrayé par «  le côté féroce et avide de la bête humaine ». Seul Victor Hugo, après quelques hésitations, se rangera pleinement du côté des Communards, au point que Barbey d’Aurévilly, franchement d’extrême droite, lui lancera un méprisant : « Vous pouvez renoncer à la langue française qui ne s’en plaindra pas, car depuis longtemps vous l’avez éreintée. Écrivez votre prochain livre en allemand. »

" L’Internationale " fut dédié à Gustave Lefrançais, instituteur, élu de la Commune, réfugié en Suisse, condamné à mort par contumace. A son retour en France, proche d’Élisée Reclus, il défendra des conceptions anarchistes. Eugène Pottier en écrivit les paroles en 1871, sur l’air de … " La Marseillaise " . Ce texte sera publié avec d’autres, en 1887, sous le titre Chants révolutionnaires, avec une préface d’Henri Rochefort, ancien déporté à Nouméa d’où il s’était évadé. Un individu un peu bizarre, cela dit (il finira boulangiste et antidreyfusard). Sans cette publication, ce texte aurait vraisemblablement été oublié.

En 1888, la chorale lilloise du Parti Ouvrier Français demande à un de ses membres, Pierre Degeyter, de composer une musique originale pour faire de " L’Internationale " l’hymne de ce parti. Né à Gand, Degeyter est un Belge dont les parents ont émigré en France lorsqu’il était enfant. Jeune ouvrier du textile, il prend des cours de musique à l’Académie de musique de Lille. Son frère Adolphe lui intentera un procès - qu’il perdra - pour lui contester la paternité de cette musique. Il se suicidera. Adolphe avait été d’autant moins inspiré que la musique « originale » de Pierre ressemblait fortement au final des Bavards d’Offenbach, une opérette créée en 1863. En 1889, le chant devient l’hymne de la Deuxième Internationale. Puis de l’URSS. Sans le cinquième couplet (plutôt anarchiste) :

Les Rois nous saoulaient de fumées.

Paix entre nous, guerre aux tyrans !

Appliquons la grève aux armées,

Crosse en l’air et rompons les rangs !

S’ils s’obstinent, ces cannibales,

A faire de nous des héros,

Ils sauront bientôt que nos balles

Sont pour nos propres généraux.

Degeyter mourra en 1932 à Saint-Denis. Sa dépouille sera suivi par 50000 personnes.

" L’internationale " servira d’hymne de ralliement aux étudiants de Tien’anmen en 1989.

Je propose ici le refrain en anglais, en allemand, en italien, en espagnol et en catalan :

The Internationale unites the human race.

So comrades, come rally

And the last fight let us face

The Internationale unites the human race.

Volker, hoert die Signale !

Auf, zum letzten Gefecht !

Die Internationale

Erkämpft das Menschenrecht

Su lottiamo, l’ideale

Nostro fine sarà 

L’Internazionale

Future umanità  !

Agrupémonos todos,

En la lucha final.

El género humano

Es la internacional.

És la lluita final,

Unim-nos i demà 

La internacional

Serà el gènere humà .

http://bernard-gensane.over-blog.com/

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