Mathias Reymond
Philippe Val croyait avoir débusqué, en août 2007, les « gros connards » antisémites de l’association France-Palestine Solidarité. Huit mois plus tard, il se déclare « navré » de s’être trompé d’erreur.
Des insultes estivales (août 2007)
Dans son éditorial, Philippe Val revenait dans Charlie Hebdo du mercredi 1er août 2007 sur l’affaire du médecin palestinien prisonnier en Lybie (sujet qu’il connaît bien, puisqu’il déjeune souvent avec Bernard-Henri Lévy) [1] : « Kadhafi est resté terroriste, et il vient de le prouver. Ses méthodes, ses pratiques et ses discours sont ceux d’un terroriste. (…) Arrêtons-nous deux minutes sur le cas du médecin [palestinien]. Les défenseurs radicaux des Palestiniens ont été bien silencieux dans les tentatives de sauver un héros, pourtant. Ce médecin palestinien venait aider des frères arabes, et le voilà qui tombe dans un piège ignoble, qu’il est torturé, battu, accusé à tort, condamné à mort. »
Et le chef de Charlie Hebdo enchaînait : « Et que dit France Palestine, par exemple ? Rien. Ils s’en foutent. Pourquoi ? Parce que Kadhafi est un ami... Il déteste Israël et l’Amérique. On ne va rien faire ou dire contre lui... Voilà bien la preuve que les Palestiniens ne sont qu’un triste prétexte pour la plupart de ces gros connards qui, en réalité, dépensent toute leur énergie, non en amour des Palestiniens, mais en haine des Juifs, de l’Amérique et de la démocratie en général... »
Ce mélange d’amalgames et d’insultes ne repose sur aucune information vérifiée. Et ce n’est pas la première fois que Charlie hebdo se livre à des allégations sans fondement [2] et interprète des silences - réels ou supposés - comme des approbations.
Que savait-il alors de l’association France Palestine Solidarité ? Sans doute rien. Une association qui récemment encore a écrit à Rama Yade : « Madame la Secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme, (…) le récent séjour du Colonel Kadhafi en France vous a visiblement troublée. Ce trouble était légitime, eu égard au passé très récent du personnage et aux crimes auxquels son nom est associé. » « Des amis » de Kadhafi ?
Philippe Val débusque des complicités partout. Vous ne condamnez pas les attentats du 11 septembre dans l’heure et dans les termes requis par le gouvernement américain ? C’est que vous êtes un ami de Ben Laden. « Voilà bien la preuve » que vous êtes un antisémite. Vous ne condamnez pas la censure des caricatures de Mahomet dans l’heure et dans les termes du Vatican des droits de l’homme ? C’est que vous êtes un ami des islamistes. « Voilà bien la preuve » que vous êtes un antisémite. Vous achetez de l’huile d’olive palestinienne ? C’est que vous êtes un ami du Hamas. « Voilà bien la preuve » que vous êtes un antisémite.
Des « excuses » printanières (avril 2008)
Huit mois plus tard…
A l’instar d’un Finkielkraut qui présente ses « excuses » en prétendant qu’elles sont sans objet [3], Philippe Val, en complément de son éditorial hebdomadaire, se déclare « navré » :
« J’avais mis en cause, au mois d’août [2007], France Palestine en la décrivant comme une association amie de Khadafi et donc haineuse d’Israël, des Juifs et de la démocratie. J’admets bien volontiers que ces propos ne concernaient pas France Palestine Solidarité (AFPS). C’était évident, mais cela va mieux en le disant. Navré si cela a fait problème. » (2 avril 2008)
« Navré » ? Mais de quoi ? D’avoir écrit - il faut le rappeler, puisque Philippe Val omet de se citer - que France Palestine était des « gros connards qui, en réalité, dépensent toute leur énergie, non en amour des Palestiniens, mais en haine des Juifs » ? « Navré » de s’être trompé ? Même pas. Philippe Val, incapable de reconnaître qu’il voit des antisémites partout, n’admet pas son erreur. A l’en croire, « France Palestine », ne renverrait pas à l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) dont le site est : www.france-palestine.org ? « C’est évident » écrit-il. Mais à quoi renvoie cette entité « France Palestine », puisqu’il n’existe pas d’autre association nommée ainsi ?
« Voilà bien la preuve » que si elle n’existait pas, il fallait l’inventer.
Mathias Reymond
[1] Un médecin d’origine palestinienne naturalisé bulgare (Ashraf al-Hadjudj) fut accusé par le pouvoir Libyen, avec cinq infirmières bulgares, de plusieurs crimes (dont la contamination du VIH déclenchant une épidémie de sida). Emprisonnés en 1999 puis torturés, ils furent libérés en 2007 dans le cadre d’une médiation franco-européenne.
[2] Lire ici même : « Elle court, elle court la rumeur » et « Charlie Hebdo court après les rumeurs qu’il répand ».
[3] Lire ici même : « Les prédications d’Alain Finkielkraut : "Ma copie corrigée sur les quartiers populaires" ».
http://www.acrimed.org/article2872.html