Serge Pey, préfacier de notre « Vive le Che ! », vient d’être couronné à l’unanimité du Prix Apollinaire de poésie 2017, prix prestigieux s’il en est, équivalent d’un Goncourt de poésie. Créé par Cocteau en 1941. Couronné ! Le libertaire Serge Pey a dû goûter comme il se doit la saveur du mot, lui, le coupeur de têtes non-pensantes.
Il est difficile d’écrire sur un copain. Nous savons tous que Serge et son œuvre méritent... un mausolée, ou le Nobel !! Pour le mausolée, il y est réfractaire ; et comme l’homme au chapeau noir ne se vend pas, le Nobel n’est pas pour deux mains.
Ce prix lui a été décerné sur la terrasse du célèbre café littéraire Les deux magots, où Apollinaire avait ses alcools. Nul doute que Serge adore les magots !! Il a passé une vie à s’enrichir, à s’enrichir des autres, des luttes, des rêves, des résistances, des roseaux de pluie des indiens mexicains, des hallucinations au peyotl, des combats avec le MIR de Miguel Henríquez... Il y a trente ans, je l’avais invité pour réaliser une « performance poétique » dans mon établissement secondaire. Il performa si bien qu’il y forma un sacré souk, mais toujours de qualité pour tous. Halluciné. Hallucinogène. Hallucinatoire.
Sous la coupole de Niemeyer à Fabien, il y a un mois, au siège du PCF à Paris (pour honorer le CHE), avec sa compagne comédienne sarde Chiara, il scotcha la foule des camarades présents. « Mes mots rables », dit-il. « C’est la première fois que je rentre dans un siège coco ». Et il put en sortir ! ÉMU. BOULEVERSÉ. Et photo avec Pierre Laurent !
Serge vient d’être couronné pour son récent recueil de poésie (il en a enfanté des dizaines, aussi telluriques, aériens, fougueux, les uns que les autres), et autres matériaux poétiques, autour et dans son dernier né : « Flamenco », l’histoire d’une grande danseuse toulousaine, exilée, Carmen Gómez, la « Joselito », la danseuse aux pieds ailés, au « duende » inaltérable. La « Joselito », la mère de tous les flamencos de Toulouse, et de tous les guitaristes de grande facture de chez nous, souvent fils de l’exil républicain ou antifasciste, la famille Sandoval, Serge López, Manolo Rodriguez, et beaucoup, beaucoup d’autres. De tous les danseurs et danseuses qui prennent le Capitole pour Triana. La « Joselito » est la mère de tous ces Andalous occitans, métissés, multi-culturalisés, comme la soleá reste la mère du flamenco.
Je me souviens encore -il y a si longtemps- d’un voyage « ida y vuelta » à Séville, pour écouter Enrique Morente chanter son « Estrella », et nous ouvrir un horizon d’utopie sensuelle, incandescente, mais noire à la fois. Comme Lebrijano, Pinilla, el Cabrero, el Cigala, Camarón... et « les vieux », la source sans cesse renouvelée, la Paquera de Jerez, la Niña de los Peines, Marchena, Mairena, la Carmen Linares, la Cristina Hoyos, la Yerbabuena... Olé pour tous ceux que j’oublie, « Olé por bulería »
L’écriture de Pey est flamenca, parce qu’elle vient des racines, du sang, qu’elle est rythmée, « compassée », toujours proche de la rupture, parce qu’elle est chair, parce qu’elle est libre, provocatrice, jusqu’à inventer des balades, des itinéraires poétiques pour rejoindre et ressusciter Antonio Machado à Collioure, Victor Hugo à Cuba, Neruda partout... ARTE. POUR LE PEUPLE. Et action ! La pensée en actes et le poème arme « por todas partes ». Serge est un poète, flingueur et pro fête, à Toulouse comme à Santiago du Chili, un « payador » de l’oralité. Un fouteur de bordel poétique. Donc : politique.
Jean ORTIZ