UNE présence accrue de l’État dans l’économie, l’inclusion sociale et la lutte contre la corruption, constituent l’essence du message prononcé devant le Congrès du nouveau président péruvien, Ollanta Humala, lors de son investiture.
Humala (du parti Gana Peru), n’a pas prêté le serment sur la dernière constitution approuvée sous le gouvernement d’Alberto Fijimori, l’ancien président corrompu, mais sur la Constitution rédigée en 1979 par une Assemblée constituante.
La différence entre les deux constitutions réside dans le fait que celle de 1993 a privatisé l’économie et a virtuellement interdit le secteur public de l’État, en le limitant à des situations ou à des secteurs dans lesquels les entreprises privées ne sont pas engagées.
Avant même de prendre ses premières mesures, les premières attaques de l’oligarchie pleuvent contre le président. Il suffit de lire le titre du journal El Correo : « Rejet », pour comprendre la bataille qui l’attend.
Humala a annoncé que le Pérou construirait sa « propre voie de développement qui prendra comme exemple ce qu’il y a de positif dans d’autres expériences », ajoutant qu’« il n’y aura ni calque ni copie, mais une création héroïque » pour paraphraser le patriote péruvien José Carlos Mariategui.
Il a demandé à ceux qui exigent des salaires et des droits « de ne pas renoncer à leurs revendications, mais ils doivent savoir que tout changement, pour être durable, doit être graduel et rationnel ». Puis il a confirmé son intention d’introduire des mesures sociales, mais échelonnées dans le temps.
Par contre, il a insisté sur le fait que « les bénéfices extraordinaires des entreprises minières doivent contribuer à l’effort national en faveur du combat contre la pauvreté », reprenant ses propositions de la campagne électorale.
Le nouveau président du Pérou a souligné qu’« il est urgent de réparer les injustices, de repartir dans la bonne direction et de rétablir le dialogue dans notre société ».
Respecter les promesses sociales ne sera pas tâche facile pour le nouveau gouvernement. Humala doit faire face à un système néolibéral avec des lois dictées ouvertement en faveur de l’oligarchie et au détriment de la qualité du niveau de vie de la population, surtout dans les zones rurales péruviennes que le grand José Carlos Mariategui appelait le « Pérou profond ».
Ollanta Humala n’ignore pas la force médiatique de la droite nationale et internationale et, même si sa représentation au Congrès est la plus importante, il ne possède pas la majorité pour imposer des lois, de sorte qu’il se verra obligé de passer des accords avec d’autres organisations politiques.
On sent déjà les pressions des entreprises du secteur minier privé pour empêcher Humala de tenir sa parole d’appliquer plus d’impôts aux entreprises qui ont tiré d’énormes profits de la hausse du prix des minerais sur le marché international.
Quant aux secteurs sociaux, ils espèrent que le président tiendra les promesses de son programme, qui inclut une réforme fiscale qui apporte des fonds au budget afin de financer les programmes sociaux.
« Humala veut faire quelque chose qu’ils (les autres gouvernements) n’ont pas fait depuis de nombreuses années : gouverner pour nous, pour le peuple. Cela me plaît l’idée qu’il augmente le salaire minimum... C’est bien, parce que nous travaillons beaucoup et comme des mules pour un salaire de misère », a dit Luis Ramirez,un chargeur de marchandise de 45 ans cité par l’agence AP.
On attend que le Président aille à pas mesurés, en manoeuvrant en cédant du terrain et en reprenant l’initiative, en temporisant et en imposant, quand cela sera possible, dans le cadre législatif néolibéral péruvien. Le parti Gana Peru, une alliance de partis de gauche, représente, avec 47 députés, la plus grande force politique, mais moins de la moitié des 130 membres du Congrès.
Joaquin Rivery Tur
http://www.granma.cu/frances/notre-amerique/4agost-ollanta.html