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Par ce $igne, tu vaincras / Taïwan, mon amour

Trump, candidat aux primaires républicaines, a récemment fait une blague à propos de sa chevelure atypique très révélatrice : « Quelle est la différence entre un raton laveur mouillé et les cheveux de Donald J. Trump ? Un raton laveur n'a pas sept milliards de dollars sur son putain de compte en banque ! » Au pays de l'argent-dieu, quoi de plus naturel donc que les guerres menées en son nom ? $ : in hoc signo vinces, par ce signe tu vaincras. À toute religion, ses guerres.

Celles du dollar hégémonique, d’après Oleg Nesterenko, président du CCIE de Paris, ont commencé il y a plus de vingt ans quand des nations souveraines ont remis en cause leur soumission à la monnaie impériale : parce que Saddam Hussein et Mouammar Khadafi envisageaient de se défaire du carcan monétaire imposé dans les échanges mondiaux par les États-Unis, l’Irak et la Libye ont été détruits puis plongés dans le chaos et tous les deux ont été brutalement assassinés.

L’économiste Michael Hudson affirme que « la seule façon possible pour que l’histoire se termine vraiment serait que l’armée américaine détruise toute nation cherchant une alternative à la privatisation et à la financiarisation néolibérales. »

Mais aujourd’hui, le mode opératoire a changé.

Après le fiasco afghan, l’impopularité des guerres lointaines dont les justifications sont de plus en plus absconses et les mensonges les sous-tendant de plus en plus manifestes est grandissante au sein du peuple américain. Par ricochet, l’armée américaine éprouve de plus en plus de difficultés à recruter une chair à canon moins prompte à aller se battre et à mourir pour des causes incertaines. Le patriotisme américain ne fait plus recette et des cohortes de vétérans mutilés physiquement et psychologiquement par des années au service du drapeau peuplent les trottoirs des grandes métropoles américaines.

Désormais la Russie est visée, l’Ukraine sert de victime sacrificielle.

Les Ukrainiens intronisent en quelque sorte une nouvelle façon pour l’Oncle Sam de faire la guerre, en attendant que celle-ci soit entièrement automatisée. Elle est fondée sur deux axes principaux : le renversement de gouvernements légitimement élus qui résistent à l’hégémonisme, grâce à l’appui d’oppositions pro-occidentales féroces, fruits de trafics d’influence mis en oeuvre sur le long terme - en Ukraine, les groupuscules néo-nazis - et l’emploi d’une force militaire extra-territoriale, à la fois locale, formée, financée et équipée de l’extérieur, mais aussi internationale, en l’occurence l’OTAN, téléguidée de Washington et soumise à ses désirs.

L’OTAN, ce monstre sans âme né de la Guerre froide, matérialise par nature et par définition la volonté d’écraser toute résistance à la domination états-unienne sur le monde. En sommeil depuis sa création, et alors qu’elle aurait dû mourir de sa belle mort en 1991 avec l’effondrement du bloc soviétique, elle a été réanimée dès l’année suivante en ex-Yougoslavie et a commencé son expansion à travers l’Europe s’approchant de plus en plus des frontières russes.

La guerre russo-ukrainienne est en réalité l’aboutissement de cette guerre froide, larvée, entre deux blocs : l’Occident « collectif » rassemblé sous la bannière atlantiste, contre la Russie, premier pôle de la résistance aux diktats militaro-économiques des États-Unis sur le monde.

L’Ukraine a déjà perdu la guerre, pourtant c’est indéniablement une demi-victoire pour Washington : les relations entre l’Union européenne et la Russie ont été tranchées net, le sang ukrainien coule de la plaie, et bientôt celui du prolétariat occidental qui finira lui aussi par souffrir de la ruine industrielle et économique provoquée par le suivisme suicidaire de ses dirigeants.

Mais derrière la Russie se profile une autre cible : la Chine.

Les incessantes campagnes anti-chinoises patiemment distillées dans la presse, sur les médias et les réseaux sociaux occidentaux sont le signe d’un déplacement progressif du viseur américain, de l’Ukraine vers la mer de Chine, siège des nouvelles combines de la Maison Blanche.

Or, lorsqu’on se pose la question de savoir qui mènera la nouvelle guerre par procuration, les récentes gesticulations américaines semblent concourir à désigner la « belle île » de Taïwan, objet des revendications de la République Populaire de Chine depuis plus de 75 ans, traitée par l’Occident comme une nation à part entière bien que non reconnue comme telle à l’ONU : comme d’habitude à l’Ouest, on n’est pas économe de petits plaisirs quand on veut irriter ceux qui nous résistent.

Mais est-ce que le peuple taïwanais l’entendra de cette oreille ? Rien n’est moins sûr. L’entrelacs de facteurs qui en Ukraine a abouti au conflit en cours n’existe pas à Taïwan.

Il n’y a pas de différend fratricide entre Taïwan et la Chine. Si celle-ci revendique l’île comme composante incontestable de son territoire, elle n’a jamais, en plus de trois-quarts de siècle, initié le moindre début d’action violente pour en reprendre possession, cela bien que l’île soit sise à quelques brasses de ses côtes. Au contraire, elle a toujours privilégié la patience et les jeux d’influence pacifiques pour faire pencher la balance vers un futur retour de plein gré dans le giron du continent. Bien sûr qu’elle a fait de régulières démonstrations de force dans le détroit de Taïwan, mais pour l’essentiel en guise d’avertissements à destination de toute nation encline à se mêler de ses affaires locales, au premier rang desquelles, bien entendu, les États-Unis d’Amérique qui possèdent des bases militaires totalisant plus de 100 000 hommes aux abords immédiats de la Chine, dont 50 000 au Japon, 30 000 en Corée du sud et 15 000 sur l’île de Guam et aux Philippines. Imagine-t-on 100 000 soldats chinois encerclant les États-Unis ?

À Taïwan, il n’y a pas, comme c’était le cas en Ukraine (1) avant le début du conflit à l’encontre des populations russophones, de groupes paramilitaires viscéralement anti-chinois qui prônent la disparition pure et simple de la Chine et qui appellent à tuer des Chinois. Le Minjindang (Parti du Peuple qui avance, ça rappelle quelque chose, non ?) ou PDP (Parti démocrate progressiste) est, dans la sphère politique taïwanaise, ce qui se fait de plus virulent en matière d’opposition à la Chine. Ce parti pro-occidental et indépendantiste, proche également du pouvoir japonais, aux manettes depuis 2016, est le principal point d’appui de la stratégie américaine d’ingérence. Pourtant, encouragé par Washington à renforcer la militarisation de l’île en prévision d’une supposée attaque chinoise imminente, le PDP fait preuve d’un laisser-faire qui risque de lui coûter le pouvoir. En 1972, dans le Communiqué de Shanghai, les États-Unis exprimèrent clairement qu’ « [ils] reconnaissent que tous les Chinois de part et d’autre du détroit de Taïwan soutiennent qu’il n’y a qu’une seule Chine et que Taïwan fait partie de la Chine. Le gouvernement des États-Unis ne conteste pas cette position ». Pour le respect de la parole donnée, on repassera. Mais on commence à le savoir, à force. La Chine, par la voix de ses représentations consulaires, a décrit la visite de Nancy Pelosi comme « n’ayant rien à voir avec la démocratie. Il s’agit plutôt d’un coup politique et d’une grave provocation qui porte atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Chine, va à l’encontre de la volonté de plus de 1,4 milliard de Chinois et remet en question le consensus international sur la Chine unique. » À peine deux mois après, le PDP, parti de la présidente en exercice Cài Yīngwén, perd les élections municipales.

Il n’est pas très difficile de faire le lien entre l’aveu de Cài en 2021 sur la présence d’une vingtaine de formateurs militaires américains sur l’île, la visite de Pelosi, les sanctions chinoises qui s’en sont suivies et le score du PDP aux municipales. Le secteur industriel et financier taïwanais qui, comme partout ailleurs, est décisif dans le choix d’un leadership et dont le premier partenaire économique reste à l’heure actuelle la Chine et pour une majorité écrasante des échanges, n’est pas, on l’espère, aussi profondément idiot que les dirigeants des plus grandes nations d’Europe de l’Ouest qui viennent de saborder leurs économies dans le seul et unique but de faire plaisir au maître de Washington.

Suspendus aux prochaines élections présidentielles de Taïwan en 2024, les sombres desseins qu’une Amérique imprévisible a pour la petite île sont plutôt fragilisés ou pour le moins hasardeux. Si l’actuelle présidente de Taïwan risque fortement de perdre ces élections, reste à savoir si ce sera au profit du Guomindang, favorable à une réunification avec la Chine ou à celui de l’outsider William Lai, à la ligne indépendantiste plus dure.

Si l’intention des États-Unis, résolus à conserver leur hégémonie et celle de leur monnaie, est toujours de provoquer le géant chinois, de le pousser à l’erreur et ainsi déstabiliser son économie, dans quelle direction, en cas de défaite du PDP, risquent-ils alors de se tourner pour trouver à Taïwan un substitut capable de mener à bien cette mission ?

Eh bien, nul besoin de sortir de Saint-Cyr pour le savoir.

Quel Etat est tenu en laisse courte par les États-Unis depuis presque 80 ans sans jamais avoir remis en question cette servitude ? Quelle nation obéit au doigt et à l’oeil à son maître malgré les pires atrocités que ce dernier lui a fait subir ? Quel pays vient d’annoncer sa remilitarisation massive en dépit de l’article 9 de sa Constitution stipulant qu’il « renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation. » ?

Le Japon. Ce pays où subsiste un ultra-nationalisme anti-chinois très vivace, encouragé même par les plus hauts dirigeants de l’état, où ces derniers continuent sans vergogne à honorer les criminels de guerre ayant sévi durant l’occupation de la Chine et tout particulièrement à Nanjing.

Un Japon qui se réarme est une aussi bonne nouvelle pour la Chine que pour la France, une Allemagne qui en fait autant.

Qui vivra verra.

Xiao PIGNOUF

Note (1) Et c’est toujours le cas aujourd’hui.

»» https://taistoixiao.wordpress.com/2...
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La Chine sans œillères
Journaliste, écrivain, professeur d’université, médecin, essayiste, économiste, énarque, chercheur en philosophie, membre du CNRS, ancien ambassadeur, collaborateur de l’ONU, ex-responsable du département international de la CGT, ancien référent littéraire d’ATTAC, directeur adjoint d’un Institut de recherche sur le développement mondial, attaché à un ministère des Affaires étrangères, animateur d’une émission de radio, animateur d’une chaîne de télévision, ils sont dix-sept intellectuels, (…)
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