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Palestine : L’agenda caché du sionisme, par Iosu Perales.

Sans Yasser Arafat, rien ne sera comme avant. Il avait réunit dans sa personne le drame, la lutte, le fusil et le rameau d’olivier, la dignité et la voix d’un peuple, tout en représentant de manière physique, au cours de sa réclusion dans la Mukata pendant trois ans, la solitude de la cause palestinienne. Aimé et haï, défendu et critiqué en Palestine même, il est possible qu’il fut également prisonnier de sa propre personnalité, de sa manière exclusive de gouverner.


18 décembre 2004


Après la mort d’Arafat, de nombreuses déclarations font état de l’avènement d’une nouvelle époque dans le conflit Israël-Palestine en affirmant que, désormais, la paix serait possible. Ce genre d’analyse part du principe répandu par le sionisme et par les Etats-Unis selon lequel Arafat était " le problème ", le plus grand obstacle à la paix. En réalité, c’est un principe pervers, cynique, un prétexte qui, utilisé avec habilité par Sharon, a servi à occulter l’agenda poursuivi par la continuité de l’occupation de la majeure partie de la Cisjordanie et de la totalité de Jérusalem.

Le grand " crime " d’Arafat s’est produit en juillet 2000 lorsqu’il a refusé de signer les accords de Camp David qui tiraient un trait définitif sur le droit au retour des quatre millions de réfugiés et d’exilés palestiniens ainsi que sur le statut de double capitale de Jérusalem. La Cisjordanie que Barak et Clinton offraient alors à Arafat ne représentait que 42% de son territoire historique. A partir de ce moment, c’est la victime qui fut chargée de tous les péchés, rendue coupable de ne pas accepter les faits accomplis d’une occupation qui dure depuis 55 ans (depuis l’annexion unilatérale par Israël en 1948 des 22% de territoires donnés par les Nations Unies au Palestiniens, l’occupation ayant été complétée en 1967).

Le 11 septembre 2001 a défavorablement transformé le cadre international pour la cause palestinienne et pour Arafat lui-même. Les gouvernements israélien et états-uniens ont immédiatement conjugés leurs efforts afin de modifier la perception de l’opinion publique internationale vis-à -vis du conflit :

1. La doctrine anti-terroriste a été étendue comme seule grille de lecture pour l’interprétation et le diagnostic de tous les conflits, ce qui a amené la représentation de la résistance palestinienne en général, mais aussi d’Arafat et de l’Autorité palestinienne, comme des acteurs terroristes qui mettent en péril la sécurité d’Israël et rendent non viable tout processus de paix. L’équation Ben Laden-Arafat peut paraître simpliste et peu crédible, mais les gouvernements israélien et états-uniens l’ont utilisés jusqu’à la corde afin d’imposer qui doivent êtres les interlocuteurs palestiniens et maintenir la réclusion d’Arafat à Ramalah.

2. Le paradigme de la Sécurité, à partir du 11 septembre, a peu à peu supplanté dans le traitement du conflit celui de la souveraineté palestinienne, qui devrait pourtant être au coeur de n’importe quel plan de paix. C’est là que réside précisemment la logique de la " Feuille de Route " : elle se divise en trois phases dont la première souligne que c’est seulement à partir du moment où l’Autorité palestinienne garantira la sécurité d’Israël - en désarmant sa propre résistance - qu’il sera possible d’avancer vers la seconde phase dans laquelle seraient négociées les frontières provisoires de la Palestine. Ainsi, c’est la sécurité de la puissance occupante, et non la fin de l’occupation, qui constitue la condition sine qua non de la " Feuille de Route ".

3. Les gouvernements d’Israël et des Etats-Unis ont accomplis d’énormes efforts afin de travestir la nature réelle du conflit. Ils ne parlent pas en termes d’occupation, mais bien de dispute pour la même terre, de lutte pour des frontières, comme s’il s’agissait d’un conflit opposant deux acteurs ayant le même degré de responsabilité. Il est extrêmement préoccupant que l’Union européenne elle-même soit tombé dans cette logique au nom d’un pragmatisme qui ne fait que favoriser le plus fort, c’est à dire Israël. Il est ainsi par exemple fréquent que l’UE et les gouvernements européens " appellent les deux parties à négocier " comme s’il s’agissait d’un contentieux entre deux " coupables " alors qu’il s’agit en réalité d’un occupation coloniale unilatérale.

4. Après le 11 septembre, le leadership des Etats-Unis dans les " initiatives de paix " dans la région est lié à leur plan pour tout le Proche et Moyen-Orient qui implique de mettre un terme aux mouvements et aux régimes islamiques ; d’organiser un vaste zone de libre échange ; de normaliser les relations entre Israël et les pays arabes en échange d’un Etat-croupion palestinien et de positionner Israël comme unique puissance régionale. Les points de vue des Etats-Unis et d’Israël s’appuyent également sur l’idéologie : la " guerre globale des civilisations " ; la " menace contre l’occident et ses valeurs libérales ", etc. Dans ce programme, la cause palestinienne doit s’accomoder d’un mini-Etat, totalement subordonné à la force et aux conditions imposées par Israël.

C’est à ce type d’Etat que font référence ceux qui affirment que sans Arafat, la paix est possible. Ils pensent qu’une nouvelle direction palestinienne devra accepter les propositions de Camp David, et même pire. Car comment croire que que, sans Arafat, Israël mettrait fin à l’occupation, démantélerait les colonies de Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est et accepterait le droit au retour des régugiés ? Arafat disparu, Israël accepterait-elle enfin les 37 résolutions des Nations Unies qu’elle n’a jamais respecté ? Il faudrait être pour le moins naïf pour y croire. Alors, de quelle paix parle-t-on ? S’agit-il d’une paix imposée avec le concours d’une direction palestinienne-marionnette à l’encontre de la volonté de la majorité du peuple palestinien ? C’est ce qu’il faut craindre. Car c’est précisemment l’un des reproches adressé à Arafat, qui n’a pas voulu mourir en trahissant son propre peuple.

Ariel Sharon a un agenda caché. Son objectif est d’abandonner Gaza afin de rester définitivement en Cisjordanie. Le coût économique et l’effort militaire destinés à maintenir 7.000 colons dans la petite Bande de Gaza dans laquelle vivent près d’un million et demi de Palestiniens ne compensent absolument pas l’aspiration religieuse des orthodoxes à maintenir l’occupation éternellement. Et pour qu’il soit clair que le retrait de Gaza ne signifie nullement de ne pas y revenir, Sharon a lancé une guerre préventive contre Gaza en tuant 130 personnes en à peine quinze jours. Le message est on ne peut plus clair : " nous pourrons toujours perpétrer un nouveau massacre quand bon nous semble ".

Sans Arafat, Sharon aspire à accomplir rapidement son agenda caché :
1. Faire du Mur, condamné par les Nations Unies et par le Tribunal international de La Haye, la nouvelle frontière provisoire qui laisserait aux Palestiniens moins de 50% de la Cisjordanie et cela avec l’aval de la nouvelle Autorité palestinienne ;
2. Consolider 90% des colonies de Cisjordanie ;
3. Faire en sorte que les Palestiniens acceptent la souveraineté sioniste sur Jérusalem en échange d’un statut spécial pour l’Esplanade des Mosquées ;
4 Forcer les Palestiniens à renoncer au droit au retour des réfugiés en échange de l’autorisation au retour pour un nombre infime et symbolique d’entre eux. Dans cet agenda caché, Israël se réserve le droit de statuer sur le tracé définitif des frontières, car Sharon ne mettra jamais un terme à l’expansion sioniste, ce serait signer sa mort politique. Il pourra donc reconnaître la caractère provisoire des frontières illégalement délimitées par le Mur, mais il ne renoncera jamais à toute la Judée et à toute la Samarie. La question d’une solution de paix par la définition des territoires n’est ainsi conçue par le gouvernement d’Israël que comme une parenthèse dans son aspiration à constuire de la Grand Eretz.

Le gouvernement des Etats-Unis soutiendra toujours ce projet. Dans sa conception obscène et perverse de la résolution du conflit, seule une Autorité palestinienne qui l’accepte sera qualifiée de " démocratique ". Il faut donc voir en conséquence jusqu’à quel point Sharon et Bush vont respecter des élections propres ou essayeront d’influer sur elles de manière décisive en désignant ceux qui doivent êtres élus. Il faudra également savoir si la direction actuelle de l’Autorité Palestinienne et de l’OLP vont reconnaître ou pas la nécessité d’incorporer le Hamas dans une stratégie d’unité nationale, notamment à l’encontre des pressions externes qui visent à imposer une guerre civile entre Palestiniens sous le prétexte de " nettoyer " Gaza et la Cisjordanie de tout terroriste.

Il reste enfin à savoir si l’Union européenne continuera une fois de plus à suivre les diktats des Etats-Unis avec leur " Feuille de route " trompeuse ou assumera une politique indépendante, débarrassée du chantage permanent qu’exerce Israël en instrumentalisant l’holocauste afin de neutraliser toute initiative européenne en faveur du peuple palestinien et de la simple justice. Jusqu’à présent, Solana et les autres dirigeants européens n’ont fait que des courbettes auprès de Sharon, soi-disant pour gagner sa confiance. Mais cette stratégie infame n’a servi qu’à ce que ce Sharon se moque de l’Europe et continue à appliquer son terrorisme d’Etat.

Iosu Perales est member de l’ONG basque "Hirugarren Mundua ta Bakea" ("Paix et Tiers Monde")

- Source : Parti Ouvrier Socialiste (POS) www.sap-pos.org

- Illustration : Sud PTT


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