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Où est Samer ???? Que lui ont-ils fait ???

Désolée de ne pas avoir écrit plus tôt....

La vie ici pour moi suit son cours : après une période de couvre-feu
relativement longue, nous avons enfin travaillé une semaine
entière...C’était la première semaine complète depuis la rentrée scolaire
(qui a eu lieu le 2 septembre...). Quand je pense qu’en France, vous en êtes
bientôt aux vacances de la Toussaint. Moi, samedi dernier, j’ai eu cours,
pour la première fois, avec les troisièmes...Je connais enfin tous mes
élèves !!!

Je n’avais pas très envie d’écrire ces derniers temps. Toujours la même
chose, les checks et les engueulades avec les soldats, les nerfs à vif, le
bruit des chenilles sur le goudron, les hélico, le couvre-feu, les balles
qui nous passent à 5 mètres....
Bref, pas de quoi fouetter un chat. Vos journaux vous l’ont dit, ou plutôt
leur silence vous le crie : "tout est calme" ici. Quelques morts
palestiniens chaque jour et voilà 
.

A Ramallah, nous avons beaucoup de chance. La situation est bien meilleure
qu’ailleurs en Cisjordanie, bien meilleure notamment qu’à Naplouse, Jénine
ou Tulkarem.
Depuis le 19 juin dernier, Naplouse est sous couvre-feu. Depuis, les
habitants ont, tous les 10 jours environ, une "pause" de quelques heures
pour se ravitailler.
Ces gens sont enfermés chez eux depuis le 19 juin.
Mes amis habitent là -bas. Rasha, brillante étudiante en pharmacie et
francophone non moins brillante. Rasha ne sort plus de chez elle depuis le
19 juin. Au téléphone, elle tentait de m’expliquer ce que ca fait quand on
sort enfin un peu : on doit réapprendre à vivre ensemble, à voir les
voisins, à leur dire bonjour, à faire les courses. C’est un peu comme quand
on sort de l’hôpital, un peu k.o, et sans repères...Elle devait finir sa fac
cette année et peut être continuer l’an prochain à Paris.
La fac a réouvert quelques jours la semaine dernière. Malgré les menaces
israéliennes. En effet, Israël a promis de bombarder la fac si les cours
reprenaient....

Et puis, il y a le camp de Balata, le plus grand camp de réfugiés de
Cisjordanie.
Ceux qui me connaissent depuis un moment savent sans doute que j’ai là -bas
une seconde famille : C’est Saed, mon meilleur ami ici, sa femme, ses
parents, ses frères et soeurs. Saed a mon âge, est ingénieur, parle
ukrainien, a épousé une Ukrainienne, Natacha.

Mes meilleurs amis. Ils habitent à 45km. Je ne les ai pas vus depuis 10
mois. Trop dangereux d’aller là -bas.
Alors, on se télephone. On se raconte nos couvre-feu respectifs et nos
expériences avec la soldatesque.
Ce soir, Saed m’a téléphoné. La voix cassée.
-"bonsoir, ca va ?
- oui, et toi ?
- bof...
- quoi ?
- Ils sont venus chez nous.
- Quoi ??!! Quand ?! Comment ?!
- La nuit de mardi à mercredi. Les forces spéciales. Dans la nuit. Ils nous
ont pris, moi et tous mes frères !
- Mohammad aussi ? [Mohammad a 14 ans]
- Oui, lui aussi. Ils n’ont laissé que mon père à la maison [70 ans passés]
- Mais comment, pourquoi ??
- Ils sont venus. Trois tanks autour de la maison. [la maison est toute
petite]. Et puis les soldats. Ils criaient et ils tiraient. Oh, c’était
horrible !!!Ils ne faisaient que ça, crier et tirer ! Ils avaient des armes
partout. Tu sais, c’est les forces spéciales. Ils étaient camouflés. Leurs
visages étaient peints. c’était un cauchemar !!
- Mais ils sont venus à quelle heure ?
- A trois heures du matin.
- En pleine nuit ??
- Oui. On dormait tous. on ne les a pas entendus approcher. Et tout d’un coup
ca a hurlé de partout. Ils ont tiré trois balles dans la porte. Ma mère
s’est précipitée pour ouvrir..."

Sa mère.....une vieille femme toujours belle. Elle se prénomme Shoms, ce qui
en arabe signifie "soleil". Il lui va si bien ce nom...Quand je pense à 
elle, je la vois sourire, je vois ses yeux verts clairs qui pétillent. Je la
vois assise par terre en tailleur, berçant un de ses petits-enfants, ou
m’apprenant à rouler correctement des feuilles de vigne. La dernière fois
que je l’ai vue, elle avait des problèmes avec son genou droit. Je
l’imagine, boitant vers la porte pour ouvrir aux forces spéciales de
Tasahal....
-"Ma mère s’est précipitée pour ouvrir. On s’est tous levés. j’ai attrapé
Ahmad [son fils de 2 ans] et j’ai hurlé à Natacha de prendre Nour [sa fille
de 6 mois, que je ne connais toujours pas].Ils nous ont tous fait sortir. On
était tous en pyjama, pied nus. Les hommes d’un côté, les femmes et les
enfants de l’autre. tous dehors, dans la nuit et les lumières aveuglantes
des tanks. Un soldat m’a hurlé de lâcher Ahmad, que j’avais dans mes bras.
Ahmad s’accrochait à moi, il hurlait presque aussi fort que le soldat. Mes
frères et mon père étaient là . Ma mère et les femmes et les enfants de mes
frères aussi. Tout le monde ! On était tous dehors !! Même Nour ! En pleine
nuit !"

Je les connais tous....Mohammad, 14 ans, et son désir d’apprendre le
français ; Raed au chômage depuis bien longtemps et dont le deuxième fils est
à peine plus âgé que Nour ; Khaled, l’aîné, qui a fait de nombreux séjours en
prison pendant la première Intifada ; Hayed,qui travaillait en Israël avant
l’Intifada et qui est au chômage depuis 2 ans, ce qui a contrarié ses
projets de mariage ; Samer, qui lui s’est marié il y a à peine un an. C’est
le plus drôle de la famille. avec lui, on passe des heures à se raconter des
blagues ; il passe des heures à jouer avec ses neveux[Ahmad est presqu’autant
attaché à lui qu’à son père] ; Saher est rentré cet été : il était en Ukraine
depuis plusieurs années pour ses études qu’il a brillamment réussies.
Saher justement....

-"les soldats ont demandé à Saher de prendre tous les téléphones portables
de la maison...Après ils les ont confisqués
- Ils les ont rendus ?
- Non ! On ne les a plus ! On a eu 10 minutes pour tout ça, sortir, ramasser
les télephones et tout. Dix minutes après, ils nous ont bandés les yeux,
ligotés les mains et nous ont emmenés au poste militaire de Hiwara [ une
dizaine de km de Naplouse].Ils nous ont interrogés et à l’aube, on est
repartis....sans Samer.
- Quoi ????!!!!!!!! Il est où, Samer ???????????
- Toujours avec eux. on ne sait pas ce qu’ils lui font. On n’a pas de
nouvelles de lui. Aujourd’hui mon père a essayé de voir si on pouvait en
savoir plus, mais rien à faire.....On est revenus à pied, à l’aube, en
pyjama, pied nus, de Hiwara à Naplouse, les mains ligotés...et on ne sait
pas ce qui se passe avec Samer.Maman ne dort plus, Papa non plus. On ne sait
plus quoi faire.
- Mais pourquoi Samer ? Qu’est-ce qui se passe avec lui ?
- Rien...le pauvre, il a été blessé par une fusée éclairante juste avant. Une
fusée a atterri dans sa chambre, alors qu’il était au lit. Il a reçu des
éclats, sa femme aussi. On les a emmenés à l’hôpital. Ils sont blessés tous
les 2, mais rien de grave. Sur le coup, on ne s’est pas beaucoup inquiétés.
C’est maintenant qu’on a peur.... Ils vont peut être l’accuser d’avoir un
atelier de bombes artisanales ds sa maison ....[ce qui est quand même assez
drôle :le couple n’a pas assez d’argent pour acheter des meubles ; la maison
est absolument vide, à l’exception du lit, dans lequel ils étaient quand ils
ont été blessés.]
Saed reprend :
- "Je n’ai jamais eu si peur de toute ma vie. Et je ne souhaite à personne de
connaître une telle journée ! J’ai cru qu’on allait tous mourir. Et je ne
sais même pas ce qui se passe avec mon petit frère !"

Un sanglot.

C’est chez eux que j’ai appris l’arabe, chez eux que j’ai appris à vivre à 
la palestinienne. Sans me connaître, ils m’ont ouvert leur porte. La maman
me sourit, le papa me parle de ses deux orangeraies, là -bas, si loin, à 
Jaffa. Mohammad n’aime pas l’école parce que dans son école il n’y a pas de
français. Samer m’accompagne jusqu’à la station de taxi. Raed me parle de la
première Intifada. La fille aînée de Khaled veut que je la coiffe. Natacha
me parle dans un mélange de russe, d’arabe et d’anglais. Saher fume un
narguilé sous le jasmin.

Je ne peux pas les imaginer, à l’aube, pieds nus, mains ligotées, sur la
route. Comme de vulgaires malfrats.
Je ne peux pas imaginer les parents morts d’angoisse pour leurs 7 fils
pendant cette nuit maudite.
Non, je ne peux pas.

Où est Samer ????
Que lui ont-ils fait ????

Oui, Saed, je vais leur dire ce qu’ils vous ont fait...

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