Babelouest,
Pardonne-moi le ton sec de mon précédent commentaire.
Je te raconte quelque chose.
Dans mon petit village de l’Aveyron, j’ai récemment fait partie d’un collectif anti-pylône. En effet, une des premières décisions du maire nouvellement élu et enfant du village, ça a été de donner son aval à la construction d’une tour métallique de près de 50 m allant accueillir ces antennes-relais qu’on voit pousser un peu partout.
N’étant ni dans le périmètre visible, ni dans le rayon potentiel des ondes, j’ai rejoint ce collectif par solidarité pour mes voisins du hameau concerné et parce que je trouve ce truc particulièrement laid et que je devrai passer devant quotidiennement.
Je n’ai pas d’avis tranché sur la question des ondes, ne connaissant autour de moi personne qui soit électro-sensible. Je refuse systématiquement le compteur Linky mais pour la raison que je ne veux pas qu’on contrôle ma consommation et que je suis parfaitement satisfait de mon installation old-school. Cependant, dans mon logement précédent, je les avais naïvement laissé installer ce nouveau compteur. Je rentrais d’années à l’étranger et n’était pas vraiment informé à ce propos. Cela dit, je n’y ai vu aucune différence.
Après moult réunions de ce collectif, il en est ressorti que l’argument number one pour refuser ce machin, c’était effectivement sa laideur. Le problème des ondes n’était absolument pas unanime voire considéré comme un argument de poids étant donné le peu d’habitants concernés par un pylône qui certes surplombera la vallée mais dans un coin à faible densité de population et où les vaches sont plus nombreuses. Les deux axes privilégiés par le collectif furent donc l’aspect environnemental et paysager d’une part, anti-démocratique d’autre part puisque cette décision avait été prise sans concertation.
Bien que nous ayons eu vent de victoires remportées par d’autres collectifs de ce genre alentours, elles n’ont été possibles, semble-t-il, que dans le cas où la mairie était du même côté que les protestataires. Or, comme notre collectif s’opposait à une mairie inflexible, l’affaire fut vite pliée, les contrats ayant été signés en bonne et due forme quoiqu’en parfaite violation de la plus élémentaire démocratie.
En fait, l’explication est simple et c’est un des faits intéressants révélés par ce différend, premier du genre.
Le maire, avant d’être maire, est connu de tous comme une personne joviale, amène, mais dans sa fonction un chouïa moins versée dans la diplomatie que le maire précédent. Les gens du village sont sympathiques et accueillants avec les nouveaux venus. Bien sûr, c’est une vision quelque peu candide, car l’affaire du pylône a mis au jour l’existence de deux camps schématiquement représentés ainsi : les locaux et les néos. Bien que la frontière entre les deux soit poreuse, selon les intérêts de chacun, c’est grosso modo cela.
Ce mini-conflit qui n’a fait aucun mort ni aucun blessé est bien la concrétisation de cette différence peu visible au quotidien :
Les locaux qui ont grandi et vécu toute leur vie dans cet environnement rural protégé et isolé appellent la modernité de leurs voeux que ce soit sous la forme de la fibre optique ou d’un pylône 5G. Le maire n’a donc vu aucune malveillance à prendre cette décision seul puisqu’il la pensait juste et bonne pour tout le monde y compris pour les néos dont certains râlent régulièrement parce que le réseau mobile est merdique.
Les néos qui se sont installés ici pour certains depuis déjà longtemps sont venus chercher la nature vierge et sa beauté et rejettent tout ce qui pourrait l’enlaidir ou la corrompre.
Mais il y a des failles dans ces visions, autant d’un côté que de l’autre.
Les locaux, aussi chaleureux soient-ils, ont du mal à accepter l’idée de laisser un peu de place à ses nouveaux arrivants dans les décisions locales, effrayés qu’ils sont par ce « Grand Remplacement » en miniature. En gros, c’est « Sois le bienvenu mais ferme ta gueule ! »
Les néos, et moi le premier, se contredisent et veulent le beurre et l’argent du beurre : quand Internet est coupé, ça gueule contre le non-enfouissement des lignes téléphoniques et la lenteur des réparations, quand une conversation téléphonique est interrompue douze fois par faute de réseau, ça gueule contre ledit réseau et en réclame un meilleur à condition que les antennes soient chez les autres.
Et puis, il y a aussi l’agriculteur bio qui a loué son champ au pylône parce qu’il a du mal à joindre les deux bouts.