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Nous sommes Women Against Rape et nous ne voulons pas que Julian Assange soit extradé (The Guardian)

Depuis des décennies, nous menons des campagnes pour que les violeurs soient arrêtés, inculpés et condamnés. Mais la poursuite d’Assange est politique.

Lorsque Julian Assange a été arrêté, nous avons été frappées par le zèle inhabituel avec lequel il a été poursuivi pour des allégations de viol.

A présent, il paraît encore plus évident les allégations ne sont qu’un écran de fumée derrière lequel un certain nombre de gouvernements tentent de sévir contre Wikileaks pour avoir audacieusement révélé au grand public leurs plans secrets de guerres et d’occupations et toutes les conséquences en matière de viols, d’assassinats et de destructions.

La justice pour un homme accusé de viol ne constitue pas un déni de justice pour ses accusatrices. Mais dans cette affaire, la justice est refusée à la fois aux accusatrices et à l’accusé.

La procédure judiciaire a été viciée. D’une part, les noms des femmes ont circulé sur Internet ; elles ont été calomniées, accusées d’organiser un piège et ont vu leurs accusations rejetées comme n’étant « pas un vrai viol ». D’autre part, Assange est traité par la plupart des médias comme s’il était coupable bien qu’il n’ait même pas été inculpé. Ce n’est pas à nous de décider si les allégations sont vraies ou fausses ni si les faits relèvent du viol ou de violence sexuelle - nous n’avons pas tous les éléments en main et tout ce qui a été dit jusqu’à présent est loin d’être probant. Mais nous savons que le droit des victimes de viol à l’anonymat et le droit des accusés à la présomption d’innocence jusqu’à ce que leur culpabilité soit établie sont tous deux indispensables pour un procès équitable.

Les tribunaux suédois et britanniques sont responsables de la façon dont les accusations des femmes ont été traitées. Comme dans chaque affaire de viol, ce ne sont pas les femmes qui sont en charge de la procédure, mais les autorités.

Qu’Assange soit coupable ou non de violence sexuelle, nous ne croyons pas que ce soit la véritable raison des poursuites engagées contre lui. Une fois de plus, la colère et la frustration des femmes devant le nombre de viols et autres violences sexuelles sont instrumentalisées par les pouvoirs politiques. Les autorités se préoccupent si peu des violences contre les femmes qu’elles manipulent les accusations de viol comme bon leur semble, généralement pour renforcer leurs pouvoirs, et dans le cas présent pour faciliter l’extradition d’Assange ou même sa restitution aux Etats-Unis. Que les Etats-Unis n’aient pas encore présenté de demande pour son extradition à ce stade de l’affaire n’est pas une garantie qu’ils ne le feront pas une fois qu’il sera en Suède ni qu’il ne sera pas torturé comme Bradley Manning ou de nombreux autres, femmes et hommes. Women Against Rape ne peut pas ignorer cette menace.

En plus de trente années de travail auprès de milliers de victimes de viol qui cherchent asile en raison de viols et autres formes de torture, nous nous sommes heurtées à l’obstruction systématique des gouvernements britanniques. A maintes reprises, ils ont accusé les femmes de mentir et les ont déportées sans se préoccuper de leur sécurité. Nous travaillons actuellement avec trois femmes qui ont été à nouveau violées après avoir été déportées - l’une d’elles est maintenant dans la misère, se battant pour survivre avec l’enfant né de son viol ; une autre a réussi à revenir en Grande-Bretagne et a gagné le droit de rester et une troisième a obtenu une indemnisation financière.

Assange a fait clairement savoir pendant des mois qu’il acceptait d’être interrogé par les autorités suédoises, en Angleterre ou via Skype. Pourquoi refusent-elles cette étape essentielle pour leur enquête ? De quoi ont-elles peur ?

En 1998, le dictateur chilien Augusto Pinochet a été arrêté à Londres suite à une demande d’extradition de l’Espagne. Sa responsabilité dans les meurtres et les disparitions d’au moins 3000 personnes, et la torture de 30 000 personnes, incluant des viols et des abus sexuels de plus de 3000 femmes souvent en utilisant des chiens, ne fut jamais mis en cause. En dépit d’une longue procédure judiciaire et de manifestations quotidiennes devant le parlement par les réfugiés Chiliens, y compris les femmes qui ont été torturées sous Pinochet, le gouvernement britannique a failli à son obligation envers la Justice espagnole, et Pinochet a été autorisé à rentrer au Chili. Assange n’a même pas été inculpé ; et pourtant la détermination de l’extrader est bien plus grande qu’elle ne l’a été avec Pinochet. (Baltasar Garzón, dont la demande d’extradatiion de Pinochet fut rejetée, représente Assange). Et il y a aussi un passé historique en Suède (et en Grande-Bretagne) qui ont déjà extradé des demandeurs d’asile qui risquaient de subir la torture aux Etats-Unis.

Comme les femmes en Suède et partout ailleurs, nous voulons que les violeurs soient arrêtés, inculpés et condamnés. Nous menons des campagnes dans ce but depuis plus de 35 ans, avec des succès limités. Il nous arrive même de devoir mener campagne pour défendre des victimes de viols qu’on accuse de mentir et qui sont emprisonnées. Deux femmes qui ont rapporté des attaques visiblement violentes par des étrangers ont écopé de deux et trois années de prison.

Mais qui croit réellement que l’extradition d’Assange servira la cause des femmes ? Et ceux qui soutiennent son extradition vers la Suède se préoccupent-ils du risque qu’il soit extradé ensuite vers les Etats-Unis et torturé pour avoir révélé au grand public ce que nous avons besoin de savoir sur ceux qui nous gouvernent ?

Katrin Axelsson, Lisa Longstaff

Traduction par Romane de l’article "We are Women Against Rape but we do not want Julian Assange extradited" paru dans The Guardian le mardi 23 août 2012.

»» http://www.guardian.co.uk/commentis...
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