Alors que l’Algérie s’apprête à célébrer et à fêter le 50ème anniversaire de l’indépendance, un militant des droits de l’Homme Hadj Smaïn vient d’être jeté en prison pour être resté fidèle aux idéaux des martyrs de la révolution et pour le combat qu’il mène aux côtés et avec les victimes de la décennie rouge, les familles des disparus, contre l’arbitraire, l’injustice et les multiples et récurrentes atteintes à l’intégrité physique et morale et à la dignité de la personne humaine.
Mais qu’a donc fait Hadj Smaïn de si grave pour que la justice s’acharne sur lui comme un vulgaire délinquant malgré son âge et son état de santé précaire ?
Ce militant très courageux des droits de l’Homme est responsable de la section de Relizane de la LADDH. Il est d’une ville qui s’est fait connaitre durant la décennie rouge par la violence inouïe exercée contre la population, soit par les groupes islamiques armés, soit par des milices sous le contrôle de véritables seigneurs de guerre.
Le Chef du gouvernement actuel a lui-même reconnu que le plus grand massacre collectif a eu lieu dans cette wilaya ; il a donné le chiffre effrayant de mille personnes tuées, soit nettement plus ce qui s’est produit de sinistre mémoire à Bentelha et Raïs dans la banlieue d’Alger. Relizane est également connue pour le combat sans merci que se sont livrés Hadj Smaïn et Hadj Fergane alors Maire de la ville et responsable des patriotes ou de groupes dits de légitime défense. Cet affrontement est symbolique et emblématique de l’opposition entre ceux, pour qui l’impératif du sauvetage du pays menacé par les groupes islamiques armés autorise l’utilisation de tous les moyens et justifie toutes les formes de dépassement, et ceux qui estiment que le contexte de chaos ne saurait excuser les atteintes graves aux droits fondamentaux de la personne humaine. Crime de lèse majesté, Hadj Smaïn a eu l’audace et l’impudence de localiser et de signaler l’existence d’un charnier qui a été déplacé par la suite vers un lieu inconnu, ce qui lui a valu des poursuites judiciaire et une plainte fût déposée contre lui pour « diffamation » , « outrage » et « dénonciation de crime imaginaire » par Mohamed Fergane ancien maire de Relizane à l’époque et responsable de la milice. La presse, notamment le journal « le Quotidien d’Oran » s’est faite le relai et a relaté les péripéties de cette affaire ainsi que ses rebondissements ; Hadj Fergane ainsi qu’un autre maire, celui de la commune de Jdioui, Hadj Abed et d’autres miliciens, ont été arrêtés et relâchés trois jours après malgré leur inculpation pour crimes graves ; leur procès n’a toujours pas eu lieu à ce jour.
S’il fallait donner une preuve, une seule preuve de l’inanité de la démarche officielle portant paix et réconciliation nationale, le traitement réservé à cette figure emblématique de la lutte pour le respect de la personne humaine qu’est Hadj Smaïn en est une illustration parfaite. Hadj smaïn en prison, c’est assurément une manière fort singulière d’instaurer la paix et la réconciliation. C’est la paix version des puissants telle que conçue par les bourreaux au détriment des victimes. Le pouvoir vient de nous administrer la preuve que les puissants sont exonérés de leurs turpitudes et les peines sont infligées aux victimes pour leur vulnérabilité et surtout leur innocence.
L’emprisonnement de Hadj Smaïn n’est pas un cas isolé, il participe d’un climat général et d’une tendance lourde, ceux inhérents à un système fondé sur l’autoritarisme et le non respect des droits humains et obnubilé par sa survie.
La peur panique qui s’est emparée du pouvoir face aux bouleversements que connait la région le pousse à user et abuser de tous les moyens en sa possession pour mettre au pas la société et freiner et dévoyer son aspiration au changement. les autorités n’hésitent pas à bâillonner toute voix discordante et à réprimer tous ceux qui osent réclamer la justice et leurs droits, tous ceux qui contestent sa politique et qui oeuvrent pour l’édification d’un état de droit. Dans les enceintes internationales le pouvoir donne de lui une image idyllique, n’est-ce pas Mr Medelci, Ministre des affaires étrangères, n’est-ce pas Mr Razak Bara, Conseiller à la présidente de la République, à l’occasion de l’examen périodique universel consacré à la situation des droits de l’Homme en Algérie. Mais jusqu’à quand ce déni de réalité et jusqu’à quand ce décalage entre proclamations, déclarations, discours et les réalités et les pratiques de tous les jours marqués et caractérisés par les atteintes aux droits fondamentaux, droit à l’expression, droit à l’association, droit à la manifestation etc…
La libération immédiate et urgente de Hadj Smaïn est certainement le meilleur gage que peuvent donner les autorités algériennes et à leur tête les instances judiciaires quand à leur volonté de se conformer à leurs engagements internationaux en matière de droit civil et politique.
Abdelkader. B.
fils de disparue.
Collectif Vérité Et Justice sur les disparitions forcées en Algérie.