4 janvier 2007.
POSITION DU SYNDICAT NATIONAL DES PAYSANS DU BENIN (SYNPA)
Par souveraineté alimentaire, nous entendons « le droit des peuples à définir leurs propres politiques et stratégies durables de production, de distribution et de consommation d’aliments » [1]
Ces politiques doivent garantir le droit à l’alimentation à toute la population, sur la base de la petite et moyenne production, en respectant leurs propres cultures et la diversité des modèles paysans d’agriculture au sens strict, de pêche, d’élevage, de chasse et d’autres productions agricoles, de commercialisation, et de gestion des espaces ruraux, dans lesquels les femmes jouent un rôle fondamental.
Mais à ce jour, la question de la faim demeure encore un problème toujours d’actualité et loin d’être résorbé, malgré les engagements des gouvernants et des instances internationales, malgré aussi les progrès de la science et l’augmentation considérable de la production. La réflexion autour de la faim, la façon d’aborder et d’analyser la question ainsi que les réponses apportées ont beaucoup évolué. Il n’est plus question aujourd’hui de nourrir ceux qui souffrent de la faim. L’assistance à travers l’Aide Alimentaire, a fait la preuve de son inefficacité à résoudre durablement le problème, quand elle n’a pas eu un impact négatif sur l’agriculture locale (concurrence déloyale) ainsi que sur la façon de se nourrir (modification des habitudes alimentaires).
Pour la Synergie Paysanne, la réponse au problème de la faim, passe nécessairement par le développement qui est en effet, le moyen de permettre aux individus, et aux populations de se donner les possibilités d’assurer par eux - mêmes, leur propre autonomie alimentaire, en produisant en quantité suffisante, une nourriture adéquate et équilibrée qui corresponde à ses goûts et à ceux de son entourage.
C’est dire que si aujourd’hui, on voit apparaître des notions comme droit à l’alimentation, sécurité alimentaire, et souveraineté alimentaire, ce sont là des explications de cette idée de la faim. Un droit humain fondamental qui a des liens multiples comme :
- L’accès aux ressources naturelles (l’eau, la terre, les ressources génétiques,...)
- Les mécanismes internationaux ......
Les moyens technologiques et financiers de résoudre la question de la faim existent, mais, la volonté politique est-elle au rendez-vous ?
L’agriculture, l’élevage et la pêche nourrissent les hommes et fondent les traditions sociales et culturelles. Elles sont la clé du développement économique de notre pays, et façonnent le territoire. Mais aujourd’hui, ces activités vitales sont de plus en plus dominées par une logique purement commerciale, qui ne permet pas de répondre aux besoins essentiels de la population, notamment des plus pauvres. En effet, vers la fin des années 90, le Bénin, à l’instar des autres états du monde, s’est engagé solennellement à tout entreprendre pour réduire de moitié la faim et la pauvreté d’ici à 2015 d’abord, dans la Déclaration du Sommet Mondial de l’Alimentation en 1996 à la FAO puis dans la Déclaration du millénaire en 2000 aux Nations Unies. Au plan interne, sous l’impulsion de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International, il y a eu l’adoption du document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) et la Déclaration de Politique de Développement Rural (DPDR) qui n’ont apporté qu’une augmentation de la pollution environnementale par les fumées et gaz des milliers de véhicules 4 x 4 des projets conçus pour la sécurité alimentaire. Le choix de privilégiés, la voie du libéralisme total a contredit ces nobles objectifs. Les intérêts des plus pauvres sont niés, les inégalités se creusent au sein des communautés, les ressources naturelles sont contrôlées de plus en plus par une minorité à la recherche du maximum de bénéfice à court terme, éloignant de plus en plus la gestion de ces ressources des conditions d’un développement durable.
La Synergie Paysanne s’insurge contre ces manières de gérer le Bénin, et déclare qu’il est encore temps de réviser ces politiques, en replaçant le respect des droits humains et, notamment le droit à l’alimentation au coeur des politiques économiques. C’est pourquoi dans son document cadre « Manifeste du Syndicat des Paysans du Bénin » elle a exigé du gouvernement et de toutes les institutions de la République,
- Le vote de la loi sur le foncier rural qui sécurisera tout investissement dans l’agriculture.
- La mécanisation rapide de l’agriculture pour réduire la pénibilité du travail de la terre.
- Un financement adapté à l’agriculture.
- La mise en place d’un mécanisme de régulation des prix des produits agricoles.
- La non signature en leur état actuel des Accords de Partenariat Economique (APE).
- La non introduction des OGM dans notre agriculture, car la lutte contre la faim et la pauvreté, passe par l’appui à un développement agricole qui prend en compte les besoins et les droits des petits producteurs.
Pour la Synergie Paysanne, la jouissance par nos communautés de ces différents droits répond au libre choix des paysans des techniques de production ainsi que le libre accès aux ressources génétiques nationales, régionales et internationales.
Mais, depuis les premières commercialisations en 1994 des OGM, ce droit est mis à rudes épreuves : les brevets qui risquent d’avoir des conséquences graves pour les paysans et populations du Bénin qui, à 70% est rural, dépend de la production agricole. Les variétés de plantes cultivées sont le résultat d’un processus de sélection basée sur la production et l’utilisation de semences de ferme essentielles pour la préservation de la diversité génétique agricole et la souveraineté alimentaire.
Le 06 mars 2002, en Conseil des Ministres, le Bénin est placé par décret sous un moratoire de cinq (05) ans. Durant cette période, l’importation, la commercialisation et l’utilisation de produits OGM ou dérivés sont interdits. Cinq (05) ministères ont été instruits pour prendre des responsabilités dans la mise en oeuvre du moratoire. Mis à part la ratification du protocole de Carthagène, plus rien n’est fait, sauf la mise en place d’un comité national de biosécurité mort-né.
L’incompréhensible pour le commun des béninois, c’est le comportement de l’Institut National des Recherches Agronomiques du Bénin (INRAB) et du Centre Béninois de Recherche Scientifique et Technique (CBRST) qui ont pourtant été à l’origine du moratoire. Ils sont restés tout le temps muets comme leurs collègues de la santé, de l’enseignement supérieur et de l’environnement.
Les tables rondes télévisées et radio-diffusées, et les enquêtes sont restées lettres mortes. Les étiquetages de produits pour renseigner les consommateurs en produits OGM qu’en a - t -on fait ? Ou alors, s’est-il agi d’un "opéra bouffe" dans cette affaire comme le font habituellement nos cadres et décideurs au Bénin et en Afrique ? Nous avons vu dans cette Afrique des ténèbres, des chefs d’Etats francophones prononcer des discours en anglais à cause des OGM. Les dollars seraient-ils entre temps passés au Ministère de l’Agriculture de l’Elevage et de la Pêche (MAEP) ?, au Ministère de l’Environnement de l’Habitat et de l’Urbanisme (MEHU) devenu depuis l’année dernière Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature (MEPN) ?, au Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESRS) ? et au Ministère de la Santé Publique ? Sinon, pourquoi ce silence assourdissant ?
On a comme l’impression que toutes les Institutions de la République sont toutes complices, surtout l’Assemblée Nationale qui depuis, a promis d’interpeller le gouvernement et qui, elle aussi, adopte la même attitude en couvant des oeufs pourris par la chaleur des dollars américains comme font nos cadres.
Nous sommes conscients aujourd’hui que la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International et l’UEMOA n’ont jamais voulu de la souveraineté alimentaire des pays pauvres. En effet, sur la question de l’accès à la terre, selon la banque mondiale, les réformes agraires / foncières doivent être des réformes assistées par le marché et par la protection des droits de propriété. Ce concept présuppose que la loi de l’offre et de la demande peut s’appliquer au problème foncier. Il s’agit là de la marchandisation de la terre et que le paysan doit donc négocier avec les grands propriétaires terriens. Cela pousse, selon la banque mondiale, le paysan à prendre des initiatives, et le force à trouver des solutions pour rendre sa terre plus productive. Reconnaissons là tout de suite qu’il s’agit de politiques macro-économiques dictées par une économie de marché qui favorise les multinationales, en ne plaçant pas réellement les paysans et leur communauté au centre du dispositif du développement national. La Banque Mondiale, ce faisant, promeut la globalisation du marché alimentaire industriel, la libéralisation des échanges, la privatisation et la promotion du génie génétique dans l’agriculture, donc des OGM. Il s’agit donc d’un complot.
Nous sommes tous interpellés, que nous soyons du Sud ou du Nord. Mobilisons-nous d’avantage car pour nous, les mécanismes de la Banque Mondiale à travers les Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) ne réduisent pas la pauvreté, mais favorisent plutôt les multinationales et les grands producteurs. Nous sommes également conscients des pressions des différents relais de la Banque Mondiale, et du manque de patriotisme de nos élites qui ignorent que les moyens d’existence des millions d’agriculteurs sont de ce fait en péril, en acceptant les instruments de corruption que sont entre autres, le Millénium Challenge Account (MCA) des Etats Unis (cinq milliards de dollars par an) à un groupe de pays dont le Bénin.
Décideurs politiques, chercheurs du Bénin et d’Afrique, sachez que malgré votre volonté d’aller contre les désirs des paysans de continuer à puiser dans leur patrimoine génétique agricole encore vierge, les organisations paysannes et les associations de consommateurs n’accepteront jamais les essais en champ des OGM, contre des millions de dollars US. Elles se lèveront toutes, comme un seul homme pour procéder aux arrachages des plants génétiquement modifiés où qu’ils se trouvent.
Qui jusqu’à ce jour a pu contrôler les risques liés aux OGM, la contamination, les risques liés à la consommation ? Alors contrôlons la morale de l’histoire à son début.
Vive l’agriculture paysanne ! Vive la souveraineté alimentaire ! Vive la solidarité entre les peuples ! Non à l’assujettissement des paysans !
Fait à Sè (Bénin), le 4 Janvier 2007
– Source : www.grain.org
Forum Souveraineté Alimentaire - délaration de Nyéléni : Pourquoi nous battons-nous ?
Afrique à l’heure du Forum social, par Jean Nanga.
Sahel : impact positif des investissements pour lutter contre la désertification, par Brahima Ouédraogo.
Plus de 860 millions de personnes souffrent de faim. 30 millions de personnes en meurent - Nieleny 2007, Forum Mondial pour la Souveraineté Alimentaire.