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Neuf thèses sur la contre-révolution néolibérale (Carta Maior)

On observe au Brésil la mise en place d'un nouveau régime d’organisation du pouvoir et de droits qui souhaite substituer le régime né de la Constitution de 1988.

1) Ce qui est en cours au Brésil n’est pas seulement un coup d’État renversant un gouvernement légitimement élu, mais une contre-révolution néolibérale typique d’une troisième phase régressive du néolibéralisme sur le plan international.

Si les années 80 avaient été marquées par la domination d’un nouveau courant régressif du libéralisme, critique et corrosif du libéralisme social qui avait prédominé dans les années d’après guerre, si les années 90 exprimèrent, après la dissolution de l’URSS, une désorganisation avancée de la tradition et du programme social-démocrate à travers ce que l’on appela les troisièmes voies, les premières années de ce siècle ont vu l’apparition d’une radicalisation régressive du programme néolibéral qui s’organise en un front de forces et de dirigeants proto-fascistes.

C’est par une attaque radicale contre les principes républicains et démocratiques fondamentaux que le néolibéralisme, dans sa troisième phase, prétend résoudre son incapacité à former une majorité dans les démocraties, et légitimer une nouvelle vague d’attaques contre les droits humains et sociaux.

2) Cette caractérisation d’une contre-révolution néolibérale internationale, dans sa troisième phase régressive, est fondamentale pour comprendre son programme, sa dynamique, sa force.

La gauche latino-américaine, en liant lutte sociale et lutte démocratique, avait réussi, ces quinze dernières années, à vaincre les forces néolibérales par des programmes de démocratisation du pouvoir politique, d’inclusion, par de nouveaux droits sociaux et par une affirmation des souverainetés nationales.

Par différents processus de degrés variés, la gauche a été mise sur la défensive et est maintenant renversée par des politiques organisées par le néolibéralisme dans sa troisième phase régressive. Comme cette offensive néolibérale utilise et instrumentalise des mécanismes internes aux propres institutions démocratiques, la gauche a d’autant plus de difficultés à affronter cette nouvelle vague conservatrice néolibérale-fasciste.

3) C’est à partir de ce cadre général que nous devons comprendre le programme de contre-révolution néolibéral-fasciste qui est en cours au Brésil. Elle associe le renversement inconstitutionnel du second gouvernement Dilma avec une ample criminalisation de la gauche et des mouvements sociaux, et impose un programme de réformes constitutionnelles qui porte atteinte aux droits démocratiques fondamentaux gravés dans la république démocratique fondée en 1988, et jusqu’aux droits des travailleurs inscrits dans la Constitution de 1946.

La violence, non seulement anti-socialiste mais anti-républicaine et anti-démocratique, contenue dans ce programme contre les droits humains, les travailleurs, les pauvres, les sans-terre et les sans-toit, les noirs, les femmes, les indiens, les homosexuels, exige qu’il soit qualifié comme l’actualisation d’un programme de barbare.

4) La différence entre une position ultra-conservatrice et une position fasciste est que la première fait valoir des jugements et des préjugés contre la gauche et ses luttes historiques, mais reconnaît l’existence de droits civils et du pluralisme ; alors que la position fasciste n’accepte même pas de discuter mais cherche à construire son exécration publique et l’exterminer de la scène politique.

Dans la conjoncture brésilienne actuelle, cette exécration se fait par la généralisation sélective de l’accusation de corruption (le Parti des Travailleurs serait néo-patrimonialiste, selon l’ancien président Fernando Henrique Cardoso, ou « une association criminelle qui a pris d’assaut le pouvoir », dans la version plus vulgaire de Aécio Neves – le candidat malheureux des dernières élections présidentielles - ou de Janot, le Procureur Général de la République). Cette exécration se fait aussi par le biais du fondamentalisme religieux (la gauche serait sataniste), voire par un discours explicitement fasciste, comme dans les paroles de Bolsonaro [1] ou du MBL - Movimento Brasil Livre). L’extermination politique de la gauche dans cette « démocratie » se ferait par la large criminalisation, par un biais judiciaire répressif, de ses partis, de ses dirigeants et des mouvements sociaux.

5) La dynamique de la contre-révolution néolibérale-fasciste combine quatre dimensions décisives. La première est le processus de radicalisation néolibérale du programme du PSDB (parti d’opposition, de l’ex-président Fernando Henrique Cardoso, et du candidat à la présidence Aécio Neves NdT) qui l’a entraîné vers l’alliance avec la droite proto-fasciste, en adoptant une stratégie putschiste de non-reconnaissance du résultat des élections présidentielles de 2014.

Ce déplacement du PSDB est fondamental pour comprendre la dynamique de la contre-révolution, non seulement dans son programme mais aussi, par sa forte présence au sein du pouvoir financier, des entreprises, des médias et des institutions, comment il est capable d’organiser une coalition putschiste majoritaire au Congrès National, tout en s’articulant également au sein des corporations judiciaires et la Police Fédérale.

Cette radicalisation néolibérale du programme du PSDB a valu à ses gouvernements des États une très grande impopularité (São Paulo et principalement le Paraná). Elle lui a fait perdre sa base historique d’intellectuels qui maintenait encore quelques traits progressistes et renouvela par la droite sa base de représentation parlementaire, en accentuant sa rhétorique anti-pluraliste.

6) La seconde dimension historique décisive et le nouveau rôle et le nouveau discours des oligopoles des médias qui dominent la communication publique au Brésil, au diapason de la pensée politique du PSDB.

Ces médias dominants ont été fondamentaux pour la légitimation du processus de judiciarisation de la démocratie, pour la mobilisation des foules et pour la dissémination dans la société d’un discours haineux contre la gauche brésilienne. Ce discours de haine, qui se caractérise par l’exécration et le lynchage moral de l’opposant, autorisant et incitant à son extermination, est absolument typique des moments historiques de régression de la démocratie, comme le fascisme, le nazisme, le franquisme et le salazarisme.

C’est une nouvelle étape, au au-delà de la partialité et et de l’anti-pluralisme en cours dans les oligopoles des médias au cours des dernières décennies. Il s’agit de la légitimation d’un régime anti-républicain et anti-démocratique, de type néolibéral-facsiste.

7) La troisième dimension décisive est le processus de judiciarisation avancé de la démocratie, qui s’articule autour d’une conception policière du combat contre la corruption systémique au sein de la démocratie brésilienne.

Cette conception policière du combat contre la corruption prétend abolir le processus légal, la présomption d’innocence et les droits humains, par une violation systématique de la Constitution et des lois pénales, par une condamnation publique et l’emprisonnement préventif abusif ainsi que par une diminution drastique des droits de la défense des accusés.

Cette conception policière, qui organise l’Opération Lava Jato et l’action du Ministère Public Fédéral, a été légitimé dans sa pratique par la Cour Suprême, et est devenue dominante au sein du pouvoir judiciaire brésilien. Elle est partisane, arbitraire et sélective, formant des jurisprudences et des tribunaux d’exception, typiques des périodes régressives de la démocratie et de la république.

8) La quatrième dimension décisive est la formation d’une base de masses néolibéral-fasciste, qui promeut et organise des attaques publiques contre la gauche et ses dirigeants. Ce phénomène est caractérisé par des manifestations qui rassemblent des centaines de milliers de personnes, unies par un discours de haine, des groupes d’activistes très actifs sur les réseaux sociaux, des groupes évangélistes fondamentalistes. Les attaques terroristes contre des sièges d’organisation de gauche ou contre ses symboles, contre les mouvements sociaux se sont également multipliées ces derniers temps

9) Ce qui est en train de s’organiser actuellement va beaucoup plus loin qu’un nouveau gouvernement. C’est une refondation de l’État brésilien à partir de fondements néolibéral-fascistes, un nouveau régime d’organisation du pouvoir et de droits dont le but est de se substituer au régime né de la Constitution de 1988.

Ce nouveau pacte de pouvoir est intrinsèque aux classes dominantes internationales, qui soudent dans une unité de classe les secteurs financiers, industriels, commerciaux et de l’agro-industrie de la grande bourgeoisie brésilienne. Il reçoit l’appui organique des grands oligopoles des médias, prétend contrôler l’exécutif, former une majorité conservatrice solide au Congrès National, et dominer les positions-clés du Judiciaire et du Ministère Public brésilien.

Sa base a fondamentalement un caractère de classe, représente les strates sociales bourgeoises les plus privilégiées de la société brésilienne ainsi que la classe moyenne, mais organise principalement son appui populaire à travers les églises évangéliques fondamentalistes (très présentes au Congrès NdT [2]).

Juarez Guimarães

[1] Bolsonaro, député d’extrême droite, qui a dédié son vote du 17 avril dernier en faveur de l’impeachment au colonel Ustra, tortionnaire de la Présidente Dilma pendant la dictature.

[2] Sur les évangélistes au Congrès, voir Radiographie des évangélistes à la Chambre de Députés.

Traduction Si le Brésil m’était traduit...

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