
43 étudiants de l'Ecole Normale Rurale d'Ayotzinapa, dans l'Etat de Guerrero, ont été enlevés par des policiers, après que ceux-ci aient tué 6 de leurs camarades, la journaliste Gloria Muñoz revient sur ce nouveau crime, sinistre épisode de la guerre menée contre les peuples du Mexique par un Etat soumis aux intérêts des compagnies minières, trusts de l' "Energie", fabricants d'armes aussi bien nord-américains que français, en étroite alliance avec les tueurs du narco-trafic.
Ce texte a été publié dans le quotidien La Jornada. Gloria Muñoz y tient une rubrique intitulée "Ceux et celles d’en bas". Le président de la république fédérale mexicaine, Enrique Peña Nieto, venait de faire savoir sa "sympathie" aux étudiants "affectés" (sic) par le massacre d’Ayotzinapa...
“ Ils n’ont pas été « affectés » ”
Gloria Muñoz Ramírez
Ils n’ont pas été « affectés », Monsieur le Président, ils ont été assassinés. Maintenant il se fait que tout le monde était au courant et que personne n’a rien dit. On dit en haut que l’affaire est liée au crime organisé allié avec quelques policiers, un maire peu recommandable, son épouse et son beau-frère. Et la version de la guérilla locale n’est pas très différente : des brigades justicières s’en sont prises au groupe délictueux « Guerreros unidos », comme si c’était un fait divers, comme s’il ne s’agissait pas d’un crime d’État.
Dans une atmosphère aussi lourde, que peut-on apporter ? Que Cuauthemoc Cardenas a été agressé par des gens qui le voient comme ce qu’il est : le fondateur et la figure morale du Parti de la révolution démocratique, celui-là même auquel appartiennent le gouverneur défendu jusqu’à l’ignominie par ses collègues, le maire en fuite et toute la bande des complices du massacre ? Inadmissible, l’agression. Oui. Mais pourquoi aucune analyse ne se focalise-t-elle sur l’indignation des jeunes et des proches qui rejettent totalement l’institution électorale et électrice peu précautionneuse de voir des délinquants potentiels rejoindre ses rangs ? Le dire n’est pas politiquement correct, on peut se retrouver accusée d’encourager la violence. Mais il n’en va pas ainsi. Le peuple a gardé la mémoire.
Les étudiants survivants racontent la persécution et le massacre. Des vidéos circulent où l’angoisse et la terreur vécues sont racontées en détails. Ils donnent des preuves graphiques qui accusent les patrouilles impliquées. Et ils refusent encore et encore la version officielle qui circule annonçant ce qui est à venir. Eux et les proches des 43 étudiants disparus nient que les cadavres trouvés à présent dans les neuf fosses communes soient ceux de leurs enfants et de leurs compagnons. « Ils ont été enlevés vivants, nous les voulons vivants » est plus qu’une consigne.
Que peut-on dire de plus après cela ?
La condamnation nationale et internationale est arrivée, bien qu’avec 14 jours de retard. Pendant que les étudiants de la polytechnique accaparaient les caméras et la parole, les indigènes d’Ayotzinapa étaient écartés. Il a fallu qu’apparaissent les fosses pour qu’on prenne toute la mesure de la tragédie et que la presse internationale se retourne. Et ensuite la « découverte » de ce que, à ce qu’on dit maintenant, tout le monde savait.
Que demander de plus ? La démission du gouverneur Angel Aguirre ? Ce n’est rien du tout et ils ne veulent même pas donner cela. Si Zedillo est passé à l’histoire comme le responsable du massacre d’Acteal, pourquoi à présent n’établit-on pas de responsabilités présidentielles ?
Qu’ils fichent tous le camp, comme disent les Argentins.
Gloria Muñoz Ramírez