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Mère Teresa : une sainte, vraiment ?

Mère Teresa reçue en 1985 par deux grands admirateurs, les époux Reagan à la Maison Blanche, lors d’une cérémonie de remise de la "médaille présidentielle de la Liberté" Wikicommons

Le 4 septembre 2016, mère Teresa devient sainte. Les hommages et les images pieuses pleuvent sur cette icône albanaise devenue indienne. Mais les critiques se font aussi entendre pour évoquer celle dont les méthodes managériales étaient rudes et les idées ultra-conservatrices, bien peu émancipatrices pour les femmes.

Mère Teresa, sainte, pour l’éternité des éternités. Une sanctification achevée au terme d’une canonisation hagiographique dont le Vatican a le secret. "Si jamais je deviens une sainte, ce sera sûrement une des ténèbres. Je serais en permanence absente du paradis, afin d’aller allumer une torche pour ceux plongés dans les ténèbres sur terre", écrivait en 1959 celle qui avait en tout cas le don de voir l’ascension de son destin et de sa popularité.

Le paradis et les ténèbres

D’un côté de la balance, une empathie extrême pour les plus démunis de cette “sainte des caniveaux” ; une stakhanoviste de la charité, nom qu’elle donna à sa congrégation de missionnaires aux saris blanc bordés de bleu, aujourd’hui au nombre de 5 000 réparties dans 132 pays ; l’édification de maisons pour les lépreux, les mères célibataires, les malades mentaux ou encore ceux du sida. Ce qui lui vaut un prix Nobel de la Paix en 1979 et une canonisation express en 2003, à peine cinq ans après son décès.

Sur l’autre plateau de la balance, un penchant certain pour la mortification, une exaltation de la religion sans jamais s’attaquer aux racines de la pauvreté, un refus de s’inscrire dans le social, un rejet viscéral de la contraception et de l’avortement – même en cas de viol, le mépris du divorce, des liaisons parfois dangereuses avec des donateurs ou des chefs d’Etat.

Il y a quelque chose de très beau à voir les pauvres accepter leur sort

Mère Teresa

Des positions qui se faisaient entendre dans ses mots. Dans son discours de récipiendaire à Oslo en 1979, elle lance d’abord ceci : « Je suis sûre que cette récompense va conduire à un amour compréhensif entre les riches et les pauvres ». Ou encore : « Nous ne sommes pas là pour faire du travail social ! »

Puis cela : « L’avortement est la plus grande force de destruction de la paix aujourd’hui, par le meurtre d’innocents enfants, un meurtre commis directement par la mère elle-même. Que signifie de s’entretuer ainsi ? Même si les mères oublient leurs enfants tués, moi je n’oublierai pas ces millions d’enfants non nés parce que tués. Et personne ne parle d’eux. Pour moi, les pays qui légalisent l’avortement sont de pauvres nations ».

Pas question donc de remettre en question l’ordre social ou moral. Il y avait même chez elle, une certaine complaisance à la contemplation de la misère du monde : « Il y a quelque chose de très beau à voir les pauvres accepter leur sort, à le subir comme la passion du Christ. Le monde gagne beaucoup à leur souffrance ».

Contre le droit à l’avortement et contre l’autonomisation des femmes

Dans une charge polémique (datant de 2003 et republiée par le site Slate en décembre 2015), le journaliste Christopher Hitchens (aujourd’hui décédé) tente de détruire l’icône et sa sanctification, et va jusqu’à dénoncer une imposture de l’Eglise catholique en général et de Jean-Paul II en particulier dans l’édification de cette sainte.

« Mère Teresa n’était pas une amie des pauvres. Elle était une amie de la pauvreté. Elle disait que la souffrance était un cadeau de Dieu. Elle passera sa vie à combattre le seul traitement connu contre la misère – l’autonomisation des femmes et leur émancipation d’une existence de bêtes de somme à la reproduction obligatoirement compulsive. Et elle était une amie des pires des riches, qui profita des biens mal acquis de l’atroce famille Duvalier en Haïti ou des largesses du banquier Charles Keating, du scandale éponyme. Où sont allés tout cet argent, toutes ces donations ? A sa mort, son hospice de Calcutta était aussi délabré que de son vivant – malade, elle préférera se faire soigner dans des cliniques privées californiennes – et son ordre refusera toujours l’audit. »

L’envers du décor vu de Calcutta

Aroup Chatterjee, médecin originaire de Calcutta et établi au Royaume Uni, a publié au printemps 2016 un livre à charge contre la future sainte : Mother Teresa, The Untold Story (Mère Teresa, l’histoire non dite). Interrogé par New Asian Writing, il explique pourquoi, lui, médecin, il s’est lancé dans cette aventure qui lui a valu pas mal de coups : « Quand je suis arrivé à Londres, je me suis rendu compte que Calcutta était devenue synonyme de Teresa et plus inquiétant encore, que tout le monde était convaincu que Calcutta était infestée par la lèpre et d’autres maladies contagieuses et que seule Teresa nous secourait : qu’elle nous nourrissait, qu’elle nous habillait, qu’elle nous envoyait à l’école, et même qu’elle s’occupait de notre crémation quand nous mourrions. Alors qu’à Calcutta même, où j’ai grandi, presque personne ne la connaissait. Mon livre est une enquête et une analyse autour de sa vie de ses idéaux. Pour ma part je pense qu’empêcher des femmes violées d’avorter est fautif ; que les inciter à ne pas recourir à la contraception est fautif ; qu’utiliser des seringues usagées sur des pauvres est fautif ; que vendre des enfants abandonnés à des couples catholiques est fautif. Je dispose de preuves sur la vente d’un enfant par Mère Teresa à des Belges après falsification de son dossier. Et elle affirme elle-même avoir converti 29 000 personnes. Ce ne sont pas des suppositions mais des faits. »

Miracle or not miracle ?

Le processus même de sa béatification fut mis en cause. Le futur saint doit avoir obtenu deux miracles, l’un pour la béatification, l’autre pour la canonisation, signes de sa proximité avec Dieu. Dans le cas de Mère Teresa, il y aurait eu la guérison en 1998 d’une Indienne qui souffrait d’un cancer, puis celle en 2008 d’un Brésilien atteint de tumeurs au cerveau. Même si pour les membres de sa congrégation, elle était déjà sainte depuis le jour de sa mort le 5 septembre 1997.

Des faits fortement contestés par ses détracteurs : "Un an après sa mort en 1997, une jeune Bangladaise atteinte d’un cancer, Monica Besra, se rend dans un centre des Missionnaires de la charité, l’organisation fondée par Mère Teresa. Elle raconte à Libération qu’elle a « immédiatement été frappée par un rayon de lumière qui émanait du portrait de Mère Teresa ». Elle se couche quelques heures plus tard, une médaille bénite par la « sœur des pauvres » apposée sur son ventre, et se réveille… guérie : “Mère Teresa était revenue pour me soigner” ».

C’est ce témoignage, retenu par le Vatican, qui a permis à la religieuse d’être béatifiée. Un témoignage douteux, contesté par les médecins de la jeune Bangladaise, comme le gynécologue Ranjan Mustafi : « J’ai examiné Monica Besra en mai 1998 à l’hôpital de Balurghat et j’ai diagnostiqué une méningite tuberculeuse. Elle a ensuite suivi un traitement antituberculeux pendant neuf mois, d’où sa guérison. C’était un problème médical qui a été soigné par la science, rien de plus. »

Mais le 4 septembre 2016, ces broutilles qui font tâche seront définitivement effacées par le pape François, comme elles l’ont été par les hagiographies filmiques (elle fut même incarnée par Geraldine Chaplin dans Mother Terese - In the name of God’s poor de Kevin Connor), les innombrables reportages ou documentaires évoquant l’action et la vie de Mère Teresa.

Sylvie Braibant

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