Affaire Cremonesi, Corriere della Sera

« Mauvais journalisme : dans les ambulances, le Hamas n’y était pas, moi oui »

[Gaza City] Lorenzo Cremonesi, envoyé spécial du Corriere della Sera, a beaucoup à enseigner aux nouvelles recrues du journalisme avec son article du 21 janvier, trop même. Moi qui n’ai pas de donneurs d’ordres si ce n’est une recherche maladive de la vérité, et qui ne suis pas un journaliste professionnel, avec la casaque que j’ai endossée pendant tout le massacre, qui n’avait pas l’inscription presse mais l’emblème du Croissant rouge, je dis à Cremonesi que les mensonges tournent court (dans le texte, jolie expression que je mentionne :« hanno le gambe corte », littéralement : ont les jambes courtes, NdT) Moi aussi je peux très bien trouver des gens disposés à me dire que c’est le Hamas et non pas l’armée israélienne qui a exterminé plus de mille palestiniens, et je vous assure qu’il y en a, en particulier parmi ceux qui mangeaient dans le plat opulent des corrompus du Fatah. Il appartient à un chercheur sérieux de distinguer une source fiable d’un attentat à l’information. Aucune ambulance, pendant ces trois semaines, n’a été utilisée par des miliciens du Hamas ni leurs alliés du Jihad islamique. J’en suis absolument certain parce que sur ces ambulances, nous y étions, mes camarades de l’ISM (International Solidarity Movement) et moi. Sur ces ambulances, nous y avons risqué notre peau, et un de nos amis, paramédical, Arafa, y est resté. 14 paramédicaux ont été tués. Les soldats israéliens tiraient sur les ambulances bien certains de ce qu’ils faisaient, c’est-à -dire tuer des civils. Nous n’avons jamais concédé à un seul membre de l’almukawama, la résistance palestinienne, de monter à bord d’un de nos véhicules. Ceux qui essayaient de le faire étaient repoussés en bas, même (c’est arrivé) quand le guérillero était le mari d’une femme que nous amenions en urgence à l’hôpital pour qu’elle accouche. A l’hôpital Al Qds, tout le monde est au Fatah, même les murs le savent (les parois sont tapissées de photos d’Arafat, pas une seule image de Ahmed Yacine) (fondateur du Hamas, assassiné par un raid aérien qui a fait 8 morts, en mars 2004, opération supervisée en personne par le criminel de guerre Ariel Sharon, NdT), pareil à l’hôpital Shifa. Au Awad de Jabilia par contre, presque tout le monde est pour le Front Populaire. C’est toute une affaire de trouver du personnel médical pro-Hamas dans toute la Bande, au point que quand le Fatah a lancé un mot d’ordre de grève générale, 80% des médecins ont croisé les bras. Si la résistance avait utilisé les hôpitaux comme positions pour combattre, les médecins les auraient fait évacuer en refusant de soigner les blessés. Une attitude comme celle que décrit Cremonesi équivaudrait à un suicide politique pour le Hamas, et le Hamas ne veut pas se suicider. C’est un mouvement bien enraciné qui veut élargir ses consensus. Des boucliers humains ? A Tal el Hawa pendant le massacre j’y étais, et mon meilleur ami, Abu Nader, habite dans le quartier. Son père et ses amis oui, ont été utilisés comme boucliers humains : mais pas par le Hamas, par les soldats israéliens qui allaient de maison en maison en faisant la chasse aux combattants.

Il est possible que le compte des victimes diminue de quelques dizaines d’unités, ou au contraire qu’il augmente. Dans mon recueil de données pour faire mes correspondances sur cet enfer, il est certain que je n’allais pas attendre les leçons du Hamas, comme je n’aurais pas attendu celles qu’un journal m’impose d’écrire contre le mouvement radical islamique, pour faire passer le massacre au 2ème rang. Mes sources étaient celles qu’utilisaient des journalistes palestiniens et des militants pour les droits de l’homme locaux : sources hospitalières indépendantes. Si ensuite les morts sont même cent de moins, je ne vais pas dé-rubriquer le massacre comme moins épouvantable. Pour le moment c’est l’armée israélienne qui dément ce que dit Cremonesi : un de ses porte-parole a déclaré au Jerusalem Post que les victimes palestiniennes de l’offensive « Plomb durci » sur Gaza sont environ 1.300. Et 5 journalistes palestiniens ont été tués pendant les bombardements, plusieurs blessés. Le siège de la télévision Al Aqsa détruit, et l’immeuble au centre de Gaza City qui héberge Reuters,CNN et Al Jazeera plusieurs fois attaqué.

On dit que la vérité est la première à mourir pendant une guerre. Via Solferino (siège du Corriere della Sera, NdT) quelqu’un profane son cadavre. Restons humains.

VITTORIO ARRIGONI
activiste humanitaire membre d’ISM Italia ;
son témoignage a été repris au journal il manifesto à peu près chaque jour (je crois) depuis le début de l’agression israélienne à Gaza.

Edition de mercredi 28 janvier 2008 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/il-manifesto/in-edicola/numero/20090128/pagina/11/pezzo/240684/
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

COMMENTAIRES  

31/01/2009 09:52 par Anonyme

Le Monde publie un article selon lequel le Hamas enlève et a enlévé pendant toute la guerre, des membres du fatah, le FPLP protesterait contre la violente répression organisée par le Hamas, suivi de témoignages... Cet article me parait sujet à caution : cela fait une semaine que ce type d’"info" abonde sur les fils de commentaires de Rue89, tandis que sur des sites pro palestiniens, on apprend au contraire que tel représentant du FPLP écrit que les liens entre les différentes composantes de la résistance se sont resserrés pendant les massacres.En outre, les témoignages cités par l’article du Monde me semblent propres à induire que c’est le Hamas qui a tué des civils.
Il me semble important que la presse libre infirme ou confirme cette info, et si désinformation il y a, le fasse savoir et en dénonce l’origine. Merci.

31/01/2009 12:47 par Marie-Ange Patrizio

Je n’ai pas diffusé cet article tel qu’il a été rapporté ici : le titre est :
Affaire Cremonesi, Corriere della Sera  : "Mauvais journalisme : dans les mabulances, le Hamas n’y était pas, moi oui".
Le commentaire que j’ai fait dans ma diffusion donnait les liens permettant de comprendre à quelles infâmies (en particulier contre les militants du Hamas) répondait Vittorio Arrigoni.

Je reproduis ici une partie de ce commentaire qui accompagnait ma traduction pour éviter tout malentendu.

"A la suite du message d’alerte ci-dessous (que je renvoie en partie seulement), je vous envoie une correspondance qui me semble très importante de Vittorio Arrigoni : militant et travailleur humanitaire de ISM Italia (International Solidarity Movement), qui a fait une chronique des événements à Gaza depuis le début de l’attaque israélienne.

Affaire Cremonesi, Corriere della Sera :
« Mauvais journalisme : dans les ambulances, le Hamas n’y était pas, moi oui »,

"Moi qui n’ai pas de donneurs d’ordres si ce n’est une recherche maladive de la vérité, et qui ne suis pas un journaliste professionnel, avec la casaque que j’ai endossée pendant tout le massacre, qui n’avait pas l’inscription presse mais l’emblème du Croissant rouge, je dis à Cremonesi (etc).

Vittorio Arrigoni répond ici à l’article scandaleux et mensonger écrit par l’envoyé spécial embedded du quotidien Corriere della Sera, Lorenzo Cremonesi.

Je diffuse cette mise au point, en plus de sa valeur humaine remarquable, car elle est valable aussi pour toutes les offensives actuelles des médias dominant ici, qui tentent d’effacer l’horreur en répandant toutes les calomnies et ignominies possibles sur une (seule) composante de la résistance, le mouvement Hamas. Ces offensives désignent bien les aspects du combat qui continue ici.

Je rappelle la signification du terme enmbedded : ceux qui couchent.

Faisons un observatoire des profaneurs, répertorions ici ceux qui participent à la profanation.

Message reçu :

Subject : Fwd : TR : Le journal italien Corriere Della Sera tord le cou à la propagande du Hamas, conteste le bilan à Gaza.

Le journal italien Corriere Della Sera tord le cou à la propagande du
> Hamas, conteste le bilan à Gaza.
>
le 23 janvier 2009
> Nous avons traduit l’article de Lorenzo Cremonesi dont le rapport
> est basé sur des visites dans les hôpitaux de Gaza
> <http://www.bivouac-id.com/tag/gaza/> et sur des interviews avec des
> familles de blessés.
> "Incertitude sur le nombre des victimes à Gaza
> <http://www.bivouac-id.com/tag/gaza/> , elles seraient 600 et non pas
> 1 300."
> « C’est ainsi que les hommes du Hamas
> <http://www.bivouac-id.com/tag/hamas/> faisaient en sorte que nous,
> nous soyons les cibles »
> Gaza <http://www.bivouac-id.com/tag/gaza/> - « Allez-vous-en,
> allez-vous-en d’ici ! Vous voulez que les Israéliens nous tuent tous
> ? Vous voulez voir nos enfants mourir sous les bombes ? Emportez vos
> armes et vos missiles ! » C’est ce que criaient aux miliciens du
> Hamas <http://www.bivouac-id.com/tag/hamas/> et à leurs alliés du
> Djihad Islamique bon nombre des habitants de Gaza
> <http://www.bivouac-id.com/tag/gaza/> .. Les plus courageux d’entre
> eux avaient fermé les portes d’accès aux cours intérieures et avaient
> cloué des planches aux portes des immeubles et bloqué en toute hâte
> les escaliers menant aux toits les plus hauts."

Chacun poura aller voir grâce aux liens indiqués la teneur des infâmies que ce site a jugé bon de traduire et publier.
Arrigoni a répondu.

m-a patrizio

31/01/2009 15:06 par Anonyme

Est-ce qu’il est possible que quelqu’un de crédible (ce que je ne suis pas : simple citoyenne n’ayant pas les moyens de se déplacer) adresse au journal le Monde, ou à l’AFP, une mise au point sur ce sujet ? L’article que j’ai cité ci-dessus développait manifestement une dépêche d’agence qui figurait dans le fil des dépêches affiché sur la même page hier soir. L’article est resté en une (électronique) jusqu’à ce matin et n’a été supprimé de la page "international" que vers midi aujourd’hui (31/01/2009). C’est grave, me semble-t-il, parce que le Monde passe encore aux yeux de beaucoup de gens pour un journal sérieux (censé vérifier ses sources)et objectif.

31/01/2009 19:29 par furio

Continuer à colporter que ce massacre n’a fait que 50 victimes par jour c’est se foutre de la gueule du monde ! 50 morts par jour c’est une épidémie de grippe ! Les bombardements étaient intenses, les bombes ont été larguées par centaines. Dans une des dernieres journées les israélites se vantaient d’avoir 50 cibles ! Or une seule bombe peut tuer 50 personnes. Comment ose t’on continuer à faire croire que ce massacre est "insignifiant" ? Pourquoi ?

31/01/2009 23:38 par Lou

La collaboration du Fatah à l’agression sioniste

traduction d’un article d’El Pais :

C’est un mélange de revanche, de division politique abyssale entre Palestiniens, de haines, d’intérêts personnels et d’instincts les plus primaires. Pendant les 23 jours qu’a duré le déchaînement incessant d’Israël contre Gaza, le Hamas et le Fatah ont réglé leurs comptes au milieu du chaos.
Une guerre extrêmement sale. Tandis que les combattants tiraient des roquettes, des dizaines de collaborateurs d’Israël informaient l’armée de ce pays sur des objectifs à atteindre. Il est certain que de nombreuses personnes sont mortes à cause de cette aide à l’ennemi. Mais la réaction de la milice islamiste a été dure et brutale. Plus d’une centaine de membres de cette cinquième colonne ont été exécutés.(...)

01/02/2009 10:55 par Anonyme

Merci à Lou pour ces précisions.

02/02/2009 16:54 par dias

Effacez le nom de mon grand-père à Yad Vashem
jeudi 29 janvier 2009, par Jean-Moïse Braitberg

Monsieur le Président de l’Etat d’Israël,

je vous écris pour que vous interveniez auprès de qui de droit afin que l’on retire du Mémorial de Yad Vashem dédié à la mémoire des victimes juives du nazisme, le nom de mon grand-père, Moshe Brajtberg, gazé à Treblinka en 1943, ainsi que ceux des autres membres de ma famille morts en déportation dans différents camps nazis durant la seconde guerre mondiale.
Je vous demande d’accéder à ma demande, monsieur le président, parce que ce qui s’est passé à Gaza, et plus généralement, le sort fait au peuple arabe de Palestine depuis soixante ans, disqualifie à mes yeux Israël comme centre de la mémoire du mal fait aux juifs, et donc à l’humanité tout entière.
Voyez-vous, depuis mon enfance, j’ai vécu dans l’entourage de survivants des camps de la mort. J’ai vu les numéros tatoués sur les bras, j’ai entendu le récit des tortures ; j’ai su les deuils impossibles et j’ai partagé leurs cauchemars.
Il fallait, m’a-t-on appris, que ces crimes plus jamais ne recommencent ; que plus jamais un homme, fort de son appartenance à une ethnie ou à une religion n’en méprise un autre, ne le bafoue dans ses droits les plus élémentaires qui sont une vie digne dans la sûreté, l’absence d’entraves, et la lumière, si lointaine soit-elle, d’un avenir de sérénité et de prospérité.
Or, monsieur le président, j’observe que malgré plusieurs dizaines de résolutions prises par la communauté internationale, malgré l’évidence criante de l’injustice faite au peuple palestinien depuis 1948, malgré les espoirs nés à Oslo et malgré la reconnaissance du droit des juifs israéliens à vivre dans la paix et la sécurité, maintes fois réaffirmés par l’Autorité palestinienne, les seules réponses apportées par les gouvernements successifs de votre pays ont été la violence, le sang versé, l’enfermement, les contrôles incessants, la colonisation, les spoliations.
Vous me direz, monsieur le président, qu’il est légitime, pour votre pays, de se défendre contre ceux qui lancent des roquettes sur Israël, ou contre les kamikazes qui emportent avec eux de nombreuses vies israéliennes innocentes. Ce à quoi je vous répondrai que mon sentiment d’humanité ne varie pas selon la citoyenneté des victimes.
Par contre, monsieur le président, vous dirigez les destinées d’un pays qui prétend, non seulement représenter les juifs dans leur ensemble, mais aussi la mémoire de ceux qui furent victimes du nazisme. C’est cela qui me concerne et m’est insupportable. En conservant au Mémorial de Yad Vashem, au coeur de l’Etat juif, le nom de mes proches, votre Etat retient prisonnière ma mémoire familiale derrière les barbelés du sionisme pour en faire l’otage d’une soi-disant autorité morale qui commet chaque jour l’abomination qu’est le déni de justice.
Alors, s’il vous plaît, retirez le nom de mon grand-père du sanctuaire dédié à la cruauté faite aux juifs afin qu’il ne justifie plus celle faite aux Palestiniens.

Veuillez agréer, monsieur le président, l’assurance de ma respectueuse considération.

( Le Monde du Jeudi 29 janvier 2009 )

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