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Interview de Ana Teresa Igarza, directrice générale de la Zone Spéciale de Développement Mariel (SEDM)

Mariel : le bateau amiral de l’envol économique de Cuba

Mariel est présenté comme le projet le plus ambitieux des cinquante dernières années.

Nous avons l’ambition de porter à l’échelle industrielle les projets dont notre société a besoin pour construire un socialisme prospère et durable. Nous voulons attirer les investissements étrangers, faire de Mariel une plateforme logistique portuaire, un centre de production, de recherche, d’innovation technologique utilisant des énergies renouvelables.

En 2013, Cuba a importé 14,7 milliards de dollars de marchandises et en a exporté 5,3 milliards. L’objectif est de produire des biens et services à haute valeur ajoutée pour diminuer les importations, accroitre les exportations, créer des emplois hautement qualifiés, en synergie avec le reste de l’économie..

Quelles sont vos priorités ? Quel est l’état du projet alors que l’embargo dure ?

En attendant la levée de l’embargo Mariel existe et fonctionne. A 45 kilomètres de La Havane, la zone couvre 465 Km2. Elle hébergera différentes activité ( pétrochimie, pharmacie et biotechnologies, technologies de la communication, industrie alimentaire pour le marché intérieur et le tourisme, production électromécanique et de matériel agricole, parcs et activités touristiques.

Le terminal de chargement, entreprise 100% cubaine, entièrement automatisé, travaille en continu avec une capacité de 1 million de conteneurs par an qui sera portée progressivement à 3 millions. Elle emploie 350 personnes. PSA Singapour, l’un des leaders mondiaux, administre le trafic.

4 000 travailleurs construisent les installations.

Notre bureau central et le conseil des ministres entérinent les projets. Depuis le début de l’année, nous en avons approuvé un par mois. Sept investisseurs vont construire leurs usines : deux cubaines ( pharmacie et alimentation), deux Mexicaines (alimentation, peintures) une Espagnole ( distributeurs automatiques, boissons et produits alimentaires) deux autres Belges. D’autres candidats constituent leur dossier en vue de l’approbation définitive. Parmi eux, la firme nord américaine Cleber (assemblage de tracteurs à destination des agriculteurs privés et des coopératives) attend le feu vert du Département du Trésor ;

Quels avantages pour les investisseurs ?

Cuba a signé avec soixante trois pays les accords APPRI (accords pour la promotion et la protection réciproque des investissements). Les investisseurs bénéficient d’une exemption d’impôts sur bénéfices pendant dix ans. Ils contribueront au fonds de développement et de protection de la zone à raison de 0,5% du revenu brut par trimestre.

Nous mettons à disposition des concessions d’environ 4 hectares, infrastructures comprises. Nous sommes ouverts à toutes les formules : capital 100% étranger ou 100% cubain, entreprises mixtes ou conglomérats internationaux.

Le marché intérieur est en pleine expansion : en 2013 nous avons importé, en produits manufacturés et d’assemblage, 4 milliards 800 millions de dollars qui pourraient être fabriqués à Cuba. Les prévisions en cas de levée de l’embargo (10 millions de touristes) créent une énorme demande (construction, agro-alimentaire, emballages, mobilier). Même demande pour les énergies renouvelables (photovoltaïque, éolien). Etecsa, l’entreprise d’état qui fournit l’électricité, investit afin de porter leur part à 25% de la production d’ici à 2030..

Et pour les Européens en particulier ?

Cuba, membre des principales organisations internationales (ONU, OMC, GATT etc) entretient des relations diplomatiques avec 190 pays. Porte d’entrée des Caraïbes, elle a signé des accords de libre échange avec les quinze pays de la Communauté des Caraïbes (Caricom). En relation avec l’Amérique centrale et Latine, elle est signataire des accords de l’Alba et de Petrocaribe ainsi que d’accords préférentiels avec le marché commun du sud ( dix pays membres et associés du Mercosur).
Produire en Europe et exporter chez nous cela a un coût (transport, tarifs douaniers). En s’installant sur l’île, les investisseurs bénéficieront des accords bilatéraux. Il n’y a pas de taxe sur les échanges de l’Alba (Cuba, Venezuela, Bolivie, Nicaragua) et elles sont nulles ou infimes avec le Caricom.

Vous présentez Mariel comme « une porte ouverte au monde »

Sur la route du canal de Panama, le port se situe au carrefour des échanges maritimes entre l’Amérique du Nord et du Sud, de l’Europe et de l’Asie. Le Brésil – qui a investi 600 millions de dollars dans la première tranche des travaux avec son géant Odebrecht - est le seul pays américain du groupe des BRICS. Pour Les autres économies émergentes ( Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) notre continent est encore à découvrir.

L’élargissement du canal de Panama sera achevé en 2016. Notre port, le canal en eau profonde de 17, 9 mètres, serviront de base logistique aux « Panamax », les géants au tirant d’eau de 16 mètres. Sur le quai, (702 m actuels et 2 400 prévus), ils déchargeront les conteneurs que des cargos de moindre tirant achemineront vers les ports traditionnels du continent.

La propagande anti-cubaine qualifie Mariel de « laboratoire capitaliste ».

Mariel est partie intégrante de l’économie nationale. Sa production sera cubaine tout comme, autant que possible, matières premières et composants. Il n’y a pas de frontière douanière entre la zone et le pays. Les infrastructures, réseau routier, voie ferrée, les aéroports prévus, la fourniture d’eau, de gaz, d’électricité, les communications, seront connectés à tout le territoire.

Mariel est propriété cubaine. Les parcelles des investisseurs sont des concessions pour un temps dévolu et renouvelable.

Il n’y aura pas de maquiladora, ces usines de fabrication à moindre coût avec grande exploitation de main-d’œuvre sous payée, sans droits ni protection. Mariel requiert un personnel qualifié que la révolution a formé et qu’elle veut accroitre et spécialiser. Notre code du travail, nos lois de protection sociale, s’y appliquent comme partout ailleurs. Ce sont des entreprises d’état qui recrutent le personnel, négocient les contrats, versent les salaires en retenant 15% de cotisations ( sécurité sociale, vacances, retraite etc).

En plus de sa situation géographique, la zone dispose de tous les acquis de la révolution cubaine (main d’œuvre qualifiée, stabilité politique, consensus social, relations et prestige international). Mariel veut devenir le bateau amiral du développement économique. Le pilote à bord, c’est notre révolution, toujours révolutionnaire et 100% cubaine.

REPERES

EN 2014, les exportations françaises à Cuba atteignaient 121 millions d’euros (1,7% du marché) contre 256 millions en 2 000. Soit quatre fois moindres à celles de USA malgré l’embargo.

Dans la ZEDM Cuba prévoit la création de 70 000 emplois.

L’investissement total s’élèvera à 7 milliards d’euros.

Mariel est ouverte aux secteur du privé et des coopératives cubaines.

LES FEMMES AUX COMMANDES

« J’aime Mariel souligne Ana Térésa Igarza. C’est un lieu. Nous allons le préserver et l’embellir. » En se souvenant « que le port tire son nom de Marien, la petite princesse des Indiens, chasseurs-cueilleurs vite exterminés ».Hemingway,rappelle-t-elle, en était aussi tombé amoureux, raison pour laquelle sa petite fille porte ce prénom.

Pour Ana Teresa ,« Mariel c’est comme un enfant de plus . Il grandira avec les miens, rendra leur vie plus riche et plus belle. Nous les femmes c’est bien ainsi que nous travaillons et voyons les choses, la vie est un tout et le travail c’est aussi une histoire d’amour. »

Ana Térésa a 42 ans. Avocate de profession, elle a longtemps travaillé dans les entreprises d’état. Au bureau central de la zone, l’équipe de 35 personnes qui accueille les investisseurs, les accompagne tout au long des démarches, compte 20 femmes : « La révolution nous a émancipés et les femmes sont partout aux commandes. »

Ana Térésa reçoit les capitaines d’industrie et les gouvernants du monde entier. Elle revient de Turquie : « Quelle que soit la situation des femmes, partout où j’arrive le nom de Cuba attire le respect ».

Militante de base du parti communiste, elle a adhéré à la jeunesse communiste à 14 ans. Elle a grandi avec la révolution : « Ce que je suis je le lui dois. Nous sommes les héritiers d’une des épopées du siècle. Elle continue. Le monde le sait et nous le savons. Cela rend le travail très exaltant ; Cela donne un sens à la vie car de cette histoire qui se poursuit nous devons, nous allons nous rendre dignes. »

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