Profitant du soulèvement des peuples au Maghreb, Les Etats-Unis d’Amérique et leurs cousins d’Europe veulent en finir avec Mouammar Kadhafi et se partager définitivement la dépouille d’une Libye désormais conquise. Pour ce faire, ils ont recours à une propagande intensive qui rappelle celle utilisée contre l’ex-tyran irakien Saddam Hussein[1]. Pour mémoire, les médias occidentaux avaient quasi-unanimement repris l’antienne bushienne à propos des armes de destruction massive qu’aurait détenu le dictateur irakien. On découvrira le mensonge plus tard, mais l’Irak fut déjà détruit et les ressources du pays confisquées. La même machine de propagande avait été déployée contre Ceauçescu en 1989 en Roumanie. La presse occidentale avait vu en ce dictateur le « dracula communiste » auteur, avait-on dit, de charniers[2] contenant quelques « 70.000 corps ». On parla de "génocide", de "charniers", de "massacres", de "femmes enceintes éventrées", de "tortures", de "corps brûlés dans un crématorium". On évoqua des "chauffeurs de camions qui transportaient des mètres cubes de corps, qui étaient abattus d’une balle dans la nuque par la police secrète pour éliminer tout témoin." Evidemment les charniers étaient de faux, mais le couple dictatorial avait été déjà fusillé. Au même moment, passait sous silence l’opération d’exfiltration manu militari du président du Panama, Manuel Noriega agent de la CIA qui avait cessé d’obéir au maître de la Maison Blanche, Georges Bush. Pour les médias occidentaux, cette opération n’avait fait aucun dégât humain. Sauf qu’on découvrira plus tard qu’au moins 2.000 personnes avaient été tuées par les yankees [3].
Le serviteur dévoué de la France que fut Jean-Bedel Bokassa, au moment où il allait être déchu, fut victime de la même propagande [4] qui vit en lui un anthropophage. Subitement, le dictateur ami qui couvrait le couple Giscard d’Estaing de diamant était devenu « l’ogre de Berengo » qu’il faut abattre au plus vite pour éviter que ses « sujets centrafricains » finissent tous dans sa marmite.
Comme l’histoire se répète très souvent, aujourd’hui, la planète assiste à la condamnation à mort de Kadhafi par la même voie. La machine à propagande a été matinalement déclenchée : « Kadhafi massacre son peuple », il « bombarde son peuple », kadhafi et ses enfants, tous « psychopathes sont en train de massacrer le peuple Libyen ». Ils ont déjà fait « 6.000 victimes [5] qui manifestaient les mains nues ». Face à toutes ces atrocités commises par un « fou », un « inculte », un « criminel », il faut envoyer une expédition « humanitaire » pour sauver le soldat Ryan sous la férule de kadhafi.
Il existe bel et bien des éléments à charge contre Kadhafi. Cet homme n’est pas un ange. Pas plus que ceux qui veulent l’abattre d’ailleurs. Mouammar Kadhafi est au pouvoir depuis 42 ans. C’est une durée suffisamment importante pour être signalée. Ceci ne peut qu’être mal vu dans un monde qui, empêtré dans ses propres contradictions, a fini par ériger le changement factice comme la mesure de toute chose. Ce nombre d’années au pouvoir a créé forcément des pratiques répressives, clientélistes et corrompues. Cette longévité au pouvoir ne fait pas que des heureux, c’est sûr. En 1996 déjà Benghazi a connu des troubles. La famille Kadhafi a volé la Libye et placé beaucoup d’argent en Suisse, en Italie, en Angleterre, aux USA et ailleurs où ces fonds sont parfois investis au détriment du peuple Libyen.
En plus de tout ceci, Kadhafi et les siens se sont de près ou de loin, retrouvés dans de nombreux contentieux internationaux. Kadhafi a un passé « terroriste » admis par lui-même pour avoir indemnisé les familles des victimes du crash du DC 10 d’UTA et du boeing de la Panam. Même si un jour peut-être, l’histoire dira autre chose, il faut s’en tenir à ces faits. Pendant de nombreuses années, il a détenu des étrangers pour avoir inoculé le virus du sida à des enfants libyens. Kadhafi - à l’instar des humanitaires occidentaux d’ailleurs - est reconnu comme un important soutien à certains dictateurs africains. A l’ONU, lors de la 64ème assemblée générale, le guide Libyen n’a pas mâché ses mots contre les cousins qui se partagent le monde et la terreur qu’ils exercent sur les peuples appauvris. Plus récemment, la famille Kadhafi s’est retrouvé au centre d’une longue et difficile querelle avec la Suisse suite à l’arrestation de Hannibal Kadhafi et sa femme pour mauvais traitements sur leurs domestiques à Genève en juillet 2008.
Mais, en réponse à ces faits, Kadhafi accomplit pêle-mêle, des actes qui vont lui garantir le retour sur ce qui est appelé la scène internationale d’où il a été évincé - mais pas totalement, puisque des affaires continuaient- depuis l’embargo décidé par les Européens et leurs cousins qui occupent l’Amérique, les différentes tentatives d’assassinat et les bombardements [6] du golfe de Syrte, de Benghazi et de Tripoli par les Etats-Unis d’Amérique.
Kadhafi va libérer les différents détenus, coopérer avec la justice écossaise dans l’affaire du crash de Lockerbie, indemniser les victimes. Il va même utiliser pendant toutes ces années l’argent du pétrole pour soutenir à la fois des dictateurs obséquieux et nombre de combats anticolonialistes en Afrique. Suivant l’intérêt à défendre et en habile politique, Kadhafi sait pactiser avec le diable et dieu. Mieux, il va prêter main forte à l’Europe à contenir et à réprimer l’immigration des africains. Comme les riches peuvent tout acheter y compris l’âme des cupides, Kadhafi va obtenir du respect de part et d’autre en achetant beaucoup d’armes aux Européens et à leurs cousins d’Amérique. Il va leur livrer du pétrole et du gaz. Il va renoncer, dans une gigantesque opération de communication bushienne qui voulait justifier que sa « guerre préventive » en Irak porte ses fruits, à son programme nucléaire. Il devient le bon ami que chacun des hypocrites arrachent. L’argent n’a pas d’odeur, dit-on. Si on ne le lui prend pas, « d’autres le feront à notre place ». C’est la Realpolitik, affirmait-on !
Puis vint le soulèvement des peuples au Maghreb. Les « meilleurs élèves » de la Tunisie et de l’Egypte vont être éjectés. Pour ne pas tout perdre, les Occidentaux vont militer pour que leurs deux « alliés de la région » partent. Le système doit être sauvé et pour cela, il faut court-circuiter les peuples en essayant de paralyser leur élan avec le départ de Ben Ali et Mubarak. Mais, ces peuples ont compris que le départ des deux hommes n’équivaut pas changement de système car depuis leur « fuite » organisée, la rue continue de manifester afin que la révolution aille à son terme.
Pour ne pas laisser cette occasion passée, il faut susciter quelque chose en Libye. Pour atteindre cet objectif, on va nous dire que la vague de la révolution a atteint la Libye. Donc, c’est la révolution libyenne. Laquelle est en train d’être réprimée sauvagement par Kadhafi. La campagne va être organisée et la meute va puiser dans son éternelle boîte à outils et sortir des armes traditionnelles réputées imparables : les médias, les institutions internationales (ONU, UE), les ONG autoproclamées de défenses des droits de l’homme financées par les multinationales (FIDH, Amnesty International, HRW, Croix Rouge...), les outils militaires multilatéraux (OTAN) et unilatéraux (US Marines) qui font vivre leurs pays respectifs du crime, le marteau judiciaire (la CPI [7], le TPI), l’argent (donné le plus souvent par les entreprises multinationales qui sont les vrais instigateurs de ces opérations) et les groupes dits d’intellectuels amoureux des « causes justes » à géométrie variable. Tout cet arsenal est chapeauté par le sacerdoce humanitaire à l’égard des peuples qui sont en danger de mort.
Les médias vont donc déclencher les hostilités. Kadhafi, le « bouffon » est en train de bombarder son peuple [8]. Cette idée incessamment martelée finira par porter l’émotion est à son comble. Qui, dans ces moments d’intense exercice mental, ne se représenterait pas le visage de ce Kadhafi « le fou », « le criminel ». Ce personnage terrifiant, ce bédouin aux verres fumées qui voit tout sans être vu. Il ne répond pas aux codes de la société occidentale. Il est méprisant. « C’est sûr, il est en train de massacrer son peuple », entend-on dire. Comme on ne peut éternellement rester dans l’imagination, des images vont finir par être montrées à la télévision. Et là , on s’aperçoit que la révolution en Libye ne se déroule pas comme en Tunisie ou en Egypte. Ici, c’est un groupe de personnes qui a pris les armes et occupent des villes où le pétrole est produit. Alors, le langage va changer. Désormais, on passe de la révolution à l’insurrection. Les médias parlent désormais des insurgés [9] et des rebelles [10]. Mais en dépit du nouveau vocabulaire médiatique, beaucoup d’esprits sont déjà structurés et prêts à accepter « l’invasion humanitaire ».
Ensuite, les ONG d’obédience pétrolifères (FIDH, AI, HRW) entrent en scène. Elles donnent un chiffre de 6.000 morts. Aussitôt, les médias reprennent ce chiffre et le répètent afin que l’émotion atteigne effectivement son paroxysme et y reste. Ces organisations dites de défenses des droits de l’homme vont revoir ensuite ce chiffre à la baisse. Quelques heures après avoir parlé de 6.000 personnes massacrées, le nombre de victimes passe à 2.000 personnes [11], puis, elles seront de 3.000. Même quand les images de télévision (France24) montrent comment les combats se déroulent et qui sont les rebelles [12], on persiste à dire que ce sont des populations civiles qui sont massacrées. Le vendredi 4 mars 2011, sur la RSR (radio suisse romande), un habitant d’une ville sous contrôle rebelle a déclaré que les pilotes de l’armée nationale ne bombardent pas les populations civiles. Mais qui a écouté ça ? Qui scrute les reportages à la télévision et en tire par lui-même des conclusions ?
Kadhafi, pour l’opinion dite internationale, est un monstre, soit ! Les Occidentaux ont de nombreux comptes à lui régler, c’est sûr. Mais, ce qu’on voit là est-ce une révolution populaire ? Est-ce une rébellion armée ? Est-ce tout simplement une guerre civile ? La réalité sur le terrain ne contredit-elle pas la fiction d’une révolution populaire pacifique massacrée par « le fou de Tripoli » ?
Malgré ceci, l’oncle Sam qui n’a jamais caché son intention de s’emparer de la Libye, a déployé un arsenal militaire impressionnant en sa direction avec la proposition d’un exil à Kadhafi comme option [13]. Ses lieutenants britannique et canadien l’ont suivi aussitôt [14]. Les européens qui ont compris les conséquences de cette avance sur eux, car eux parlaient d’une action de l’OTAN, ont commencé par trainer les pas [15]. Car, ils savaient que le déploiement de leurs cousins d’Amérique signifie qu’ils veulent s’arroger la part du lion libyen au cas où Kadhafi venait à être renversé [16]. La France dit à présent, à travers quasiment tous ces hommes politiques qu’elle ne croit pas à un succès d’une opération militaire [17]. Elle est bel et bien consciente de ce que veut l’Oncle Sam qui cherche à signifier aux Européens que les richesses de la Libye sont à redistribuer car elles sont restées trop longtemps entre les mains des européens : achat d’armes, gaz et pétrole notamment.
Autrement dit, mettre la pression à l’Europe pour gagner doublement : ne pas intervenir directement en Libye (leçons d’Afghanistan et d’Irak obligent) et dans le même temps prendre à l’Europe une sphère d’influence et des richesses supplémentaires avec sa propre action. Celle-ci préoccupée par la « vague d’immigrés qui risque de l’envahir » hésite à présent à s’engager dans cette nouvelle « guerre juste ».
C’est un truisme de dire qu’il se passe actuellement en Libye une guerre. Comme dans toute guerre la vérité est la première victime. Des livraisons d’armes aux rebelles sous couvert des ballets d’avions humanitaires, il se passe sûrement. De la formation, les rebelles en reçoivent de la part de leurs soutiens. Des victimes, il y a en. D’ailleurs Kadhafi a appelé l’ONU à ouvrir des enquêtes [18]. Mais, non ! Moreno Ocampo, la marionnette, a déjà sorti la rhétorique habituelle du CPI contre les faibles : « crimes contre l’humanité ». Puis, Interpol est mis à contribution [19]. Ah, la CPI ! Ah, Interpol ! Toujours aussi forts avec les faibles et si impuissants avec les forts.
Le peuple libyen, comme tout autre peuple, a le droit indiscutable de se débarrasser des dirigeants qui ne lui sont pas favorables. Mais ce droit est à lui seul. Des « guerres justes » s’il faut en faire, il va falloir les débuter contre les Etats-Unis d’Amérique [20], par Israël [21] et par l’Europe [22] qui n’ont de cesse de tuer des populations civiles pour satisfaire leur soif d’expansion et de ressources. Les Libyens quant à eux, savent ce qui est de leur devoir. Ils le font déjà avec la pleine conscience des difficultés liées à toute lutte pour la liberté. Ils n’ont pas besoin d’une « assistance humanitaire » qui « dégage » Kadhafi et le remplace par un roitelet obéissant qui livre quasi gratuitement - et cela a déjà commencé- les puits de pétrole et d’autres ressources du pays à Total, Texaco, Shell, BP, Exxon Mobil...ainsi qu’à des entrepreneurs de la misère des peuples. C’est à dire un « démocrate » comme les cousins aiment à en avoir près des ressources dont ils s’emparent. Les peuples n’en ont que faire des « libérations » réalisées par le devoir d’ingérence humanitaire des cousins d’Amérique et d’Europe. Il faut rappeler, à ce stade, la morale de l’histoire de l’humanité : l’Occident ne roule jamais pour les autres. Pas plus pour des idées « abstraites » genre Liberté, Démocratie, Paix, Justice. Ce qu’il aime défendre ce sont SES I-N-T-E-R-E-T-S [23] ! Ni plus ni moins ! Car, en définitive et à voir les choses de près, l’Occident n’est outillé que pour ses I-N-T-E-R-E-T-S.
komla Kpogli
5 mars 2011
http://lajuda.blogspot.com