Le cas de Julio, adolescent et élève au lycée V.H. Basch de Rennes, nous paraît révélateur en ce sens que, malheureusement, il pourrait faire école. Les conditions de son arrestation font douter que nous soyons encore dans un état de droit qui accorde à toute personne les garanties juridiques d’un traitement équitable. Plus grave à notre sens est l’instrumentalisation de la science à des fins judiciaires. Vouloir prouver par des examens médicaux dégradants (des organes génitaux, de la pilosité et des os) l’âge d’un adolescent devrait en soi nous interpeller tous. La chasse à « l’irrégulier » n’est-elle pas indigne de la République ? La République peut-elle autoriser l’humiliation de tels examens imposés à un adolescent ?
Mais plus grave encore, si c’est possible, le juge peut-il s’appuyer sur les résultats de tels examens en considérant qu’il est plus expert, de fait, que les experts scientifiques qui remettent en cause la valeur de ces résultats. Le Comité Consultatif National d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé faisait remarquer dans son avis n° 88 : « L’hétérogénéité humaine est telle, dans le temps et l’espace, qu’il est vain de penser que d’ici longtemps il sera possible de déterminer, sans connaissance de sa date de naissance, l’âge chronologique exact, à un moment donné, d’une personne. ». Notant en outre : « L’incertitude est même la plus grande entre 15 et 20 ans, âges pour lesquels les examens sont le plus fréquemment demandés. ». Ce comité dont le président, rappelons le, est nommé par décret du Président de la République, aurait-il moins de compétences scientifiques qu’un juge qui refuse de prendre en considération les doutes inhérents à ces méthodes ? La République serait-elle devenue sourde ? Ou plutôt, ceux qui en sont les garants ?
En définitive l’Etat français souffrirait-il de schizophrénie ? Julio était pris en charge par l’Etat français qui lui avait délivré des papiers de mineur. Ce même Etat, par les autorités de tutelle, avait placé Julio dans une institution scolaire (le lycée V.H. Basch de Rennes) afin d’y suivre une formation. Mais voici que l’Etat français se contredit par l’intermédiaire des autorités administrative et judiciaire en lançant une procédure d’expulsion à l’encontre d’un adolescent... que ce même Etat considérait auparavant comme mineur et qu’il couvrait de sa protection. Notre République, héritière des droits de l’homme ne serait-elle pas profondément malade ?
Mais voici qu’un Préfet d’Etat, pour des raisons « humanitaires » et à « titre exceptionnel » régularise Julio. Est-ce la lueur d’espoir que l’on attendait ? La République serait-elle entrée en résistance avec elle-même pour recouvrer la dignité qu "elle avait perdue ? Ou n’est-ce pas plutôt la résistance des citoyens qui a conduit à ce recul ? Qui ne règle rien dans les faits . Car l’arbitraire des arrestations, l’arbitraire des moyens utilisés , l’arbitraire de la justice, n’ont en rien été reconnus par cet administrateur de la République. Et encore moins l’arbitraire de la solution. En réalité grande est notre inquiétude quand l’Etat, en la personne de son représentant, cache derrière la vertu d’humanité ses propres vices.
Que la République reconnaisse ses faiblesses et ses contradictions,
Que cette reconnaissance puisse protéger ceux qui pourraient en être victimes,
Voici ce qui ferait sa grandeur.
Les citoyens, actuels et en devenir, du lycée V.H. Basch de Rennes
transmis par Claude Dormeau,
au nom des élèves et professeurs du Lycée V.H. Basch de Rennes