Dans son éditorial, Paul Ariès enjoint de voter des budgets en déséquilibre pour lutter contre l’austérité. Il appelle les villes de gauche à cesser d’habituer les citoyens au discours austéritaire et « à à voter systématiquement des budgets en déséquilibre ». Je regrette que l’excellent Paul termine son intervention par un surprenant « déséquilibre » de la langue française : « Nous vous proposons d’offrir un abonnement de six mois à votre meilleur amiE au tarif préférentiel de 20 euros ».
Le mensuel fait le procès de la « tyrannie des modes de vie » : « aucune dynamique de rupture n’est possible sans en finir avec la tyrannie des modes de vie qui sont ceux du capitalisme. » Selon le philosophe Mark Hunyadi, « l’éthique individualiste, en valorisant l’individu, favorise en fait le système. On protège les droits individuels, mais ce faisant on permet au système de se déployer, un système qui engendre en retour des modes de vie qui s’imposent à nous sans que quiconque y ait consenti. »
Pour Thierry Brugvin, la décroissance écosocialiste n’est ni la récession ni l’austérité : « Une critique classique de certains détracteurs de la décroissance consiste à affirmer que la décroissance serait synonyme de récession ou d’austérité. Donc, que la décroissance ne serait pas vraiment enviable, car elle engendrerait notamment une croissance du chômage et de la pauvreté. Certains décroissants, se situant politiquement dans le courant néolibérale (à droite), sans parfois même le savoir et crient parfois « Vive l’austérité ! ». C’était le cas d’un numéro du mensuel « La Décroissance ». D’autres décroissants crient aussi « Vive la récession ! » Comme s’il s’agissait d’une politique de décroissance. Or, il s’agit d’une récession, donc une décroissance économique involontaire. Tandis que la décroissance est une récession volontaire. »
Jean-Marc Sérékian, à l’occasion de la COP 21, dresse le sombre tableau de la France à l’ère du capitalisme du désastre : « Pour les plus critiques, la messe est dite. La question ne se pose même plus, ces négociations sommitales ostentatoires et ultra-médiatisées sous le signe de la finance omniprésente s’annoncent comme une énième vaste et affligeante fumisterie ; « Le résultat de la Cop 21 est écrit… depuis 1972 ». « S’il s’agit de bien accueillir les convives (…) de superviser des débats qui tournent en rond, la Cop 21 peut être très bien « réussie ». Sur le fond par contre, on voit mal comment on pourrait réussir des négociations qui n’ont jamais eu vocation à aboutir. Car les grandes puissances économiques et les classes dirigeantes ont choisi, et depuis longtemps, la course aux profits plutôt que la protection des ressources ».
Bernard Perret recherche « les nouvelles voies de la démarchandisation » : « développement de la gratuité des échanges non monétaires, l’autoproduction et la mutualisation des biens. » Bernard Perret est l’auteur d’ Au-delà du marché. Les nouvelles voies de la démarchandisation, Institut Veblen.
Jacques Leclercq (auteur de Néo-nazis et ultra droite, L’Harmattan), dans le cadre du combat de l’extrême droitisation de la pensée, propose une analyse des textes et de la carrière d’Alain Soral, de Chevènement à Le Pen, en qui il voit le seul moyen de lutter contre « la déferlante capitaliste et ultralibérale ». Tout cela dans la nostalgie de l’aile « gauche » du parti nazi (« Röhm, communiste soutenant Hitler, et chef des fameux SA ». Pour l’anecdote, Soral s’appelle Alain Bonnet, il a pris le nom d’actrice de sa sœur Agnès et il déclarait en 2003 à Mireille Dumas : « Quand on regarde les drames familiaux il n’y a que des monstruosités. Et moi j’assume de venir de cette monstruosité là. Par contre, je ne veux pas rester un monstre. C’est-à-dire qu’on m’a programmé pour être un monstre mais je veux échapper à cette fatalité ; j’ai fait un énorme travail et je pense y être parvenu. » Ce qui n’excuse pas tout.
Yannis Youlountas dénonce le « vieux mal européen et la tentation de l’extrême-droite » : « L’Europe actuelle s’avère toujours plus capitaliste, néo-colonialiste, productrice d’armes, autoritaire, raciste et mortifère. J’ajoute perverse. Oui, perverse. En effet, quand on fait souffrir d’un côté et qu’on empêche de fuir de l’autre, le tout en culpabilisant les victimes et en faisant de beaux discours souriants et vaniteux, on se comporte de façon perverse, tant à l’égard des migrants que des Grecs, par exemple, dans une direction comme dans l’autre. Cette Europe est sans doute le (petit) continent le plus pervers à l’égard des autres dans toute l’histoire de l’humanité. Une perversité qui se vérifie dans l’articulation de trois symptômes :
1 – son exploitation criminelle de beaucoup d’autres régions du monde (mainmise sur leur économie, exploitation des richesses naturelles, exploitation de la main d’œuvre, maintien des populations dans la misère, soutien à des régimes autoritaires, soutien à des guerres et vente massive d’armes).
2 – sa haine virulente à l’égard des migrants qui, fuyant la misère, les privations de liberté, les persécutions politiques ou la guerre — dont elle est souvent la première responsable — sont violemment refoulés à ses frontières ou maltraités sur son territoire.
3 – sa propagande au sujet du reste du monde, qui se résumerait, selon elle, à quelques coupeurs de têtes et autres barbares de circonstances, alors qu’elle serait, à l’inverse, le creuset de la sagesse, de la justice et de la paix. Parmi d’autres présupposés, le soleil du sud et le manque de culture engendreraient la paresse et l’inorganisation, alors que le climat tempéré et la somme d’intelligences et d’expériences du continent s’imaginant supérieur favoriseraient la qualité de son travail et de son organisation. »
Geneviève Fontaine propose « l’expérience de l’association Evaléco » qu’elle préside : « Les initiatives d’économie solidaire se proposent de mettre en acte une autre vision de la société, davantage centrée sur l’humain, où l’économie serait réencastrée dans la société et les rapports sociaux. Elle tendent à proposer une alternative à la place aujourd’hui occupée par une pensée économique basée sur un présupposé de rareté des ressources et sur la croyance dans la suprématie du marché et de ses “ lois ” ».
Les Zindigné(e)s ! propose un entretien avec Bernard Friot : « Emanciper le travail » (à ce propos, voir sur Youtube) : Friot propose le salaire à vie, la lutte des classes dans le domaine des modes de vie. Passionnant, comme toujours.
Michel Weber revisite le féminisme entre épiderme et utopie : « En bref, trois thèses complémentaires sont avancées : d’abord, le féminisme n’a jusqu’ici réussi qu’à obtenir des aménagements cosmétiques de nos sociétés moribondes, qui demeurent plus paternalistes (et infantilisantes) que jamais ; ensuite, le sens commun nous met en demeure de penser à neuf les relations entre les sexes, pas de niveler les séparations entre les genres ; enfin, seule une utopie féministe radicale pourrait répondre aux très légitimes attentes des femmes. Il est grand temps de reconnaître la puissance du vagin. »
Yann Fiévet explique ce qu’est le « monologue antisocial » : « L’ampleur de la décrépitude actuelle de la politique se mesure certainement à l’aune de la distance creusée entre les discours et les actes des gouvernants. MM. Hollande et Valls disent à l’envi être fermement attachés au dialogue social, croire en ses vertus « au service de la cohésion nationale », convaincus qu’ils sont que cela permettrait de réduire les inégalités tout en « renforçant notre économie ». Attend-on vraiment une autre parole de la part d’hommes politiques qui, par ailleurs, se disent toujours authentiquement de gauche ? Pourtant, la parole ne pèse rien lorsqu’elle est systématiquement contredite par les actes politiques. Pire, elle devient hypocrisie, une hypocrisie qui flirte, en l’occurrence, dramatiquement avec la tromperie. »