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Les vrais prédicateurs de la haine : l’arrestation du Cheikh Raed Salah par les Britanniques (Counter Punch)

Nazareth - A en croire la plus grande partie des médias britanniques, il s’agit d’un "prédicateur islamiste de la haine" dont les vues sont "violemment antisémites" et qui a financé des opérations terroristes du Hamas.

Le déchaînement de fureur de la semaine dernière contre le Sheikh Raed Salah que le Daily Mail a décrit comme un "ignoble militant extrémiste" a poussé le gouvernement britannique à ordonner son arrestation la nuit dernière ; il est en instance de déportation imminente. Le raid sur son hôtel d’où il a été emmené menotté à la prison a eu lieu juste avant une intervention prévue devant le parlement britannique à laquelle devait assister plusieurs membres du parlement.

Le tollé contre le Sheikh Salah a choqué le 1,3 million de citoyens palestiniens d’Israël. Pour eux, il est un leader spirituel et le chef d’un parti respecté, le Mouvement Islamique. Il est aussi admiré par un large public palestinien. Le mouvement laïc du Fatah, y compris Salam Fayyad, le premier ministre de l’Autorité Palestinienne, ont aussi condamné son arrestation.

De nombreux Palestiniens, comme des millions de Musulmans du Moyen Orient, révèrent le Sheikh Salah parce qu’il protège les lieux saints chrétiens et musulmans qui sont négligés et maltraités par le gouvernement israélien. Ils ne comprennent pas que les médias britanniques le comparent à Ben Laden.

La plupart des Juifs d’Israël n’étaient pas non plus au courant de la soi-disant réputation du Sheikh Salah comme quelqu’un qui hait les Juifs, malgré leur vigilance pour tout ce qui ressemble à de l’antisémitisme. C’est vrai qu’en général les Juifs israéliens ne l’aiment pas mais c’est surtout parce qu’ils pensent que le courant islamique auquel il appartient est incompatible avec l’idéologie étatique de suprématie juive. Ils le craignent parce qu’il est le leader d’un Islam local qui refuse de se laisser intimider. Les israéliens qui considèrent que cela en fait un antisémite, le pensent uniquement parce qu’ils classent tous les musulmans pieux dans la même catégorie.

Les officiels israéliens détestent aussi le Sheikh Salah. Pas non plus parce qu’il serait soi-disant antisémite mais parce qu’il les gênent beaucoup en faisant campagne depuis longtemps pour empêcher ce qu’il considère comme une tentative israélienne de s’approprier l’enceinte (connue sous le nom de Mont du temple NdT) où se trouve la Mosquée al-Aqsa à Jérusalem - tentative qui s’inscrit dans un plan plus vaste de "judaïsation" des parties occupées de la ville.

En d’autres termes, pour les Juifs israéliens, le Sheikh Salah est un empêcheur de tourner en rond et un provocateur invétéré tandis que la minorité palestinienne du pays accuse Israël de le persécuter pour ses opinions politiques et religieuses.

Les médias et le gouvernement britanniques se sont fourvoyés maladroitement dans cette querelle interne à Israël au nom de principes éclairés qui se sont en fait révélés être des préjugés profondément ancrés. L’humiliation du Sheikh Salah par le système britannique -soi-disant dans le but de promouvoir "la décence et le respect"- aura pour seule conséquence de rappeler aux Musulmans l’hypocrisie si souvent patente de la politique occidentale.

Le deux poids deux mesures est mis tout particulièrement en lumière par la récente promesse que la grande Bretagne a faite à Israël de changer ses lois de juridiction internationale. Cette modification permettra au groupe croissant d’Israéliens suspectés de crimes de guerre d’échapper à toute future menace de poursuites dans le Royaume-Uni et de recevoir un accueil beaucoup plus chaleureux que le Sheikh Salah.

Il n’est donc pas surprenant que l’opposition anglaise à la présence du Sheikh soit la conséquence d’une campagne de diffamation orchestrée par des groupes pro-israéliens.

Ils l’ont accusé de répandre la calomnie de "crimes rituels"* contre les Juifs sur la base de sources douteuses. Quand ils ont brandi ces mêmes accusations en Israël il y a plusieurs années, le Sheikh Salah a été mis en examen et inculpé. Cependant les poursuites ont été abandonnées peu après par manque de preuves crédibles.

Les autres allégations -à savoir le financement d’attaques terroristes du Hamas- reposent sur des accusations formulées par le gouvernement israélien de 2003 pendant une de ses nombreuses arrestations. Bien que l’état ait soi-disant accumulé 200 000 enregistrements d’appels téléphoniques, ils n’ont jamais trouvé dans ces conversations la preuve tangible qu’ils cherchaient.

Au lieu de cela, le Sheikh Salah a langui en prison pendant deux ans pendant que son procès traînait en longueur, les chefs d’accusations sans cesse réduits par manque de preuves. Finalement il a accepté un accord (plea bargain) en échange de sa libération et il a été condamné pour avoir financé des organisations caritatives islamiques au profit de veuves et d’orphelins - qui furent déclarées "soutien au terrorisme" comme toutes les associations islamiques des territoires occupés y compris les organisations d’assistance sociale qui sont persécutées sans répit par la répression punitive israélienne.

Le système légal israélien, en dépit de sa propension à considérer chaque citoyen palestinien comme une menace pour la sécurité, n’a pas réussi à condamner le Sheikh Salah ni pour antisémitisme ni pour avoir aidé directement des terroristes.

Alors pourquoi l’Angleterre se montre-t-elle "plus israélienne que les israéliens" comme deux membres arabes du parlement israélien l’ont fait ironiquement remarquer ?

Une des raisons est que la grande Bretagne est de plus en plus soumise à l’influence du lobby pro-israélien. Des accusations infondées ont été lancées en premier lieu par les médias juifs d’Angleterre qui sont devenus les pom pom girls d’Israël et par le Comité des députés (Board of Deputies), l’organisme anglais qui représente les Juifs.

L’autre raison est que le lobby pro-israélien n’a hélas aucune difficulté à exploiter l’islamophobie qui domine le discours public dans beaucoup de pays occidentaux, y compris l’Angleterre. La crainte d’un choc des civilisations et de l’immigration musulmane engendre l’idée que tout érudit ou autorité islamiste ne peut être qu’un "mollah fou" de plus.

Cette approche menace les valeurs mêmes qu’elle prétend défendre. Elle réduit au silence ceux qui sont le mieux placés pour critiquer la politique occidentale -à savoir ses victimes. Et elle empêche de remettre en question les idées les plus chères à l’Occident, idées qui, dans certains cas, pourraient se révéler être des idées sectaires tout simplement.

Il faut souligner un aspect des choses que les commentateurs médiatiques ont passé sous silence. Le Sheikh Salah ne venait au parlement, le berceau de la démocratie anglaise, pour parler du Djihad ni des infidèles, mais de comment "instaurer la paix et la justice à Jérusalem".

Les occidentaux ont désespérément besoin d’entendre ce message, mais Israël et ses supporters ne veulent absolument pas qu’ils l’entendent. Grâce aux médias et au gouvernement britanniques, les Anglais ne pourront pas bénéficier d’un vrai débat sur le sujet avant encore un moment.

Jonathan Cook

Jonathan Cook est écrivain et journaliste. Il vit à Nazareth. Ses derniers livres sont : "Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the Plan to Remake the Middle East" (Pluto Press) et "Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair" (Zed Books). Son site web est : www.jkcook.net.

Pour consulter l’original : http://www.counterpunch.org/cook07042011.html

Traduction : Dominique Muselet

Note :

* La légende des crimes rituels (les Anglais disent blood libel) attribue à des minorités déterminées et socialement rejetées des meurtres contre les membres du groupe majoritaire, le plus souvent des enfants. Calomniant ceux qu’elle proclame les auteurs, elle provoque et justifie oppression et persécution. Ses colporteurs profitent des enlèvements qu’on n’a pu éclaircir, des accidents et des décès et pour les expliquer ils proposent des boucs émissaires. De telles légendes ne sont pas seulement le résultat de légendes populaires, enracinées dans la superstition, mais, dans un but de propagande, elles sont aussi construites et utilisées de façon réfléchie par des groupes d’intérêts religieux, politiques, régionaux ou locaux. Des pogroms, des lynchages et des meurtres camouflés en jugements en sont souvent le résultat.

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