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Ce que cache le mystère de la-chambre-à -2000-euros-la-nuit

Chaque matin je me souviens d’Aragon. Alors, je commence par une lecture soigneuse de la presse, avant d’écouter la radio et parfois je regarde même la télévision. La plupart du temps ça me met en colère, mais ça me réveille.
Ainsi, avant la-chambre-à -2000-euros-la-nuit, les médias ne parlaient que de DSK, après la-chambre-à -2000-euros-la-nuit, les médias ne parlent que de DSK. Il ne se serait donc passé rien d’autre ?

En réalité, les mêmes gensdelettres, les mêmes gensdetélé, les mêmes gensderadio sont encore là , pour dire les mêmes choses avec les mêmes moyens, les mêmes arguments et les mêmes promesses, aux mêmes heures, sans même s’interroger sur leur perte d’innocence, sans même une excuse, les mêmes qui se prononçaient à plus de 90% pour le oui au référendum sur la Constitution européenne. Les mêmes qui au lendemain de ce référendum, non remis de la vague du non, annonçaient la défaite de l’intelligence et la victoire d’une horde de va nu pieds, certes majoritaire, mais non majeure disaient-ils : Si le peuple est souverain, il n’est pas infaillible. En démocratie, l’ingratitude, l’immaturité font partie des privilèges inaliénables des citoyens (Editorial, Libération 03.05.05). C’était la voix de la haine, du mépris, de l’arrogance, attentatoire au respect le plus élémentaire des personnes. C’est connu, la démocratie c’est bien, à la condition que le peuple vote comme on le lui demande.

Cette tyrannie du consensus, qui ne laisse plus de place pour le sujet qui veut dire non, a la vie dure et ne rate jamais l’occasion de nous le rappeler. En effet, c’était reparti de plus belle pour la présidentielle, avec un homme providentiel, puisqu’ils nous le disaient à longueur de journée, le plus compétent, le plus rayonnant, bref le plus-plus, au point de se demander s’il était vraiment nécessaire de voter, puisqu’il était le champion déclaré avant le combat, le citoyen au dessus de tout soupçon. Lorsque, patatras ! Une histoire américaine vient tout enrayer dans laquelle une femme de chambre peut avoir de la dignité et être entendue quand elle accuse l’un des hommes les plus puissants du monde d’être un prédateur sexuel.

C’est un fait, personne ne sait vraiment ce qui s’est passé, dans la-chambre-à -2000-euros-la-nuit. Pour le moment, ce qui est sûr, c’est qu’il y a une plaignante et un présumé coupable. Alors, pourquoi d’emblée, un tel déchaînement partisan, une pareille vague de témoignages aventureux, où la femme de ménage n’a pas pesé lourd : il n’y a pas mort d’homme ; troussage de domestique ; elle l’a bien cherché. Quelle troublante levée de boucliers. Ne s’agirait-il pas là d’une étrange et durable déférence envers les hommes puissants ?

En tout cas, il y a dans ce tohu-bohu, une représentation pathologique de l’agression sexuelle et c’est une attitude malheureusement courante que de blâmer la victime dans une affaire de viol. Il est même fréquent de plaider la relation consentante.

Marcel Pagnol le résume autrement lorsque Manon des Sources comparait devant un tribunal populaire pour une agression qu’elle se défend d’avoir commise. Le maire s’adresse à l’homme agressé, quels gros mots avez-vous choisi pour exprimer votre dépit amoureux ? lui ne répond pas, mais Manon le fait à sa place, il m’a dit salope ! Alors le maire triomphe, j’en été sûr, un mâle dépité appelle toujours salope une fille qui refuse précisément de l’être.
Pour Jean-François Kahn il y a un malentendu, lui qui n’a jamais mâché ses mots pour défendre une certaine idée du progrès. Alors, droit de réponse ou liberté d’expression, il est tout de suite invité par les médias pour tenter d’expliquer que nous n’avons pas bien compris ce qu’il voulait dire et qu’il aurait dit une chose qu’il n’a pas dite, mais que nous aurions rêvé qu’il ait dite. S’agit-il là de la liberté d’expression ? Pourquoi pas, mais de celle qui est offerte aux mêmes, toujours les mêmes qui reviennent tour à tour ronronner, plastronner, ne rien dire tout en le faisant savoir.

La démocratie n’est pas la liberté d’expression, mais plutôt la liberté des expressions, l’ouverture aux débats contradictoires. Car, la liberté n’est pas une propriété individuelle et la démocratie n’est rien d’autre que l’institutionnalisation du conflit et de son dépassement éventuel par la négociation où chacun peut mettre à l’épreuve ses raisons. Alors, osons ne pas refuser la conflictualité comme une donnée irréductible, car dès l’instant où une société veut en finir avec la conflictualité, avec tout débat, l’émergence d’un totalitarisme est à craindre ; c’est un fait, si l’espace public meurt, la liberté aussi.

Mais de tout ça point de traces médiatiques, que des lamentations, des spéculations, des proclamations, car c’est bien connu, un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Or, de quel être s’agit-il ? De quelle autorité ? De quelles qualités ? En réalité, DSK, hommedegauche, n’a jamais rien prouvé en matière de redistribution des richesses, c’est même celui qui aura le plus privatisé au cours de la 5ème République, soucieux d’être à la mesure du très contraignant pacte de stabilité européen afin de réduire tout simplement la dette publique, contrairement au programme de la gauche plurielle qui refusait la privatisation des services publics et leur transformation en objet de profits.

Au fond, c’est un homme préoccupé par la seule inflation et non par l’emploi qui propose comme réponse à la crise financière privée une solution publique de plans d’austérité.

En revanche, toutes les stock-options, même celles des patrons du CAC 40 seront imposées à 26 % et non plus à 40 %, alors que, paradoxalement, c’est Alain Juppé, deux ans plus tôt, qui avait relevé le taux d’imposition de 26 % à 40 %. Et, cerise sur le gâteau, la promesse de mettre en place un grand pôle financier public est tout simplement transformée en son contraire, puisque le secteur financier public sera tout bonnement supprimé. Un geste qui surprendra même le quotidien patronal Les Echos qui salue la réduction spectaculaire de l’emprise du public.

N’en jetez plus la coupe est pleine, alors que la liste est loin d’être exhaustive des prouesses de l’homme providentiel que le Parti Socialiste s’apprêtait à nous vendre via son agence de marketing politique, avec une overdose de sondages et un dispositif de propagande suffisamment pénétrant pour ne pas en délibérer démocratiquement. Bref, une strauskanisation des consciences était à l’oeuvre, non une clarté des propositions, ni des engagements, mais une sorte de conspiration réactionnaire pour imposer une autorité qui soulagerait de l’angoisse, qui viendrait enfin dire à nouveau ce qu’il faut et ce qu’il ne faut pas faire, ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. En un mot une violation de la démocratie. Cet homme providentiel n’était vraiment pas au niveau d’une recherche pour le bonheur des humbles.

Aussi, il est urgent de ne pas abandonner sa part de souveraineté et de ne pas obéir aux injonctions de ceux qui savent. La connaissance ne peut être une affaire d’initiés qui gardent jalousement leur secrets, mais elle doit être divulguée grâce à la parole délibérante et à la décision collective qu’elle fonde. Alors, Que font les médias ? Que cherchent-ils ? Que veulent-ils ? Qui sont-ils ?

Pour Patrick Le Lay c’était clair, mon métier consiste à vendre du temps de cerveau disponible à Coca-Cola et pour Lord Thomson, le magnat de la presse écrite anglo-saxonne, aussi, je ne lis jamais les articles de mes journalistes. Le seul intérêt de ces articles est de constituer un fond de grisaille qui fait ressortir et met en valeur les publicités.

En vérité, en République, la seule morale d’un journal ne peut être que la connaissance universelle. Tout journal qui n’élargit pas la connaissance du monde est un journal immoral.

Aussi, en attendant que le jugement de New York soit rendu, pour dire les choses un peu plus vraies, j’en appelle à la sagacité de nos gendelettres pour qu’ils s’interrogent quelque peu sur d’autres sujets, notamment sur la grossièreté de certains chiffres où la richesse des 250 personnes les plus fortunées au monde est supérieure à celle de 2,5 milliards d’individus et où l’Europe du marché compte 12 millions de chômeurs.

Ces écarts sont les symptômes d’une vie politique désertique où il n’y a plus la moindre conception idéologique ou même utopique, ni programme. La plupart des hommes et des femmes politiques se transforment en gestionnaires du seul marché, fondé sur une marchandise de moins en moins soucieuse de la rémunération du travail, soutenus largement pas les gensdelettres qui ne s’émeuvent pas trop de la dureté du programme de stabilité et de croissance européen pour la période 2011-2014. Et que dire de l’attaque abjecte menée contre les allocataires du RSA cancer de la société conduite au pas de charge par ceux qui ne connaissent pas l’angoisse des fins de mois. Allons, encore un effort, les évènements singuliers ne manquent pas, il suffit simplement de tourner la tête de leur côté, par exemple, là où Christine Lagarde se pourvoit en cassation contre un jugement de la cour d’appel de Versailles qui a reconnu l’illégalité des licenciements de 17 mineurs pour fait de grève pendant la "bataille du charbon" en 1948 ! Après 63 ans, la haine et le mépris n’ont pas pris une ride, la lutte des classes non plus. Mais là où croît le danger, croît aussi l’espoir, si on en croit une certaine météo.

En effet, la France n’aura jamais connu des étés aussi beaux que ceux des cinq ou six années qui précèdent la Révolution. Leur lumière est dans tous les écrits du temps. Ce que confirment les paléoclimatologues qui relèvent un recul manifeste des glaciers et la précocité des vendanges, au cours de la décennie d’avant 1789.

Le mystère de la-chambre-à -2000-euros-la-nuit n’est toujours pas éclairci, mais il y a là de quoi rêver !

Anatole Bernard

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