Commençons par un regret ou un conseil qui ne saurait affecter la qualité globale de l’ouvrage : on ne saurait trop conseiller à l’éditeur de faire une relecture. Des coquilles auraient pu être évitées ainsi qu’une incohérence qui voit le héros enfiler (page 148) le pantalon qu’il a déjà enfilé quelques minutes avant (page 147).
En principe, je suis assez hermétique aux récits dont le déroulé et la chute s’affranchissent de la logique rationaliste et introduisent un « esprit » qui agit sur les héros « à l’insu de leur plein gré ». Mais voilà, Philippe Nonie, réussit, dans une langue assez poétique, une belle mayonnaise, enrichie de faits historiques, comme ceux de la destinée douloureuse des « cagots » des Pyrénées. Les cagots sont des hommes de petite taille. Leur singularité va leur valoir mises à l’écart, discriminations, hostilités, brimades, bref, tout ce que les imbéciles réservent aux êtres différents.
Tels des lépreux, les cagots étaient tenus à l’écart de la population, jusque dans les églises où des bénitiers leur étaient réservés et dans les cimetières où ils étaient enterrés à l’écart.
Le héros principal de Philippe Nonie se nomme Henri, homme à tout faire dans l’exploitation agricole familiale de ses parents du côté de Bagnères-de-Bigorre, dans les Pyrénées.
Son destin est de travailler là, comme ses parents et ses grands-parents. Mais Henri rêve d’une vie loin de la ferme. Dévoré par l’amour des livres, doué pour l’écriture, il ne veut pas devenir paysan.
Un matin, il va faire une rencontre étrange dans un champ (« La parcelle aux génisses »), non loin d’une grange en ruine. La, une peintre inconnue a planté son chevalet pour peindre la grange. Elle va poser ses doigts sur les yeux du cagot, lui demander de toucher les pierres dont elle prétend qu’elles ont une mémoire et la vie d’Henri le cagot va basculer.
Le lendemain, il est pris de transes, sa main droite est secouée de tremblements. Il est en proie à une « boulimie créative » qui ira en s’intensifiant tout au long du roman et qu’il ne peut calmer qu’en écrivant.
Et Henri va écrire, car tel est son destin révélé : « J’étais enfin devenu l’homme que j’avais envie d’être : par les mots je rattrapais les centimètres que la vie ne me procurait plus. Par cette histoire, je projetais en ombres chinoises la tragédie vécue au cours des siècles par les cagots. »
Plus tard, à la recherche de la peintre, Henri va découvrir un lourd secret de famille qui n’est pas sans rapport avec sa rencontre et avec ce qu’elle a déclenché chez lui. Mais, chut, lisez « Les Pierres de mémoire », éditions Paul & Mike, 2016, 232 pages, 13,90 euros.
Maxime Vivas
http://philippe-nonie.com/PagesGlobales/index.php?page=Biographie