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Les paysans roulés dans la farine. Ils sont contents ?

Le salon de l’agriculture s’est tenu à Paris du 22 février au 1er mars. Je ne souscris pas au modèle productiviste qui y était majoritairement présenté, même si je sais que des paysans bio s’y sont également rendus.

Les représentants de l’agriculture chimique vont profiter de cette occasion pour refuser bruyamment toute réduction des pesticides. Pourquoi se gêneraient-ils : ça marche. À Noël, Macron et son gouvernement ont tranché pour des zones tampons de protection des habitations de l’épandage des pesticides. On peine a croire que ce ne soit pas un gag ! Il s’agit d’une zone de.... trois mètres. Et cette semaine, Macron a confirmé qu’il avait tout simplement renoncé à l’interdiction du glyphosate quoique cancérigène : « pas tenable », selon lui. On se souvient des numéros des députés LREM avec des trémolos dans la voix quand ils nous chantaient les mérites de leur politique « sans précédent » sur le sujet. Mais le salon pourrait aussi être l’occasion de parler de la condition sociale des paysans. Et de le faire sans les habituelles pleurnicheries surjouées qui se moquent de la détresse réelle de centaines de milliers de paysans !

Car leur exemple revient souvent dans la bouche des défenseurs de la réforme des retraites. D’après la propagande, les agriculteurs en seraient les grands gagnants – comme les femmes. Le minimum de retraite à 1000 euros par mois est censé leur profiter à plein. Il est vrai que la retraite actuelle des paysans est inférieure de 150 euros au seuil de pauvreté. Mais disons d’abord que ça ne devrait pas être le cas. Le minimum de pension à 85% du smic pour une carrière complète a été voté dans la loi en 2003. Mais jamais appliqué.

En vérité, bien peu de paysans verront la couleur de ces 1000 euros. Tous ceux qui ont des carrières hachées ne l’auront pas. C’est le cas de nombreux agriculteurs qui doivent s’interrompre après des accidents du travail, ou simplement l’usure du corps. Les conjoints sont aussi exclus de ce nouveau droit. La confédération paysanne a calculé que ces deux barrières excluaient de fait 40% du monde agricole qui continueront à toucher des pensions de retraite en dessous du seuil de pauvreté.

Mais surtout, le 11 février dernier, Macron a dit clairement que les retraités actuels de l’agriculture ne bénéficieront d’aucune revalorisation de leurs retraites de misère : « il ne faut pas se leurrer, on ne pourra pas aller à 1000 euros pour tous ». Évidemment, tous ceux qui, comme nous, s’intéressent de près à cette réforme avaient déjà bien compris ce point. Mais les paysans ont bien été enfumés. Car Macron a été bien aidé par le syndicat représentant la branche productiviste de l’agriculture française, la FNSEA. Celui-ci a commencé par dire haut et fort son soutien au système de retraite par points.

Il a donc largement pu relayer l’intox. C’est moins le cas depuis que Macron lui-même a vendu le pot aux roses. Les 1,3 millions de retraités agricoles commencent à comprendre que le régime leur a menti. D’autant plus que la FNSEA est affaiblie depuis les révélations sur les salaires mirobolants de ses dirigeants. Le directeur général gagne 13 000 euros par mois. C’est-à-dire plus qu’un ministre mais surtout tellement plus que la moyenne des paysans. 20% des chefs d’exploitation déclarent un revenu nul ou négatif pour leur entreprise. Tous les deux jours, l’un d’entre eux se suicide de pauvreté.

Les petites retraites des paysans sont avant tout dues à ces très faibles revenus pendant leur vie active. Et là encore, Macron porte sa part de responsabilité. Il continue dans la voie d’un libéralisme dogmatique appliqué à l’agriculture. La crise sociale dans l’agriculture est par exemple due au libre-échange. La multiplication des accords d’ouverture des frontières aux denrées alimentaires sans prendre en considération la façon dont ils ont été produits sur le plan social ou environnemental introduit une concurrence déloyale. Une concurrence accentuée par le CETA. Macron l’a accepté sans ciller. Depuis, les Canadiens peuvent importer en Europe des produits agricoles sur lesquels ils ont utilisés 42 pesticides que nous interdisons.

Le revenu des agriculteurs est aussi tiré à la baisse par la financiarisation de leur activité. Le prix auquel un paysan vend finalement sa récolte correspond à des échanges spéculatifs dans la bulle financière. Depuis les années 2000, les échanges sur le marché des dérivés financiers agricoles a été multiplié par 16. Au final, dans les bourses mondiales, seuls 2% des échanges de titres agricoles correspondent à un mouvement réel d’une récolte quelque part dans le monde. La conséquence est une grande instabilité des cours agricoles, et la baisse des revenus paysans.

Pour restaurer un revenu digne pour les agriculteurs, il faut définanciariser. Nous pouvons le faire par l’intervention de l’État. C’est ce que les Insoumis avaient proposé à l’Assemblée nationale lors de l’examen de la loi sur l’agriculture et l’alimentation : des prix planchers décidés soit par la négociation, soit par l’Ètat. Ainsi, les revenus des agriculteurs ne seraient plus déterminés par les marchés financiers et les multinationales de la grande distribution. Macron a balayé tout ça et voté une loi inutile.

La clé c’est le retour de l’État. C’est grâce à son implication et à sa capacité à planifier et réguler que la France est devenue autosuffisante pour son alimentation. C’est aussi par lui que nous pourrons passer à un autre modèle agricole, respectueux de la santé des hommes, des animaux et des sols. On ne fera pas cette révolution en maltraitant les paysans. Et surtout pas, en leur mentant par-dessus le marché, comme le fait Emmanuel Macron.

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