"Les larmes de Gaza" de Vibeke Lokkeberg est un film documentaire que tous les Américains devraient voir pour se rendre compte de ce que le gouvernement fait avec nos impôts. Tous les Européens devraient le voir pour découvrir le vrai visage d’Israël. Tous les Arabes devraient aussi le voir pour raffermir leur détermination à ne pas laisser une nation raciste effacer la Palestine et ses enfants de la carte et de l’histoire.
J’avais lu des articles sur la situation de Gaza après l’attaque israélienne dénommée "opération Cast lead". J’avais lu les rapports. Je croyais que j’avais tant pleuré que je n’avais plus de larmes à verser. Mais ce film m’est allé droit au coeur et m’a tellement émue que je me suis remise à pleurer et me revoilà avec un noeud dans le ventre parce qu’on a bombardé des enfants endormis, parce que des hélicoptères ont répandu la mort et la désolation du phosphore blanc sur des citoyens terrifiés qui s’étaient rassemblés dans une école de l’ONU pour se protéger... et parce que personne n’a rien fait pour empêcher cela. "Les larmes de Gaza" dévoilent les mensonges, les dissimulations et le retournement de veste de Richard Goldstone. Il vous emmène au coeur de la bande de Gaza dévastée pour vous montrer la vérité qui se cache derrière les grands titres lâches et mensongers des journaux qui appelent le massacre perpétré par Israël, une "incursion" ou de la "légitime défense". Ce film nous fait découvrir ces réalités à travers les yeux des enfants. Il ne faut pas le manquer !
La première fois que j’ai entendu parler des "larmes de Gaza" a été quand Bernard Henri-Levi nous a attaquées Lokkeberg et moi-même dans les principaux organes de presse européens. Elle et moi avons été en contact depuis et j’ai finalement réussi à voir le film. C’est un travail d’une importance monumentale. C’est un beau film, triste, honnête et dévastateur.
Vibeke Lokkeberg nous offre les noms, les visages et l’histoire de trois enfants ordinaires de Gaza qui ont un courage extraordinaire. On tombe d’abord amoureux de Yehya, un garçon de 12 ans qui veut devenir docteur pour pouvoir soigner les personnes blessées par des balles israéliennes. On le voit apprendre à piloter un petit bateau à moteur, perdu dans la magie de l’enfance. Les yeux brillants et le sourire lumineux qu’il a en cet instant, rendent ses larmes encore plus difficiles à supporter quand il se met à parler de son père tant aimé. Le seul récit des pertes qu’il a eu à subir ensuite vous laisse hébété et atterré.
Jusqu’à ce qu’on rencontre Amira qui a 14 ans et qu’on entre dans son univers.
Amira est belle. Elle a cette sorte de beauté qui recèle une souffrance ineffable qu’on voit rarement chez les jeunes. Sa vie aussi est gâchée par la mort, la destruction et la mutilation de son corps par les balles. Elle dit qu’elle veut étudier la loi pour pouvoir poursuivre les Israéliens en justice pour les crimes qu’ils ont commis. Puis, elle parle de son père et de ses frères, et elle dit qu’elle aurait préféré "partir avec eux".
Comme Amira, Rasmia est beaucoup plus mûre que ses 11 ans. Ceux qui parlent arabique verront peut-être en elle des choses que les autres ne pourront pas voir. C’est à cause de la traduction, et c’est le seul reproche que je ferais au film. Quand Rasmia entre toute éveillée dans une sorte de transe, sa mère dit en Arabique qu’elle "imagine". La traduction dit qu’elle se "souvient" ce qui n’a aucun sens et empêche de comprendre précisément ce qui lui arrive. Sa mère explique que parfois elle "imagine" juste des choses qui sont arrivées pendant les attaques. Je suppose que la plupart des psychologues ont eu affaire à ces symptômes et en entendant l’explication de la mère seraient d’accord pour dire qu’elle a des flashbacks, ce qui est un signe clair de désordre post-traumatique.
Quand Yehya parle de la mort de son père la traduction n’est pas exacte non plus et cela altère le sens profond de son récit. Il parle en fait à la troisième personne : "Quand quelqu’un perd son père c’est comme s’il avait perdu le monde entier...." Mais ses paroles sont traduites à la première personne : "Quand mon père est mort, c’est comme si j’avais perdu le monde entier." La distinction peut paraître triviale jusqu’au moment où on réalise qu’en fait il est incapable d’employer la première personne sans éclater en sanglots. Cela a l’air d’un détail mais en fait cela vous brise le coeur un peu plus.
Et on doit laisser nos coeurs se briser en pensant à Gaza. C’est le moins que l’on puisse faire. Ecouter ces trois enfants et demander à d’autres de les écouter est le moins que l’on puisse faire. Vibeke Lokkeberg a fait un reportage remarquable sur ce qui est arrivé de décembre 2009 à janvier 2010 ; de sorte que personne ne peut dire "Je ne savais pas."
Pour ne pas oublier, pour que nos larmes et notre indignation ne se tarissent pas, et pour que nos coeurs saignent tant que la Palestine n’est pas libre, j’espère que ce film sera projeté sur les écrans du monde entier dans les campus universitaires, les communautés, les organisations et chez les particuliers. Ne considérez pas cet article comme une critique de film mais comme un appel à l’action.
Susan Abulhawa
Susan Abulhawa est l’auteur de Mornings in Jenin, un ouvrage de fiction historique et la fondatrice de Playgrounds for Palestine.
Pour consulter l’original : http://dissidentvoice.org/2011/09/tears-of-gaza-2/
Traduction : Dominique Muselet