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Les élections européennes de Mai 2014. Nouvelles étape dans l’implosion du projet européen

1.La construction européenne a été conçue et mise en œuvre dès l’origine pour garantir la pérennité d’un régime de libéralisme économique absolu. Le traité de Maastricht (1992) renforce encore ce choix fondamental, et interdit toute autre perspective alternative. Comme le disait Giscard d’Estaing : « le socialisme est désormais illégal ».

Cette construction était donc par nature anti-démocratique et annihile le pouvoir des Parlements nationaux élus, dont les décisions éventuelles doivent rester conformes aux directives du pouvoir supranational défini par la pseudo-constitution européenne. Le « déficit de démocratie » des institutions de Bruxelles, à travers lesquelles opère la dictature néo-libérale, a été et demeure consciemment voulu. Les initiateurs du projet européen, Jean Monet et autres, n’aimaient pas la démocratie électorale et se donnaient l’objectif d’en réduire le « danger », celui d’engager une nation hors des sentiers tracés par la dictature de la propriété et du capital.

Avec la formation de ce que j’appelle le capitalisme des monopoles généralisés, financiarisés et mondialisés, à partir de 1975, l’Union Européenne est devenue l’instrument du pouvoir économique absolu de ces monopoles, créant les conditions qui qui permettent d’en compléter l’efficacité par l’exercice parallèle de leur pouvoir politique absolu. Le contraste droite conservatrice/gauche progressiste, qui constituait l’essence de la démocratie électorale évoluée, est de ce fait annihilé, au bénéfice d’une idéologie de pseudo « consensus ».

Ce consensus repose sur la reconnaissance par les opinions générales en Europe que les libertés individuelles et les droits de l’homme sont garantis, au moins dans la majorité des Etats européens sinon dans ceux de l’ex Europe orientale, mieux qu’ailleurs dans le monde. C’est exact et à l’honneur des peuple concernés. Néanmoins la double dictature économique et politique des monopoles généralisés annihile la portée de ces libertés, privées de leur capacité de porter en avant un projet de société qui transgresserait les limites imposées par la logique exclusive de l’accumulation du capital.

Par ailleurs l’unité européenne a été popularisée avec l’argument alléchant que celle-ci conditionnait l’émergence d’une puissance économique égale à celle des Etats Unis et autonome par rapport à celle-ci. Mais en même temps la constitution européenne combinait les adhésions à l’Union Européenne et à l’OTAN, en qualité d’allié subalterne des Etats Unis. Le nouveau projet d’intégration économique atlantique devrait dissiper les mensonges de cette propagande : le marché européen sera soumis aux décisions du plus fort, les Etats Unis. Adieu l’indépendance de l’Europe !

2. Mais le régime économique libéral absolu, imposé par la constitution européenne, n’est pas viable. Sa raison d’être exclusive est de permettre la concentration croissante de la richesse et du pouvoir, au bénéfice de l’oligarchie de ses bénéficiaires, fût-ce au prix d’une austérité permanente imposée aux classes les plus nombreuses, à la régression des acquis sociaux, voire au prix de la stagnation économique. La spirale infernale de l’austérité produit pour l’ensemble européen la croissance permanente des déficits et de la dette (et non leur réduction comme le prétend la théorie économique conventionnelle, sans fondements scientifiques). Les exceptions (l’Allemagne aujourd’hui) ne peuvent l’être que parce que les autres sont, eux, condamnés à subir leur sort. L’argument avancé – « il faut faire comme l’Allemagne » – n’est pas recevable : par sa nature même le modèle ne peut pas être généralisé.

Néanmoins le pouvoir absolu exercé par les monopoles généralisés et l’oligarchie de leurs serviteurs ne permet pas sa remise en cause par les « opinions générales ». Ce pouvoir absolu est déterminé à défendre jusqu’au bout et par tous les moyens ses privilèges, ceux des oligarchies, seules bénéficiaires de la concentration sans limite de la richesse.

3. Les élections européennes de mai 2014 traduisent le rejet par la majorité des citoyens de « cette Europe » (sans nécessairement être conscients que « l’Europe » ne peut être autre). Avec plus de la moitié d’abstentionnistes dans le corps électoral (plus de 70% d’abstentions dans l’Est européen), 20% de votes en faveur de partis d’extrême droite se déclarant « anti-européens », les listes dites « europhobes » en tête en Grande Bretagne et en France, 6% en faveur de partis de la gauche radicale critique de Bruxelles, cette conclusion s’impose. Certes, en contrepoint, la majorité de ceux qui ont participé au vote, se réclament toujours du (ou d’un) projet européen, pour les raisons données plus haut (« l’Europe garante de libertés et des droits ») et parce qu’ils pensent encore – avec beaucoup de naïveté – qu’une « autre Europe » (des peuples, des travailleurs, des nations) est possible, alors que la construction européenne – en béton armé – a été conçue pour annihiler toute éventualité de sa réforme.

Le vote de défiance d’extrême-droite porte en lui des dangers qu’on ne doit pas sous-estimer. Comme tous les fascismes d’hier, ses porte-paroles ne mentionnent jamais le pouvoir économique exorbitant des monopoles. Leur prétendu « défense de la nation » est trompeuse : l’objectif poursuivi est – outre l’exercice de leur pouvoir dans les différents pays concernés de l’Union Européenne – le glissement de l’Union Européenne de son régime actuel administré par la droite parlementaire et/ou les sociaux-libéraux à un régime nouveau géré par une droite dure. Les débats sur les origines véritables de la dégradation sociale (précisément le pouvoir des monopoles) sont transférés vers d’autres domaines (l’exploitation du bouc émissaire de l’immigration en particulier).

Mais si ce succès douteux de l’extrême droite « anti européenne » est celui qu’il est, la faute en revient à la gauche radicale (à gauche des partis du socialisme ralliés au libéralisme). Par son manque d’audacité dans la critique de l’Union Européenne, par l’ambiguïté de ses propositions, qui alimentent l’illusion de « réformes possibles », cette gauche radicale n’est pas parvenue à faire entendre sa voix.

4. Dans le chapitre intitulé « L’implosion programmée du système européen » (in, L’implosion du capitalisme, contemporain, 2012), je dessinais les lignes générales de la dégradation programmée de l’Union Européenne. On aura alors une petite Europe allemande (l’Allemagne, agrandie par ses semi-colonies d’Europe orientale, allant peut-être jusqu’à l’Ukraine), la Scandinavie et les Pays-Bas attelés à cette nouvelle zone mark/euro ; la France ayant choisi son adhésion « vichyste » à l’Europe allemande (c’est le choix des forces politiques dominantes à Paris), mais peut-être tentée plus tard par un renouveau « gaulliste » ; la Grande Bretagne prenant ses distances et affirmant encore davantage son atlantisme dirigé par Washington ; la Russie isolée ; l’Italie et l’Espagne hésitant ente la soumission à Berlin ou le rapprochement avec Londres. L’Europe de 1930, ais-je alors écrit.

On y va.

 http://www.forumdesalternatives.org/fr/les-elections-europeennes-de-mai-2014-nouvelles-etape-dans-limplosion-du-projet-europeen
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COMMENTAIRES  

13/06/2014 17:19 par Aris

Les gauches dite radicales dans Union sont capitulardes et se demandent encore comment réformer le "Reich" européiste.
Aux dernières nouvelles en France, certaines têtes pensantes du Front de Gauche souhaiteraient intégrer les "pas contents" du PS et les Vert d’EELV dans une "gauche pluriel du mécontentement".
Faudrait vraiment que ces gens là quittent Paris quelques temps pour s’oxigéner le cerveau !

14/06/2014 05:28 par Eyrin

Je viens d’apprendre qu’il y aurait des gauches radicales.
Radicalement quoi ?
Radicalement lâche ou radicalement corrompues ?
Déjà gauche ça se discute...

Quant au FDG c’est juste un opportunisme de gauche comme les verts sont des opportunistes de l’écologie.
La grande majorité de ceux qui composent ces partis se disant de gauche sont exactement de la même caste que ceux défendant le néo libéralisme, des bourgeois, des "experts" autoproclamés et des hauts fonctionnaires bref des salaires mensuels ayant au minimum quatre zéros !

Le FDG n’est que le dernier et probablement ultime fossoyeur de ce qui reste de la gauche, après le PS (qui n’est plus de gauche depuis un siècle) et le PC (lui a au moins fait quelque chose en son temps avant de coller le Parti Scélérat).
Les apparatchiks de ces partis sont à mon humble avis les premiers responsables de la monté inexorable des extrêmes droites soit disant anti européennes mais qui crachent pas sur les indemnités scandaleuses de députés européens...
Je ne jette bien entendu pas tout le FDG, il y a pleins d’individus de bonne volonté dont une majeure partie de son électorat mais malheureusement il n’y en a aucun dans les têtes "pensantes" ou l’on va de nouveau pécher dans les énarques et autres hauts fonctionnaires totalement déconnectés de la réalité de la majorité du peuple.
Ce genre d’individus formatés à la bien pensance libérale depuis leur plus jeune âge ne seront JAMAIS la solution car au mieux ils veulent concilier l’inconciliable en ayant aucune idée de ce que vivent le commun des mortels.

J’ai bien peur que l’on soit arrivé dans une situation ou il n’y a plus aucune chance d’inflexion de la politique de manière "démocratique", reste plus que la violence et ça finira inévitablement par arriver.

L’histoire est un éternel recommencement...

14/06/2014 11:04 par Maxime Vivas

Bon, on se le fait, ce suicide collectif des lecteurs du GS ?

14/06/2014 07:43 par christophe

Attention à ne pas voire dans les mouvements politiques fascistes uniquement des valeurs racistes et nationalistes, l’histoire a montré qu’ils pouvaient surprendre... démagogie et dédiabolisation obligent.
Il ne leur serait pas difficile de faire mieux que des municipalités de gauche (pour le peu que celles-ci font) en développant des programmes sociaux (évidemment en privilégiant leurs sympathisants), en créant des activités, par l’entraide morale et financière...
Il faut mettre nos élites de gauche et d’extrême gauche en face de leurs responsabilités. Ces responsabilités viennent de changer, il leur faut maintenant virer à gauche... ou dégager !

14/06/2014 13:00 par gérard

D’accord avec Maxime, mais pas pour le suicide !
Ce que je trouve incroyable c’est la paresse intellectuelle (je ne peux imaginer que cette hypothèse) de tous ceux qui jettent la pierre au Parti de gauche (le Front de Gauche c’est une autre histoire), car manifestement ils n’ont pas lu, pas voulu lire, pas compris, ou bien ils dormaient en le lisant (rayer la mention inutile !) le programme de Jacques Généreux, sinon ils feraient une toute autre analyse. Autour de moi, je rencontre régulièrement ce même problème !
L’équation extrêmement difficile à résoudre est, dans un monde où les économies de tous les pays sont des plus imbriquées, comment sortir de ce "guêpier" qu’est l’Europe et ce tout en conservant assez de chances de réussite et sans trop de casse. On n’a, comme en temps de guerre, pas le droit à l’erreur, car il faut bien se rendre compte que nous sommes en guerre économique depuis des dizaines d’années, et contre qui ? devinez !
Un pays qui déciderait seul de sortir de l’Europe, a-t-il une chance de réussite, économiquement parlant cela va sans dire ?
Pas évident malheureusement, tant est complexe l’économie d’un pays de la taille de la France.
"les économistes ont été créés (en ce qui concerne la justesse de leurs prévisions) pour que les météorologues se sentent moins ridicules (pour les mêmes raisons)..."
Quant à la montée du FN, c’est un sujet qui fâcherait si je disais que le Parti Communiste en porte une lourde part de responsabilité, mais je ne le dirai pas...
De toute façon il n’est plus temps de revenir sur ce sujet.
Je dirai simplement que le jour même où j’ai appris que le FN avait devancé la Gauche, par son approche simpliste contre l’Europe, j’ai été immédiatement persuadé que le parcours du Front de Gauche allait se compliquer très très sérieusement...et ça n’a pas raté !

14/06/2014 15:26 par Emilio

Ce qui complique la possibilite de voir emerger une alternative populaire pour la France ou l Europe, de controle populaire de l economie, c est l effondrement economique. Plus d industries , pas de ressources , un societe de services et de fonctionnaires ... une societe embourgeoisee par des biens materiels , et endettee. Pas de mouvements populaires de bases et actifs avec visions alternatives d union de classe..Par la consommation , meme le prolo ne se croit plus prolo , devenu honteux meme. Le prolo se croit devenu bourgeois parce qu il consomme et profite de biens materiels. L espoir qui vient du haut de la pyramide est une illusion. jamais aucune revolution sociale n a emergee sans une base de luttes populaires et d organisations proletaires. Combien voit la decrepitude franco europeene comme le resultat de luttes de classes ? Les delocalisations industrielles en sont le parfait exemple. Faire suer le chinois , pas un probleme , le prolo europeen se sentait meme a l abri de cet esclavage .. Negocier la sortie , en douceur , de ces industries nationales ,c est le role des syndicats.. Et apres quoi ¿

Tant que l europeen consomme , il est utile pour les corporations , s il ne consomme plus .. il devient inutile et peut meme disparaitre .
La misere revient en force en Europe, pas la conscience de classe. Les fascistes en profitent , d
ailleurs pour eux , tous, il n y aurait pas de classes mais des corporations. C etait le discours de Jean-Marie Le pen , aussi admirateur de Pinochet , d Uribe , de l ordre securitaire. Maintenant , son parti FN est devenu anti liberal capitaliste .. ce qu etait Hitler aussi … en parole , et les banquiers etaient tres a l Ouest, et finançait le regime. Qui va financer la demagogie du Front National ¿ Le comme avant mais en mieux , le reformisme est mort . C est le FMI la banque mondiale et Goldman Sachs qui ont le pouvoir et imposent.

14/06/2014 16:48 par Emilio

Vu de mes hautes montagnes colombiennes, l URGENCE n est pas de sortir de l Europe ni de l euro pour la France et surtout les français. Mais de l Otan . Et la, il faudra bien plus que des petitions , mais des actions communes de tous les français , manifestations bloquages greves, le paquet. Faire le siege du parlement , etc.. c est la qu est le talon d achille de Washington. Sans cette alliance militaire , qui inclut les peuples affilies dans les consequences d un affrontement, le desamorçage de la guerre se fait. Manifester contre la guerre ne sert a rien, la guerre personne n en veut en discours , mais dans les faits, c est l Otan qui est une menace de conflit mondial.

A vous de voir .. et vous referez de meme une union souveraine de peuples . Bien d autres pays suivront .

Mais il est certainement plus confortable de ne penser que l Ukraine , c est loin , c est leur guerre civile et au pire une guerre froide. Pourquoi une guerre froide ? Aucun evenement ne vient etayer cette these passeiste. Les situations economiques sont totalement differentes. Le $ est chancelant et de plus en plus .. l economie US en banqueroute ... un cocktail explosif de type 1929 en bien pire … et qui s est soldee par une guerre mondiale, pour redonner souffle au capitalisme US. L Ukraine est un cheval de troyes , mais ce cheval est un moyen pas une finalite. Les USA via l Otan veulent la guerre . Cela semble evident pour les russes les chinois les venezueliens et bien d autres. Quand les bombes pleuveront sur nos tetes, il sera trop tard… et c est l Europe qui a subit le scenario principal des 2 dernieres guerres …

14/06/2014 22:40 par assimbonanga

Par son manque "d’audacité" dans la critique de l’Union Européenne ?

Est-ce que manque "d’audace" ne suffirait déjà pas ?

15/06/2014 07:47 par legrandsoir

Oui, de toute évidencité. Merci pour votre vigilancitude.

15/06/2014 07:55 par babelouest

La sortie de l’OTAN est bien entendu une priorité, même si rares sont ceux qui le préconisent. Couplé avec l’arrestation et la mise au secret des principaux banquiers et grands patrons et faiseurs d’opinion actuels, cela devrait tenir la route. Quitte à mettre les restes de l’armée aux frontières, pour prêter mainforte aux douaniers. Avec l’occupation des chaînes de télé, des journaux et imprimeries pour éviter les manipulations médiatiques, bien entendu.

15/06/2014 09:37 par babelouest

On ajoutera cependant que écraser l’union européenne, réduire à néant la Commission, c’est tout de même supprimer 55000 emplois nuisibles, protégés par un statut de fonctionnaires particulièrement révoltant. Hop ! Tous ceux-là, à la retraite d’office, sur la base disons d’un SMIC et demi, au moins ils ne feront plus de mal. Y compris les commissaires bien entendu, même tarif. Si çà ne fait pas d’économies..... et en plus on s’y retrouvera largement à l’avenir, débarrassés de ce joug énorme.

Incidemment, cela permettra AUSSI de ne plus avoir à entretenir des députés à Strasbourg ET bruxelles (ils font la navette.

Incidemment aussi, les loyers du côté de Bruxelles redeviendront raisonnables pour les pauvres gens du coin, chassés par des tarifs devenus largement prohibitifs.

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