C est quoi un proletaire … ¿ Tranche de vie.. et c est pas de la tarte.
J avais 7 ans quand mes parents et moi avons decouvert le bonheur de cette chose bizarre qu est une douche et un wc dans la maison . Avant, c etait le bain dans le baquet avec de l eau chauffee sur la cuisiniere a bois , qui servait aussi pour la cuisine. Le pot de chambre la nuit , parce qu il fallait traverser la cour , loin, pour aller aux toilettes. Maison insalubre , j etais tout le temps malade , des bronchites a repetition , et les cataplasmes enveloppements de moutarde veterinaire, remede de cheval , qui brule mais le talc attendu pour la fin etait d un grand reconfort. C etait la vie de village , tres differente d aujourd hui , plus vivant surtout pour un mome. Le garde champetre avec son tambour qui lançait ses “avis a la population”.
L ecole commuale. On m avait fait saute la maternelle parce qu il y avait trop de gamins , une cinquantaine je crois . Dommage il y avait des jeux de construction , pas beaucoup et pas pour tous, jamais pu jouer plus que quelques minutes. Frustration . La sieste barbante et tres inconfortable , a dormir assis et les bras croises sur la table, faute de place au sol ,reservee aux tout petits. Ensuite le primaire, l instit etait un chinois , bizarre . Mortel ennui , j apprenais trop vite. Bon , par opportunisme securitaire aussi et surtout . Parce que c etait tres violent , dans les annees 1965. Les baffes pleuvaient tous les jours . Un bouc emissaire de l instit , qui l humiliait autant qu il pouvait. Une chance pour les autres qui avaient un peu de repit. Une fois l instit la fait baisser son pantalon devant tous les eleves , des filles aussi. La le bouc emissaire a pete les plombs et s est revolte, il a fait une crise de nerf. L instit a change son comportement apres. Moins de coup du coup. Mais l ecole au village , c etait mieux que dans les campagnes , beaucoup moins violent. Mon pere , lui avait eu aussi cette educution “a la republicaine” brutale . Il etudiait bien aussi , l instit voulait l envoyer etudier clerc de notaire après le certificat d etude. Mes grands parents avaient refuse , pas d argent et tu seras cordonnier comme tes ancetres . Du coup il faisait ses 15 bornes aller en apprentissage.
Un jour branle bas de combat dans l ecole communale , et dans le village .. De Gaulle va debarque … J avais 7 ans, j en entendais parle a la maison, dans la famille aussi. Des partisans et d autres non, on n avait pas encore la tele , donc l image etait floue pour moi. La, dans la cour de recre , les instits nous distribuent des drapeaux français … joie de courir en les agitant dans le vent. On n avait quasiment pas de jouets donc sympas le cadeau. Et la regroupement de classes et ensemble vers l endroit ou nous devions ecouter ce grand bonhomme. L instit nous avait prevenu , a mon commandement , vous allez cries en Choeur “vive de Gaulle , vive le general” . Ben non , pas moi , je ne le connais pas ce type , on n a pas garde les vaches ensemble. Donc Niet , le silence de l agneau , ne rebelle. La frustration fut grande quand après le passage éclair du tonnerre tonnitruant et des fanfares, quelques minutes a rejouer avec le drapeau bleu blanc rouge .. et la confiscation de tous les drapeaux .. pour d autres ecoles d autres cantons. Frustration , j ai perdu l esprit patriotique ce jour.
Pour mes grand parents Bretons, descendants de grandes familles nobles de Bretagne , leur vie etait bizarre pour moi . Un autre siècle , la cheminee centrale qui servait de chauffage et de cuisson pour les soupes , et aussi un sacre reconfort de chaleur(le caht l avait compris) . Le lit etait pres de la cheminee. Une maison de famille, en terre . Le sol etait sans ceramique , en terre aussi , avec des denivelations profondes sous la table . Des siecles, cette maison. Pas d electricite , la bougie ou la lampe a petrole . Le frigo inconnu , c etait un garde manger en mousticaire. Un petit jardín au fond de la cour et la ,etait les toilettes. L eau n etait pas courante mais en puit. Il faisait froid l hiver. Mes grands parents etaient tres pauvres, maigres. Mais eux, solides et resistants. Faut dire que le XIX eme siècle dans cette maison , a vu mourir beaucoup d enfants , terrible , seul les plus forts survivaient. Ma tante , soeur de mon pere, avait attrape la tuberculose etant jeune. Un des freres de mon pere mort a un an , comme beaucoup avant .Soigne dans un sanatorium. C etait la hantise a l epoque d attraper la tuberculose. Elle a survecu mais avec une affection cardiaque. Elle est morte a plus de 80 ans, en 2008. Elle aurait pu vivre plus longtemps mais vu ses revenus , uniquement de son mari en pension, mort en travaillant comme journalier , avec une tronçconneuse , comme il travaillait au noir … Bref operation du coeur refusee par la SS parce que operation trop chere pour celle ou celui qui ne peut payer les supplements. Elle est morte 3 mois après le refus de cette SS. Je l aimais bien et mes grands parents Bretons aussi , beaucoup. Ils etaient tres catholiques , les eglises en Bretagne etaient pleines a craquer a cette époque. Pour les noces d or de mes grands parents , l eveque etait venu dans la maison hors temps. Il etait bedonnant l eveque. Bien nourri avec exces et faisait bizarre a cote de mes grands parents rachitiques. L eveque a offer t une medaille , c etait genereux après 70 ans de service de bedaud pour l eglise, toujours gratuit . Las , mon grand pere a ete ecoeure, il aurait prefere un petit billet pour manger. La foi s est perdue après cela , et les eglises se sont videes peu a peu. Apres avoir batailler dur , ils ont obtenus l aide medicale gratuite, que mes parents ont du payer a leurs deces.
Pour moi , après le village , ce fut la ville , un quartier ouvrier de maisons jointes , sans ames mais du luxe apprecie par rapport a avant .. l eau chaude ,douche, wc interieur , et la chaleur en plus , la vie de chateau quoi . La premiere rentree scolaire , je chantais fort dans la rue , comme au village . Les nouveaux copains m ont dit , ici on se tait, ici on ne fait pas ça , ça fait plouc , bizarre et frustration . Ah , un nouveau monde ou je devais m adapter. Brutal , violent, bien plus qu au village. Tous des prolos, et les cours de recre .. c etait les coups de savates dans les mollets (j ai toujours les bosses). Chacun demandait donc a ses parents des chaussures a bout ferres en exigence securitaire, pour mieux se defendre. Les instits donnaient toujours des baffes et certaines memorables pour moi. Il y avait une ligne jaune entre la cour des grands et des petits, j l avais franchi d un metre , a cheval de mon imaginaire de jos randall de steve mac queen. Le directeur est arrive comme une locomotive sur moi et le meme effet .. j ai valse a quelques metres , il etait costaud et rougeaud, moi j avais juste 10 ans. J ai appris a me battre par la suite pour eviter ce genre d incident fracassant. Ma mere , la, sur ce coup, n a pas accepte parce que j avais les marques .. Elle a rencontre ce dirlo , qui a fait profil bas.
La vie dans le quartier , c etait inventer des jeux. On avait la chance d avoir des terrains vagues , les hlm ont ete construits apres , du coup plus d espace pour jouer. On avait la riviere , puante parce que les usines balançaient leurs merdes . De l autre cote de la frontiere riviere, le monde des adultes, nos parents , tous , qui travaillaient dans ce monstre , l usine Renault pour les hommes. Les heros c etaient ceux qui travaillaient a la fonderie . Les femmes avaient leurs usines a elles , plus loin. (et poignets enchaines pour securite)
J allais au catechisme aussi , comme les autres, le cure etait un pretre ouvrier , syndique. En fait on jouait plus au foot qu autre chose. Il fallait faire confesse parfois. Je devais inventer des fautes supposees , pour rester de la bande, jamais compris ces histoires de catho. Bizarre.
La bande de quartier , j etais le chef . Pas par vouloir , je n ai jamais aime me mettre en avant. Mais l inventeur c etait moi , de tout avec rien, et des plans d attaques et d occupation du jour. Des armes souvent , arc et fleche avec boulons ,des lance-pierre , des bombes a eau. Et tous les accessoires pour faire du bruit a velo , et les petards dans les egouts. Le jeudi , c etait pas d ecole. La premiere reunion de notre soviet , c etait pour moi, organiser la journee de combat. Et les lieux de combats. On ne sortait pas du quartier non plus.
Puis est venu 1968 , j avais 10 ans et presque toutes mes dents. Le quartier etait completement communiste, certains staliniens et d autres plus socialistes sfio, catho qui allaient a la messe le dimanche. J allais a la messe , en trajet du moins , puisque la plupart du temps , la encore l eglise etait pleine a craquer. Je gardais les 5 centimes de quete pour moi.
Au village , je n allais jamais a la messe, parce que ma mere n aimait pas que les enfants n ai pas le droit de s asseoir . Il exagerait ce cure, donc tu n iras pas a l eglise.
On avait pas d argent de poche a l epoque , donc pour s acheter chewing gomme a bulle (les roses c est mieux) et des carambars , avec des histoires droles dans le papier. On recuperait les bouteilles vides des ouvriers de chantiers, a moitie vides on les vidait , ensuite en expedition guerriere toujours, on allait a l epicerie , echanger les consignes contre des friandises.
En 1968 , c etait la revolution, vraiment , la grand greve. Des ouvriers partout en greve ,usines toutes occupees, des accordeons dans les rues , la fete quoi . J aimais bien cette fete la , bizarre mais different des jours gris. Tout s est arrete , nous ,on etait en recreation perpetuelle, sans comprendre pourquoi . On regardait par la fenetre de la cantine , les instits votaient la greve reconductible a main leves. Ça discutait dur . Ensuite l ecole s est arretee. J y allais toujours avec quelques refractaires, mes parents n avaient personne pour me garder. Les rails rouillaient parce que plus de train.
Les reunions de soviet de quartier etaient massives , et ça discutait fort et dur. Nous ,les momes ,on sentait que les choses n etaient pas normales. C etait tres rouge , en chanson ,en drapeau ,en guerre revolutionnaire . Et tous assistaient aux reunions dans les maisons des militants. Autant remplies que l eglise du pretre ouvrier .
La journee , ceux de ma bande et moi organisions notre guerrilla aussi .. on allait a la riviere frontiere.. on ecoutait les explosions de gazs lacrymos , et on jouait aux CRS SS .. nous aussi. C etait un changement, avant on jouait aux cows boys indiens. L usine etait quelque chose d etrange, pour nous les momes, on ne savaient pas ce qu il s y passait , juste les parents qui rentraient a la maison , epuises la plupart du temps.. et qui se rencontraient entre voisins pour faire la revolution. C etait chouette , et j aimais la revolte du quartier. Les gens s aimaient. Un peu de soleil dans ce gris de merde , c est devenu pire apres, quand les terrains vagues , de nos jeux libres, ont ete supprimes pour faire des hlms , un pont et une rocade.. les arbres sont devenus tout noirs de suie. La traversee dangereuse, et les panneaux publicitaires en masse (55 j avais compte) la vie est devenu beaucoup plus triste. L apres 68 , c etait la tristesse, la division entre tous , meme dans la famille des bagarres aux poings pour la politique. Chacun est rentre dans sa case .. et plus de solidarite non plus. La fete etait finie et elle n est jamais revenue.
Ma mere faisait les menages chez les bourgeois de beaux quartiers. Quand elle etait jeune , elle a fait comme ses soeurs , monter a Paris , comme bonne chez de grands bourgeois. Ils l aimaient bien , elle travaillait tout le temps et pour pas grand chose , donc c etait bien.
Une fois ma mere , qui n avait personne pour me garder, donc je restais souvent seul .. a lire , le midi je rechauffais les plats et attendais le retour de mes parents , tard . En fait je ne les voyais pas beaucoup. Une fois donc , elle m a emmene chez les bourgeois dans leur maison. Je voyais d habitude ces maison de l exterieur. Et la , de l interieur .. c etait bizarre. Les bourgeois quand il parlait a ma mere .. c etait “ vous les petites gens” . Ma mere n aimait pas du tout ce genre de consideration. Les bourgeois etaient sophistiques , dans leur manieres, leurs habits leurs decors poussiereux d avant ma mere. J ai senti leur regard, condescendant sur moi, je n avais pas l habitude . C etait un univers froid pour moi. Bizarre.
Quand j avais 12 ans , je me promenais avec ma mere , et on a croise un noir. La premiere fois, ma mere m a dit ”t as vu… il est noir”. Bizarre. Ma mere n etait pas raciste , jamais, elle me dsait toujours “y a du bon monde partout” Les vacances plus tard , c etait les colonies de vacances , des soeurs chatelaines cathos pas si bonnes que cela. Des baffes encore. Et des cons de gaullistes au contact, dont un, son pere CRS (ça tombait mal , parce que pour mon clan c etait CRS SS) etait fier de son pere avec ses matrques a bout ferrees (tiens ça me rappelle quelque chose). Raciste , il avait pris en grippe un algerien , un arabe comme il disait. ils etaient 2 orphelins ,2 freres et vivaient avec les gardiens du chateau , alccoliques et violents. Et la un jour, ce fils de pute gaulliste, fils de CRS, a tabasse Kamel ..j etais plus jeune que ce collabo fasciste mais … je lui ai donne une raclee memorable .. les soeurs sont intervenues et raclee pour moi. Kamel est devenu mon pote. Et pour longtemps, j ai decouvert un autre monde avec lui , l Algerie en imaginaire. Et le gout des voyages aussi , evasion de mon monde de merde.
Ce qui ma marque dans cette jeunesse, proletaire on va dire , c est la violence , la brutalite. Partout, a l ecole , dans les familles , pas trop pour moi mais mon cousin oui .. battu avec ceinturon et enferme des jours dans la salle de bain. Traite de bourrique , orphelin de mere , et son pere , comme tout le monde travaillait a l usine Renault. Pour echapper ou limiter cette violence , pour moi , j etudiais en plaisir avec des vieux livres trouves dans le grenier et avec ennui a l ecole , pour eviter les coups. J avais une pression terrible et ininterrompue, si tu ne ramene pas de bonnes notes , tu iras dans un pensionnat (bof je ne voyais pas bien l image )et surtout tu seras manoeuvre maçon comme ton grand pere . La, c etait parlant pour moi. Sale, dur et le litron de rouge en cadence .
VOILA , tranche de vie , proletaire , chiante minable violente desesperante (hors revolution). Et les pressions de tous les adultes , pour se sortir de ce merdier.. devenir quelqu un ,comme tous disaient. Etudier , reussir sa vie , en pas le choix. J apprenais vite ,par necessite de cette pression. Plus tard , les jesuites m ont pris en charge , un college ou avait travaille mon pere dans sa jeunesse et qui m a offert mes etudes en generosite chretienne. Changement d ambiances , un petit groupe de prolos , regoupe dans la JOC , certains disaient jeunesse ouvriere communiste.. pas faux et alors ¿ c etait une insulte pour les Bourges, ultra majoritaires.. Et nouveau pour moi , Des bourges en masse , dont un Fillon devenu premier ministre, un facho vraiment puant déjà . Et la j ai etudie avec plaisir , une bibliotheque pleine a craquer, et des peres gentils avec moi , au moins pas de coups. Et en philo , j ai decouvert le marxisme , et les mouvements anarchistes. Etude poussee et dialogues des qu on le pouvait avec un pote Breton ..un surdoue lui . Lui marxiste, ayant lu tout Marx a 17 ans , moi anarchiste, puis a force de discussion avec lui , il est devenu anarchiste. Il est redenu marxiste par la suite , et il a bien fait. Il a etet prof d universite en Allemagne , puis est revenu en Bretagne , a Nantes, prof d universite toujours et des theses pointues sur Hegel Marx etc.. et moi je suis revenu plus marxiste , mais libertaire quand meme . Les anars m ont deçus , des bourges en fait, et ils m ont encore plus deçu en crachant sur Cuba Chavez etc… La , ce fut trop pour moi.
Voila Babelouest, tu connais un peu plus ce qu est un mome de proletaire. Je ne te souhaite pas d avoir connu ce monde. Si tu as pu y echappe tant mieux.