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Les colères « 3ème Guerre mondialesques » de Jean-Luc Mélenchon

Il y quelque chose de commun entre la caste de la bourgeoisie médiatico-politique et certaines épreuves de gymnastique : les figures imposées. Chez les uns comme chez les autres, votre prestation est prédéfinie et jugée en fonction de votre capacité à reproduire les enchaînements, les contorsions, les codes, us et coutumes que l’on attend de vous. La fourchette doit être présentée à droite de l’assiette. Le verre à eau de ce côté là du verre à vin. Et malheur à celui qui poserait un coude sur la table.

Dans une telle ambiance, où le respect de la forme constitue votre droit au respect tout court, tout, ou presque, vous sera pardonné. Vous pourrez dîner avec les plus grands salauds de la terre, et même vous faire prendre en selfie avec eux, pour peu que vous prononciez quelques phrases clés qui ne trompent personne mais font partie des contorsions imposées. Vous pourrez non seulement dîner avec de tels salauds mais pourriez même en être un, ou le devenir, pourvu que la musique soit bonne et le vin bien choisi. Dîner du CRIF, rencontre de Davos... ce ne sont pas les exemples qui manquent.

Comme dans tous les milieux archi-codifiés, les lignes à ne pas franchir sont invisibles aux yeux des néophytes. Dans ces milieux-là, vos colères – feintes ou non – doivent être « mesurées » (comme la plupart de vos propos, d’ailleurs). Dénoncez un génocide en tapant du poing sur la table, et vous recevez en retour des froncements de sourcils, et quelques qualificatifs bien sentis. Soyez vous-même l’auteur du génocide en question, mais n’en parlez que par allusions indirectes enrobées de quelques références géopolitiques parsemées de mots tels que « liberté », « lutte contre le terrorisme », « stabilité », « intérêts », et votre auditoire vous gratifiera d’une écoute attentive et polie. Quelques applaudissements viendront probablement ponctuer votre prestation minable.

Faites assassiner un journaliste dans un consulat et votre image risque d’être « écornée » (selon FranceInfo, 14/10/2018). On est contents de savoir (quand même) que le risque existe.

Ces dernières années, les propos littéralement orduriers des dirigeants israéliens ont dépassé leur quota habituel, mais la fourchette était bien à droite de l’assiette.

Il paraît que Jean-Luc Mélenchon est « coléreux ». Moi aussi.

Il paraît qu’il lui arrive d’« insulter » des journalistes (quelle manque d’étiquette envers une profession qui n’en a plus). J’en ai souvent envie aussi.

Il paraît qu’il tape parfois du poing sur la table. Apportez-moi donc cette table que je lui tape dessus aussi.

En en mot comme en cent, les offuscations des médias ne sont pas les miennes alors que les colères de Jean-Luc Mélenchon le sont, et plutôt deux fois qu’une. Et ces colères seraient probablement aussi les vôtres sans l’insupportable hypocrisie des faiseurs d’opinion qui nous entourent.

Viktor Dedaj

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