RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Les attentats de Boston, Baghdad, Damas du 15 avril : une tragédie pour l’humanité

« Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie » André Malraux

Deux bombes ont explosé à l’arrivée du marathon de Boston, lundi, faisant au moins trois morts et environ 140 blessés. Les deux engins explosifs se sont déclenchés à 13 secondes d’intervalle, à 50 et 100 mètres de la ligne d’arrivée où s’étaient massés des dizaines de milliers de spectateurs.

Alors qu’aucun groupe terroriste ne s’est manifesté, les médias occidentaux, mais aussi les politiques désignent du doigt le coupable et accumulent les preuves pour légitimer leur accusation. Selon le bimestriel Foreign Policy, les revendications sont rarement immédiates. Le site pointe du doigts Al Quaîda, il prend l’exemple des attaques du 11 septembre 2001 : Oussama Ben Laden avait ainsi attendu près de deux mois avant de déclarer être à l’origine de la démolition des tours du World Trade Center. "Il est donc tout à fait possible qu’une revendication survienne prochainement", souligne Foreign Policy.(1)

A Boston, un air de Kaboul et de Baghdad

Les deux attentats contre le marathon de Boston font penser à des centaines d’attaques similaires dans deux pays où les États-Unis combattent depuis une dizaine d’années : l’Irak et l’Afghanistan. Ces attentats, commis en public, dans des lieux bondés et à l’aide d’explosifs improvisés, font régulièrement la une de l’actualité à Kaboul et à Bahgdad. (...) Elle [Cette attaque ] offre une désagréable ressemblance avec les techniques employées dans de lointaines régions du monde dévastées par la guerre. Les bombes utilisées à Boston étaient des cocottes-minute pleines de clous, billes et autres fragments métalliques faisant office de shrapnel. "Une technique couramment enseignée dans les camps d’entraînement terroristes d’Afghanistan est l’usage de cocottes-minute comme engins explosifs improvisés (IEE)" (...) Le Département y cite d’autres pays où l’on se sert de cocottes-minute, dont le Népal et l’Algérie. » (2)

Naturellement, la proximité avec la situation que vit Israël est chaque fois rappelée aux Américains. « Américains - Israéliens : même combat » Nous lisons : « Ces incidents ont conduit Jeffrey Goldberg, du magazine The Atlantic, à comparer la situation à celle qui règne en Israël : "Demandez à un Israélien ce que cela représente dans la vie de tous les jours". » (2)

« Le plus grand événement sportif de l’année à Boston, écrit Kevin Cullen a tourné au cauchemar, L’emplacement des bombes et le moment de leur détonation sont d’une cruauté qui dépasse l’entendement, délibérément choisi pour provoquer un maximum de pertes et de destruction. (...) Les policiers avec qui je me suis entretenu étaient perplexes. Ca pouvait être n’importe qui. Des étrangers. Des gens d’ici. Al Qaîda. Des cinglés de chez nous. C’était le "Patriots’ Day". Le jour où l’on paie nos impôts sur le revenu. La fête de l’indépendance d’Israël (...). » (3)

On le voit, là encore, après avoir conditionné le lecteur et encore une fois rappelé l’analogie avec Israël et notamment la fête de l’indépendance, le journaliste Kevin Cullen désigne du doigt le coupable : « (...) C’est alors que la rumeur a couru qu’un jeune Saoudien était interrogé par le FBI. Les gens du Bureau n’ont pas voulu me dire si j’étais près de la vérité, mais mon vieux camarade John Miller, de CBS News, a annoncé que le gamin avait tenté de fuir après l’explosion, que quelqu’un l’avait intercepté et retenu jusqu’à l’arrivée de la police. (...) Une source proche des forces de l’ordre m’a assuré par la suite que Miller avait tapé dans le mille (...). » (3)

Théorie du complot et chasse à l’Arabe

On le voit, les soupçons se tournent vers les musulmans. M.Badriya Al Bishr du journal Al Hayat écrit : « En attendant que soient découverts les responsables de l’attentat de Boston, une journaliste saoudienne observe que ses concitoyens - tout comme beaucoup d’Arabes et de musulmans - craignent de voir l’un des leurs impliqué. En apprenant la nouvelle de l’attentat de Boston, la plupart des Saoudiens se sont dit la même chose que The Washington Post : "Pourvu que ce ne soit pas un musulman !". Car nous avons bien tiré la leçon du 11 septembre 2001. (...) A l’époque, il y en avait qui justifiaient sans trop de peine le fait de tuer des innocents à l’autre bout du monde en disant que c’était le droit de ceux qui étaient opprimés ailleurs. » (4)

La chasse à l’homme est démultipliée par l’Internet et le profil type est tracé, il s’agit d’un Arabe. « Les autorités ont précisé que l’appel à témoins pour recevoir les "milliers de photos et de vidéos qui ont été prises" avant, pendant et après l’attentat (accompagné d’une récompense de 50.000 dollars pour toute information permettant de retrouver les coupables) leur ont permis de recevoir "de très nombreuses informations" et permis d’’"étudier un grand nombre d’indices et de pistes".

Il est vrai, comme le note le site bigbrowser.blog.lemonde que « l’émergence de théories du complot à la suite d’un attentat ou d’une fusillade aux Etats-Unis est inévitable. De l’assassinat de JFK à la tuerie de Newtown en passant par le 11 Septembre, chaque événement comporte son lot de complots. Pour sa part, Alex Jones, rédacteur en chef du site Infowars, a rapidement réagi après les explosions de mardi. C’est la présence de chiens démineurs sur la scène des attentats qui l’a interpellé. Selon lui, la police savait (grâce aux chiens) que des bombes avaient été déposées, mais ont gardé cette information secrète délibérément car les attentats ont, en fait, été perpétrés par le gouvernement dans le but de contrôler l’opinion publique par la peur... Suite à la publication des photos, le FBI a annulé sa conférence de presse qui devait se tenir suite à l’annonce de CNN que des suspects auraient été arrêtés. Aujourd’hui, bizarrement, le ministre des Affaires étrangères saoudien est venu rencontrer Obama (rencontre pas notée normalement au programme d’Obama). » (5)

Pour Paul Joseph Watson, le président Obama a protégé un suspect saoudien qui a un passé douteux. Il écrit : « Le député Jeff Duncan a demandé à Janet Napolitano (ministère de l’intérieur) pourquoi un Saoudien lié aux attentats de Boston a été expulsé pour des raisons de « sécurité nationale ». Dans le même ordre de la théorie du complot, on rapporte que le ministre saoudien des Affaires étrangères a été reçu par le président Obama, la réunion n’était pas programmée (...) S’agissant du suspect il s’agirait : « d’un "homme à la peau sombre". Selon l’expert en terrorisme, Steve Emerson,, Abdul Rahman Ali Al Harbi, âgé de 20 ans, impliqué dans l’attentat de lundi, a été expulsé à la hâte. Al Harbi a été gardé à l’hôpital après l’attentat. Le diplomate saoudien Azzam bin Abdel Karim, lui a rendu visite. L’étudiant saoudien Al Harbi partage le même nom de famille que celui d’un grand clan saoudien qui comprend des dizaines de militants d’Al Qaîda. Khaled bin Ouda bin Mohammed al Harbi, par exemple, est un ressortissant saoudien qui a rejoint le groupe moudjahidin d’Oussama ben Laden dans les années 1980. Il serait devenu un membre d’Al Qaîda dans le milieu des années 1990. Il s’est rendu aux autorités saoudiennes en 2004. La BBC a rapporté que Khaled Al Harbi était marié à la fille du numéro deux d’Al Qaîda, M.Ayman al Zawahiri. (...) » (6)

Paul Joseph Watson brandit la menace de « l’empêchement » : « S’il ressort que l’administration Obama a protégé les complices des attentats Boston pour des raisons politiques, le scandale éclipserait les attaques de Benghazi et conduira inévitablement à une procédure de destitution. » (6)

La « valeur » de la vie selon la latitude

Les attentats tragiques de Boston où des vies sont fauchées sont révoltants comme sont révoltants les attentats à Ghaza, Baghdad, Kaboul, Kirkouk. A des milliers de kilomètres de là , le même jour, des hommes perdaient la vie. On apprend en effet qu’une nouvelle vague d’attentats, dont un à l’entrée de l’aéroport de Baghdad, a fait 50 morts et près de 300 blessés lundi à travers l’Irak. Ces attentats, commis pour la plupart au moyen de voitures piégées, ont été perpétrés dans la matinée, alors que les Irakiens se rendaient sur leur lieu de travail et dans la soirée, alors qu’ils rentraient chez eux. Il s’agit de la journée la plus meurtrière depuis le 19 mars, où 56 personnes avaient péri. Baghdad a été la ville la plus durement touchée lundi : 30 personnes sont mortes et 92 autres ont été blessées dans huit attaques. Hichem Hamza met en parallèle le traitement médiatique des deux types de tragédies. Nous l’écoutons : « Ethnocentrisme. Les attentats commis en Occident suscitent davantage l’attention des médias audiovisuels que ceux perpétrés ailleurs. En contrepoint, Oumma vous propose de découvrir la liste détaillée des pays les plus touchés par le terrorisme depuis 40 ans. Dans les écoles de journalisme et la plupart des rédactions de la presse généraliste, une technique d’écriture est prescrite pour attirer le lecteur ou l’auditeur : il s’agit de la « loi du mort-kilomètre ». En clair, selon les enseignants et les rédacteurs en chef qui en assument l’application, le « public » est censé s’intéresser aux décès selon l’éloignement géographique de l’événement. Cas pratique : 1 mort à 1 kilomètre ou 10 morts à 10 kilomètres pourraient ainsi, selon les praticiens de cette coutume, retenir particulièrement l’attention. (..) Une autre règle, non formulée explicitement et tout autant cynique, vient contredire cet usage : on pourrait la qualifier de « loi du mort occidental ». Vu de Paris, Londres ou Washington, la mort brutale d’un Européen ou d’un Américain dans le monde sera toujours plus fructueuse à couvrir - aux yeux des responsables de l’information - que celle de dizaines de non-Occidentaux. « L’attentat » survenu hier à Boston illustre tristement cette pratique. Les chaînes d’information françaises ont réalisé des « éditions spéciales » afin d’en dramatiser le récit journalistique. 3 morts et plus de 130 blessés : pour les familles de victimes, le caractère tragique est indéniable. Mais pourquoi consacrer autant d’heures au sujet, alors que des centaines de citoyens sont fauchés, chaque année, par le terrorisme sans que BFM TV ou France 24 ne daignent leur consacrer un sonore de 10 secondes ? (...) » Ce mardi, la correspondante d’I Télé et de Canal+ à Washington, Laurence Haïm, a évoqué, avec son style régulièrement partisan, une « Amérique confrontée à la guerre en Afghanistan » (notez le choix du mot « confrontée »), détestée par « une partie du monde au Moyen-Orient » et dont la société aurait connu, depuis le 11 septembre, une « israélisation » de son fonctionnement. Message en filigrane : les Américains comme les Israéliens se seraient habitués à une « menace terroriste » dont les protagonistes auraient implicitement le même profil extrémiste. Peut-être faudrait-il proposer à la journaliste-chantre de l’axe Washington-Tel Aviv de partir en reportage à Baghdad afin de lui faire découvrir ce qu’est « l’irakisation » de la vie quotidienne ». (7)

La tragédie de Boston : un temps fort de réflexion

C’est par ses mots qu’Oscar Fortin, invite à une évaluation honnête de la dimension humaine quelle que soit la latitude. Il écrit : « Lorsque les images nous arrivent tout droit des lieux où les victimes sont des nôtres, de nos proches, de ceux avec qui nous sympathisons, la douleur nous envahit et un cri de révolte se fait entendre pour condamner avec la plus grande énergie de telles horreurs. Tout ce qu’il y a d’humanité en nous se retrouve concentré sur ces victimes qui nous sont si près. Le 15 avril 2013 sera une date inoubliable pour Boston, pour les États-Unis, pour ceux et celles qui leur sont profondément attachés. L’épiscopat national des évêques catholiques a aussitôt condamné pareil geste ainsi que le Vatican s’exprimant à travers son Secrétaire d’État, le cardinal Bertone, un fidèle allié des Etats-Unis depuis qu’il occupe ce poste. Le 15 avril 2013 sera également une autre date inoubliable pour les Irakiens, victimes de plusieurs attentats ayant fait plus de 50 morts et de 300 blessés. Il faut dire que cette nouvelle traverse moins les écrans de nos télévisions ou la UNE de nos grands quotidiens. Nous n’y voyons pas les corps déchiquetés des morts et le cri de désespoir des blessés. La douleur humaine y est pourtant révélée dans toute sa profondeur. Le secrétaire d’État du Saint-Siège n’a pas jugé bon de faire entendre les paroles réconfortantes du pape François. Plus de 50 morts et de 300 blessés, ce n’est pas rien. Le 15 avril 2013 sera, pour les Syriens, une autre date inoubliable. Un attentat suicide à la voiture piégée a fait 15 morts et 53 blessés dans la ville de Damas. Que de familles brisées, d’enfants morts ou laissés sans parents. Le Secrétaire d’État du Vatican n’a pas jugé bon d’attirer l’attention du pape sur ces morts et blessés ».(8)

« Si la vie humaine doit être respectée, elle doit l’être à tous les niveaux. Il n’y a pas une vie humaine plus importante qu’une autre. Être pour la vie humaine, c’est l’être pour toutes les étapes par où elle passe. On ne peut pas être contre la violence et toutes les formes de terrorisme et être en même temps pour les guerres, les bombardements et toutes les formes de violence qui ont pour effets de détruire des vies humaines. (...) Le véritable humanisme est sans frontière et trouve son plein épanouissement dans la solidarité fondée sur la vérité, le respect, la justice et la compassion pour et à l’endroit de tous les humains de la terre. » (8)

Aux dernières nouvelles, la police fédérale américaine a diffusé jeudi des photos et des vidéos de deux suspects dans les attentats de Boston, lançant un appel au public pour recueillir des informations sur ces deux hommes. Les deux hommes sont considérés comme "armés et extrêmement dangereux", a prévenu l’agent Rick Des Lauriers lors d’une conférence de presse. Les images des deux hommes ont été immédiatement diffusées sur le site Internet du FBI. Les événements se précipitent et un suspect a même été arrêté. Les attentats de Boston constituent une tragédie pour les Américains. Ils savent ce que c’est de perdre un être cher, ils ne seront que plus sensibles à la douleur des autres de ces peuples harassés dont les enfants naissent, survivent et meurent dans la désolation et le désespoir.

Chems Eddine CHITOUR

1. http://www.courrierinternational.com/article/2013/04/17/pourquoi-l-attentat-n-est-pas-encore-revendique

2. Rosie Gray http://www.courrierinternational.com/article/2013/04/17/a-boston-un-air-de-kaboul-et-de-bagdad

3. Kevin Cullen http://www.courrierinternational.com/article/2013/04/16/boston-nous-ne-nous-sentirons-plus-jamais-en-securite | 16 avril 2013

4. Badriya Al-Bishr ’’Pourvu que ce ne soit pas un musulman !’’ Al-Hayat | 17 avril 2013

5. http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2013/04/18/conspiration-les-attentats-de-boston-se-pretent-mal-a-la-theorie-du-complot/

6. http://www.infowars.com/obama-covering-up-saudi-link-to-boston-bombing/18 Avril, 2013

7. Hicham Hamza
http://www.mondialisation.ca/terrorisme-et-grands-medias-1-mort-a-boston-vaut-plus-que-100-a-bagdad/533180717 avril 2013

8. Oscar Fortin
http://www.mondialisation.ca/la-tragedie-de-boston-un-temps-fort-de-


URL de cet article 20260
   
Même Thème
Interventions (1000 articles).
Noam CHOMSKY
à l’occasion de la sortie de "Interventions", Sonali Kolhatkar interview Noam Chomsky. Depuis 2002 le New York Times Syndicate distribue des articles du fameux universitaire Noam Chomsky, spécialiste des affaires étrangères. Le New York Times Syndicate fait partie de la même entreprise que le New York Times. Bien que beaucoup de lecteurs partout dans le monde peuvent lire des articles de Chomsky, le New York Times n’en a jamais publié un seul. Quelques journaux régionaux aux (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

"Il est grand temps qu’il y ait des mesures coercitives (contre les chômeurs)."

"Il y a des moyens très simples : soit vous faîtes peur soit vous donnez envie d’aller bosser. La technique du bâton et de la carotte."

Extrait sonore du documentaire de Pierre Carles "Danger Travail", interview auprès d’entrepreneurs assistants à l’université d’été du Medef en 2003

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.