J’ai regardé le 2 février (2019) au journal télévisé de 20 h de France 2 les informations sur le Venezuela.
Ces informations empruntent la forme d’une présentation entièrement en faveur de Juan Guaido (l’annonce de la défection d’un général d’aviation au profit de Guaido – qui, selon Dorothée Olliéric, la journaliste en poste à Caracas, aurait galvanisé la foule, la déclaration de ce général selon lequel 90 % des militaires seraient "pour le peuple", un reportage où "flotte un air de liberté", une interview d’une manifestante anti-Maduro qui s’exprime en français - ce qui, vis-à-vis d’un public français, vise subrepticement à inspirer de la sympathie pour sa cause, etc.).
Le point d’orgue, le couronnement de cette information n’est cependant pas là : alors que Laurent Delahousse, le présentateur du 20 h, comme Dorothée Olliéric, l’envoyée spéciale de la chaîne au Venezuela parlent tous les deux de deux manifestations, l’une pour Guaido, l’autre pour Maduro, on s’attend, après le reportage sur les partisans de Guaido, à avoir le reportage équivalent sur les partisans de Maduro. 24 h après, on attend toujours.
Au journal télévisé de 20 h du 3 février, nouveau sujet sur le Venezuela. Dorothée Olliéric, la journaliste de France 2, souligne que, derrière Nicolas Maduro, il y a la Russie, la Turquie, l’Iran, la Chine. Cette énumération est révélatrice :
Elle est révélatrice en ce qu’elle met en avant des pays que les médias français s’ingénient, à longueur d’émissions, à présenter comme antipathiques, car dictatoriaux, envahisseurs, comploteurs, amasseurs d’armes et d’arsenaux, prêts à fondre sur d’innocents voisins. Le Venezuela, est donc mis au même banc d’infamie qu’eux.
Mais elle est aussi révélatrice en ce qu’elle "oublie" de mentionner les pays latino-américains qui soutiennent Nicolas Maduro, à savoir le Mexique (plus grand pays hispanisant du monde), la Bolivie, Cuba et le Nicaragua. Et cette "omission" fait mauvais effet lorsqu’on la rappelle car elle signale que ce ne sont justement pas tous les pays latino-américains qui soutiennent Juan Guaido.
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Sur le site de l’hebdomadaire Le Point, celui-ci, dans un billet daté de 13 h 09, titre : "Nicolas Maduro défie l’Occident". [Le terme en gras est de mon fait].
Bien que les pays communistes aient disparu avec la chute de l’URSS, en 1991, Le Point n’en reprend pas moins un vocabulaire de guerre froide, lorsque, au camp "de l’Est" (c’est-à-dire celui du "communisme", donc du Mal...) s’opposait celui de "l’Occident" (c’est-à-dire celui de la libre-entreprise, donc du Bien). Ce qui atteste que, malgré l’apparition d’un nouvel "adversaire", d’un nouveau "péril" (l’islamisme), tout ce qui peut évoquer le "communisme" honni (nationalisations, prise en main de l’économie par l’État, redistribution du haut vers le bas...) représente encore un épouvantail.
Le titre du Point est révélateur d’une certaine outrecuidance : il y est dit que Nicolas Maduro "défie" l’Occident, comme on dit d’un bandit retranché qu’il défie la police, comme si l’Occident (c’est-à-dire les États-Unis, le Canada, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Portugal, auquel s’est agrégée l’Autriche – soit, en gros, à part l’Autriche, le cœur de l’OTAN) représentait dans le monde l’autorité morale et juridique suprême, en lieu et place de l’ONU. Mais en quoi Nicolas Maduro devrait-il rendre des comptes à cet "Occident" ? Quelle est l’autorité morale de cet "Occident" ? En quoi cet Occident a-t-il reçu un quelconque mandat de l’ONU pour faire la leçon à Nicolas Maduro ? Où sont les résolutions de l’Assemblée générale ou même du Conseil de sécurité allant en ce sens ? Qui a délégué à l’Occident le rôle de justicier et de policier du monde ?
Lorsque Israël passe outre à un vote de l’ONU condamnant sa colonisation de la Cisjordanie, vote d’un très grand nombre de pays, représentant une part encore plus importante de la population mondiale, je n’ai guère vu Le Point titrer : "Israël défie l’ONU".
Philippe Arnaud
AMD (Amis du Monde Diplomatique) Tours