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Dis-moi comment tu écris, je te dirai qui tu es...

Le sexe aurait mauvais genre, et le genre mauvaise allure ?

Avec la meilleure volonté du monde, c’est un pavé douloureux qui a été lancé par votre serviteur.

La "genrification" (encore un mot à soumettre aux Sages du Quai Conti) des termes, des textes et des thèmes a ses partisans, mais aussi ses opposants qui ne manquent pas d’arguments. C’est en lançant, je ne me le cache pas, une dérivation osée du thème principal d’un article particulièrement important et pertinent que j’ai eu le malheur de lancer la polémique.

Au nom de je ne sais quelle Deffense & Illuftration de la Différence des Sexes, des auteurs (d’une certaine gauche apparemment) se sentent obligés d’accoler les deux moitiés du genre humain à chaque détour d’une phrase. Un peu comme un chemin de fer qui se croirait obligé, tous les deux cents mètres, de passer de la voie gauche (habituelle) à la voie droite pour une "banalisation"* peu banale. La "morale" est sauve, mais pas la fluidité du récit. A preuve cette "adaptation" (pardon, je cite) de Maxime Vivas d’un poème d’Aragon qui témoigne de l’opacité du résultat.

La rose et le réséda

Celui (celle) qui croyait au ciel celui (celle) qui n’y croyait pas
Tous (toutes) deux adoraient la belle prisonnière (le beau prisonnier) des soldat(e)s
Lequel (laquelle) montait à l’échelle et lequel (laquelle) guettait en bas
Celui (celle) qui croyait au ciel celui (celle) qui n’y croyait pas
Qu’importe comment s’appelle cette clarté sur leur pas
Que l’un(e) fut de la chapelle et l’autre s’y dérobât
Celui (celle) qui croyait au ciel celui (celle) qui n’y croyait pas
Tous (toutes) les deux étaient fidèles des lèvres du coeur des bras
Et tous (toutes) les deux disaient qu’elle (qu’il) vive et qui vivra verra
Celui (celle) qui croyait au ciel celui (celle) qui n’y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle fou (folle) qui fait le délicat
Fou (folle) qui songe à ses querelles au coeur du commun combat
Celui (celle) qui croyait au ciel celui (celle) qui n’y croyait pas
Du haut de la citadelle la sentinelle (le sentinel) tira
Par deux fois et l’un(e) chancèle l’autre tombe qui mourra
Celui (celle) qui croyait au ciel celui (celle) qui n’y croyait pas
Ils (elles) sont en prison Lequel (Laquelle) a le plus triste grabat
Lequel (laquelle) plus que l’autre gèle lequel (laquelle) préfère les rats
Celui (celle) qui croyait au ciel celui (celle) qui n’y croyait pas
Un(e) rebelle est un(e) rebelle deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l’aube cruelle passent de vie à trépas
Celui (celle) qui croyait au ciel celui (celle) qui n’y croyait pas
Répétant le nom de celle (celui) qu’aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle même couleur même éclat
Celui (celle) qui croyait au ciel celui (celle) qui n’y croyait pas
Il coule, il coule, il se mêle à la terre qu’il (qu’elle) aima
Pour qu’à la saison nouvelle mûrisse un raisin muscat
Celui (celle) qui croyait au ciel celui (celle) qui n’y croyait pas
L’un(e) court et l’autre a des ailes de Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle le grillon (la grillonne) rechantera
Dites flûte ou violoncelle le double amour qui brûla
L’alouette (l’allouetteau) et l’hirondelle (l’hirondelleau), la rose et le réséda.
(Pardon, Aragon).

Le résultat se passe de commentaire, je pense.

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Là -dessus se greffe l’historique débat sur le genre des mots. Au XVIe siècle celui-ci pouvait encore se permettre des inventions multiples, puisque la langue même était en devenir. Les plus grands, Rabelais, Du Bellay, Ronsard s’en sont donnés à coeur joie.

Enfin Malherbe vint, et, le premier en France,
Fit sentir dans les vers une juste cadence,
D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir,
Et réduisit la muse aux règles du devoir.
Par ce sage écrivain la langue réparée
N’offrit plus rien de rude à l’oreille épurée.
Les stances avec grâce apprirent à tomber,
Et le vers sur le vers n’osa plus enjamber.
Tout reconnut ses lois ; et ce guide fidèle
Aux auteurs de ce temps sert encor de modèle.
Marchez donc sur ses pas ; aimez sa pureté,
Et de son tour heureux imitez la clarté.

Nicolas Boileau, L’art poétique, chant I, v.131-162

Donc désormais, chaque mot a sa place, et nul n’ose trop innover de façon maligne. C’est pourquoi docteure, chercheure, écrivaine, même si certains de ces termes sont admis par le dictionnaire, passent mal. Il en serait de même pour sage-homme, jardinier d’enfants ou puériculteur. Je lancerai une petite pique au passage : écrivain, comme écrivaine, sont des termes bien négatifs, puisque la seconde partie du mot exprime l’inutilité de la première. Je me suis permis, une fois, d’écrire à l’Académie pour lui signifier que le verbe "retoquer", pourtant accepté par elle, avait un son déplaisant. On a trop en mémoire le mot "toqué" pour "fêlé", promis aux accueillantes maisons en blouses blanches. Redoubler la chose par son préfixe rend la qualification scabreuse.

Il n’est bien entendu pas question d’invoquer ici le féminisme : à sa manière, c’est un racisme inversé vis-à -vis du machisme. Tous égaux, tous différents, tous frères en cette galère. Invoquer "tous les hommes" ou "tous les humains", c’est la même chose si la précision sexuelle n’est pas apportée. Cela évite simplement d’employer trop souvent le même terme. Les synonymes ont du bon. Ceci dit, il est évident que le sexe féminin a depuis fort longtemps été cantonné aux besognes ancillaires et sociales. Celles qui en sortent sont assez souvent d’autant plus dures, quasi-inhumaines dans leur intransigeance. D’un autre côté, à moins d’être bâties en armoires à glace, seraient-elles à leur aise à la coulée dans une fonderie ? L’apport de plus en plus grand des robots dans les tâches les plus pénibles et répétitives leur permettra là aussi d’occuper les mêmes postes (pas forcément très qualifiés) que les hommes-mâles.

Oui, les femmes ont leur place partout. Oui, quand elles ont une profession, un poste, un emploi, un diplôme, la banalisation doit être de règle il me semble, quitte à inventer des termes neutres là où le sexe est mis en avant. Quitte, et nous en resterons sur une boutade, à remplacer belle de nuit (et beau de nuit) par moche de nuit qui réconciliera tout le monde (contre moi).

Babelouest

(*) Banalisation : deux trains de vitesses différentes peuvent rouler sur la même voie. Cependant, afin que le plus rapide dépasse le plus lent, celui-ci est dévié sur la voie de droite pendant que l’autre continue sur la voie de gauche. Dans les années 50, ce système compliqué était utilisé sur le réseau du PLM (Paris Lyon Marseille) pour que les trains rapides continuent leur périple sans ralentir vers le terminus, pendant que les "Michelines" ou les trains de marchandises étaient déviés sur la voie de droite. Cela impliquait bien entendu qu’à ce moment-là , aucun train ne circule en sens inverse sur ce tronçon de voie. La construction, récente, de LGV à deux sens dédiées aux trains ultra-rapides rend ce terme enfin obsolète.

(pour illustration, pourquoi pas la dernière page de la défense et illustration de la langue française, par Du Bellay ?)

http://i30.servimg.com/u/f30/11/40/28/12/defens10.jpg

Voir aussi sur ce sujet : http://www.legrandsoir.info/Le-la-Grand-e-Soir-ee-a-ses-lecteurs-trice...

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