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Le retour des révoltés - Le Caire que nous aimons

photo : Mohammed Abu Zaid/AP

Ce n’est pas une seconde « révolution » qui a pris corps au Caire le 19 novembre dernier, c’est plutôt la première révolte égyptienne qui s’est ravivée - elle couvait toujours sous les cendres de la répression sanglante après la démission du 11 février puis le démantèlement des barricades des insurgés.

Ce n’est pas une seconde « révolution » qui a pris corps au Caire le 19 novembre dernier, c’est plutôt la première révolte égyptienne qui s’est ravivée - elle couvait toujours sous les cendres de la répression sanglante après la démission du 11 février puis le démantèlement des barricades des insurgés. Ce jour de novembre a lancé le deuxième round de la révolte égyptienne qui pourrait bien, cette fois, accoucher d’une révolution c’est-à -dire du renversement total de l’ancien régime militaire compradore corrompu. Mais, cette fois ci sera-t-elle la bonne ?

En février 2011, nous l’avions fortement souligné, les jeunes petits-bourgeois « Twitters - des réseaux sociaux », pseudo révoltés, formés en Serbie, nous a-t-on dit, avait réussi, non pas à soulever les masses, mais bien à récupérer et à endiguer vers un cul-de-sac électoraliste le mouvement spontané des jeunes désoeuvrés de la rue, rapidement appuyé par la population égyptienne mal logée, paupérisée, affamée, assoiffée d’eau, de justice et d’équité, mais surtout pas d’élection bidon réservée aux riches pour consolider leurs institutions d’oppression (1).

Au premier round, le mouvement né Place Tahrir avait été trahi parce qu’il était désorienté par l’idéologie petite bourgeoise réformiste - social-démocrate - des « indignés désolés » qui aurait préféré sauvegarder le système compradore de Moubarak, mais sans Moubarak, le fantoche. La junte militaire qui avait porté ce larbin au pouvoir, après l’avoir forcé prématurément à une retraite dorée dans sa datcha de Charm el Cheikh, promettait d’assurer et de réformer - dont la tenue d’élection - la drogue des petits bourgeois internautes - quelques réformettes d’un système que l’armée d’opérette avait elle-même érigé et qu’elle manoeuvre toujours en sous main.

Demander à une armée fasciste d’assurer l’abolition du fascisme, ce n’était pas une bonne composition. Il survient ce que nous avions pressenti la rue arabe n’a rien obtenu et aujourd’hui elle se rappelle au bon souvenir des maréchaux en goguette (2).

Le 19 novembre dernier, les petits-bourgeois égyptiens (courroie de transmission de ces vauriens) sont donc retournés dans la mêlée, Place Tahrir, parmi les jeunes et le peuple égyptien écoeuré - enragé - révolté, afin, comme au premier round, de pervertir le mouvement de l’intérieur, de le trahir à partir du coeur, par des slogans électoralistes et réformistes - comme celui de chasser le maréchal Tantaoui du pouvoir - un autre maréchal pourra-t-il diriger la révolution contre le pouvoir des maréchaux ? Un Président civil et une Assemblée du peuple à la solde pourront-ils assurer l’emploi, la relance économique, la sortie de crise financière, le développement social, les soins de santé, les logements décents, la fin de la vie chère, la fin de la dictature du FMI et de la Banque Mondiale sur le budget de l’État pharaonique ? Évidemment non !

L’ex-premier ministre de Moubarak, le laquais Kamal el Ganzouri nommé Premier ministre par les militaires (une nomination qui résonne comme une provocation au regard de la « révolution ») pourra-t-il imaginer autre chose que la collusion avec l’impérialisme et la mondialisation (3) ? Non évidemment !

L’élection pseudo « démocratique » à l’Assemblée du peuple de la clique des « Frères musulmans », demeurée lâchement et opportunément en réserve de la trahison nationale ; leur campagne électorale, lourdement financée par les Émirats dictatoriaux du Golfe persique et par les intégristes Wahhabite - royalistes jamais élue - d’Arabie Saoudite - poussant l’outrecuidance jusqu’à donner des leçons de démocratie aux peuples arabes - pourra-t-elle accoucher d’autre chose que de la capitulation nauséabonde (4) ? Non assurément !

Depuis quelques mois, cinq peuples, ceux d’Égypte, de Grèce, d’Espagne, du Maroc et de Tunisie ont clairement affiché, par leur refus de voter, leur total mépris pour ces mascarades électorales et leur dégoût pour ces fadaises « démocratiques » par et pour les riches. Ce n’est pas le départ du maréchal Tantaoui que réclame les révoltés du Caire, pas plus qu’ils ne réclamaient stricto sensu la mise à la retraite anticipée de Moubarak, c’est la fin totale du système militaire compradore (40 % du PIB égyptien est entre les mains de l’armée) - qu’ils réclamaient et qu’ils réclament toujours.

C’est le système capitaliste compradore égyptien qui doit être totalement démantelé et culbutée cette lâche assemblée à la solde de l’armée. C’est la seule façon de répondre aux exigences des révoltés - et de venger les 42 martyrs assassinés par cette armée soi-disant neutre et au-dessus de la mêlée. Nous l’avions écrit, une armée n’est jamais neutre. Une armée est toujours le bras séculier d’une classe pour diriger. L’armée égyptienne ne faisait pas exception à la règle en février dernier, pas davantage qu’en novembre cette année (5).

Le 11 février 2011, quand quelques petits bourgeois pseudo dirigeants des manifestants de la Place Tahrir, porte-voix de la Secrétaire d’État américaine, madame Hillary Clinton, présentèrent le parachute doré de Moubarak (30 milliards de dollars environ) comme la victoire de « la plus grande révolution de tous les temps », la révolte égyptienne avortée venait d’accoucher d’une souris lobotomisée. Heureusement, la leçon du premier round aura porté fruit, et aujourd’hui, aurez-vous noté que la presse occidentale tarde à dénicher et à nous présenter quelques « héros », fils à papa des réseaux sociaux, qui viendraient nous seriner les chants « électoralistes » pseudo démocratiques de la mère Clinton que tous les petits bourgeois de la terre brûlent d’envie d’entonner.

Les révoltés crient, du Caire à Alexandrie, au prix de leur vie : « Écoutez nos voix plutôt que de les compter ». C’est bien dit, ils rejettent ainsi la mystification électoraliste. Nous leur disons, tenez bon, et surtout, écartez les mauvais augures du compromis, les pacifistes, les « indignés déprimés » et les fils à papa apeurés de vos délibérés. Ils vous restent toutefois quelques illusions. C’est compréhensible, l’expérience vous apprendra que vous ne devez pas quémander aux riches et aux dominants de vous écouter, c’est inutile. Vous, le peuple, êtes en contradiction antagoniste irréductible avec eux. Rien à attendre de la compassion de ces « dieux » mafieux. Vous devez renverser le système capitaliste compradore qu’ils ont érigé pour qu’une nouvelle humanité surgisse des cendres de ce que vous brûlez. C’est là une tâche révolutionnaire à votre mesure, peuple frère.

Robert Bibeau

(1) http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=23260 http://www.michelcollon.info/La-revolution-democratique.html

(2) http://www.lemonde.fr/international/article/2011/11/28/en-egypte-ouver...

(3) http://www.leparisien.fr/crise-egypte/elections-l-egypte-poursuit-son-...

(4) http://www.youtube.com/watch?v=Y4lfrgb3PNc

(5) http://www.centpapiers.com/%c2%ab-printemps-arabe-%c2%bb-tunisie-l%e2%...

(6) http://www.oulala.net/Portail/spip.php?article5127


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