La lente désagrégation des conditions de vie en Cisjordanie progresse inexorablement. Mais ce n’est ni une catastrophe naturelle ni un mal-être économique. C’est une politique très délibérément instituée, conçue et appliquée par un état : la puissance occupante qu’est Israël.
Des soldats israéIiens arrêtent un Palestinien à Naplouse. D’anciens soldats avouent que les simulacres d’arrestations ont souvent lieu la nuit "pour que ça ait l’air aussi réel que possible" (Nasser Ishtayeh/Getty).
Le projet sioniste au pays de Palestine a bien des points communs avec le défunt régime d’apartheid en Afrique du Sud. Mais contrairement à l’ Afrique du Sud, qui s’appuyait sur les masses noires comme force de travail asservie, idéologiquement Israël souhaitait tout simplement la disparition des Palestiniens.
D’où le projet de colonisation sioniste, qui commence bien avant 1948, mais atteint alors son sommet, avec la Nakba – le nettoyage ethnique délibéré de la majorité de la population palestinienne par la force des armes. Ce projet n’a jamais cessé et il se poursuit aujourd’hui.
De part et d’autre de la Ligne Verte (tracée en 1949), les Palestiniens sont confrontés en permanence à des expulsions directes par l’armée terroriste israélienne.
Un nouveau projet de nettoyage israélien dans le désert méridional, le Néguev, a été déjoué grâce à un mouvement de protestation concerté palestinien. En tout cas déjoué pour le moment, dirons-nous, car le Plan Prawer risque de revenir à la Knesset sous une autre forme.
Mais une forme moins flagrante de cette naqba rampante, au ralenti, c’est la routine journalière de l’occupation : la politique israélienne délibérée de renforcer la misère en Cisjordanie et le siège de Gaza.
L’exemple qui crève les yeux est le mur d’apartheid qui coupe les fermiers palestiniens de leurs terres. Las barrages de contrôle qui font éclater la vie et l’activité économique palestiniennes ne sont pas seulement des monuments dressés à l’inhumanité d’Israël envers les Palestiniens du simple fait qu’ils ne sont pas juifs.
En Occident les checkpoints israéliens, avec leurs tourniquets et leurs cages, ne seraient même pas tolérés comme des conditions acceptables pour les animaux.
Le régime de torture israélien en Cisjordanie est très réel. Des prisonniers palestiniens sont fréquemment soumis à la torture par des soldats, des policiers et d’autres agents israéliens. C’est un acte de routine du sionisme à l’encontre des arabes. Les techniques de torture israéliennes ont été bien documentées par des groupes de défense des droits de l’homme comme Al Haq et Amnesty International.
L’essai Threat contient beaucoup de témoignages, tant de détenus palestiniens que de leurs avocats.
Plus récemment, Israël a frappé fort avec une nouvelle technique de torture psychologique contre des Palestiniens, mais elle s’exerce contre des villages ou des quartiers entiers. Elle affecte des gens innocents, des femmes et des enfants, qui ne sont même pas accusés d’un délit. Les soldats israéliens le font simplement parce qu’ils le peuvent.
Ils appellent cela « exercices d’entraînement » ou « raids simulés ». Des soldats envahissent des maisons palestiniennes et procèdent à des arrestations sans expliquer ce qui se passe. Des foyers construits avec amour sont retournés de fond en comble, à la recherche apparente d’armes. Des maisons sont encerclées par des soldats en armes. Les enfants sont terrifiés.
Mais tout n’est que simulacre. Il n’y a pas le moindre soupçon de présence d’armes dans les maisons en question. Le phénomène est décrit par le sadique porte-parole de l’armée israélienne comme une « course-parcours » [« navigating run »], effectuée comme une manière de « manifester la présence des Forces de Défense Israéliennes (FDI) »["demonstrating IDF [sic] presence in the area"] – c’est ce que confiait un porte-parole de l’armée au Guardian en novembre dernier, autrement dit :
« On va leur montrer qui est le patron ici ».
« Nous nous sommes servis de maisons, de rues, de personnes, comme des cibles d’entraînement en carton » avoue une ancien soldat israélien.
Cette politique est délibérée, ce n’est qu’un autre aspect de la Naqba en cours.
Même si la Naqba – le mot arabe désignant le désastre dont la Palestine fut victime en 1948 – est un événement historique, c’est également une politique israélienne de longue haleine, et qui ne se termine jamais. C’est un concept important, qui a été expliquée en détail dans un essai de l’éminent universitaire palestinien Joseph Massad en 2008.
Le projet sioniste ne sera pas satisfait avant l’éviction du tout dernier Palestinien. Mais c’est un témoignage de la résilience palestinienne depuis plus d’un siècle : ce projet n’a pas su réussir.
Asa Winstanley [1], 02 janvier 2014 - Middle East Monitor
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM, mardi 7 janvier 2014.