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Le Pétrole, la Politique, et le Chemin de Damas : La Banalité de l’Empire (Counterpunch)

Une question se pose, à propos de Bashar el-Assad, le président syrien : a-t-il des tendances suicidaires ? Cela ne semble guère faire de doute. Tels ces mollahs, qui vivent à Qom, en reclus, et dont le sage sioniste Benjamin Netanyahu affirme qu’ils lanceraient une ogive nucléaire sur Tel-Aviv à la minute où elle tomberait entre leurs mains, comme s’il s’agissait d’un simple fait accompli. Même si les armes de destruction massives américaines vaporiseraient l’Iran, dans l’instant. Même si toutes les flèches en spirales de leurs cloîtres seraient réduites en poussière. Parce que, ainsi que Bibi le fait bien comprendre, quand on a affaire à des déments, il faut mettre de côté l’instinct de survie.

Définir l’ennemi

Assad, qui est membre de cette vile secte Alawite, doit souffrir d’une démence similaire, puisque, selon l’administration Obama, il s’est lancé dans une attaque à l’arme chimique contre les « rebelles » syriens à Ghouta, une banlieue de Damas, au moment qui était peut-être le moins judicieux de ces deux années de conflit. À un moment où Assad venait d’inviter les inspecteurs des Nations Unies, chargés d’enquêter sur l’utilisation d’armes chimiques, à entrer dans son pays, afin qu’ils vérifient si les accusations faisant état de ce type d’attaque, dans le courant du mois de Mai, étaient fondées. L’attaque la plus récente, a généré un flot de rhétorique frauduleuse, comme nous n’en avions plus entendu depuis le pic majestueux, que l’administration Bush avait atteint, à l’époque où Dick Cheney faisait le tour des débats télévisés dominicaux, pour y agiter son manifeste de menace imminente, et ne pouvait contrôler le sourire méprisant que lui inspiraient les pacifistes sans caractère. C’est reparti, comme pour l’Irak. À l’image des accusations forgées pour s’en prendre à un Sadam Hussein édenté, Assad est dans l’attente du verdict de l’Histoire—une fausse accusation, puis une fièvre guerrière qui saisit l’Occident, enfin l’apocalypse. C’est écrit. Dans les médias dominants, personne n’a pris la peine de faire remarquer qu’il faudrait qu’Assad soit suicidaire, pour lancer une attaque, alors que des inspecteurs sont présents dans son pays, et que le Président Obama présente l’utilisation d’armes chimiques, comme la « ligne rouge » que nul gouvernement Shi’ite souverain, ne saurait franchir.

La situation désespérée des rebelles

En revanche, il existe toute une série de prétextes tout à fait raisonnables, au nom desquels la soi-disant « Armée Libre Syrienne » aurait pu lancer une attaque à l’arme chimique, comme il est probable qu’ils le firent au mois de Mai, selon Carla Del Ponte, des Nations Unies, et de la Commission d’Enquête Internationale Indépendante sur la Syrie. Aujourd’hui, elle suggère qu’il se pourrait que les rebelles aient également lancé la dernière attaque. En dépit du soutien d’Al-Qaida et de leurs affiliés du Front Al-Nusra, qui veulent tous le départ d’Assad, pour des raisons différentes, ce creuset de mercenaires ne cesse depuis quelques mois de perdre du terrain face au gouvernement syrien, dans des proportions inquiétantes. Il serait dans leur intérêt de mettre en scène une attaque à l’arme chimique, que les américains pourraient aussitôt attribuer au régime, en commençant à faire le plein de leurs avions téléguidés, et de leurs contre-torpilleurs. Faute de quoi, il se pourrait que le gouvernement reprenne le contrôle des factions liguées contre lui, consolide son pouvoir, et devienne d’autant plus difficile à déloger. Il est préférable de faire surgir le franchissement d’une ligne, de la poussière d’un conflit civil, sectaire, qui se déroule par personnes interposées. Ne reste alors qu’à proférer, depuis la pelouse de la Maison Blanche, des accusations sans fondement, qui recevront le soutien sans faille de Tel-Aviv, où les législateurs viennent d’approuver sans discussion l’implantation illégale d’une nouvelle colonie, devenue investissement immobilier de premier choix en Cisjordanie, pendant qu’à Ramallah, l’Armée de Défense d’Israël abat les réfugiés au cours d’accrochages troubles. Des interventions illégales. Des occupations que la loi réprouve. Des mesures de répression suspectes. À la Knesset, des conflits mondiaux en miniature sont en permanence à l’état de projet.

Le projet bipartisan

Sans tenir compte de l’effet d’amorçage, l’administration semble résolue à faire accepter à la hâte le vieux projet insensé de Donald Rumsfeld, qui comprenait les renversements successifs de sept gouvernements, sur la route qui menait à la mainmise incontestée sur les ressources en énergies fossiles, arabe et perse. Leur regard est fixé sur la récompense. Le reste n’est que détail. Ce que devient la Syrie semble n’avoir que peu d’importance pour les américains, seul compte le renversement d’Assad, le fait aussi que le seigneur de la guerre dont le drapeau flottera sur les décombres, soit hostile à Téhéran, et prêt à écraser impitoyablement, toute tentative d’auto-détermination, susceptible d’émaner de la populace. Après tout, les États-Unis ont laissé derrière eux un conteneur de débris de monuments effondrés, d’infrastructures volatilisées, en Afghanistan, en Irak, et en Lybie. Si le monde arabe tout entier, n’est qu’un tas de déchets fumants, dont les seules entités fonctionnelles sont les derricks de pétrole, en quoi cela pourrait-il constituer une source d’inquiétude, pour nos chefs impériaux ? Que les islamistes se massacrent entre eux, autour du feu de joie, pendant que nous aspirons du noyau de la terre, jusqu’à la moindre once de gaz et de pétrole naturels. (Surgissent les images de Daniel-Day Lewis, dans Il y aura du sang , lorsqu’il nargue son jeune rival évangélique en hurlant « Je me tape ton milkshake »).

Faire chauffer la machine à propagande

Les actes les plus controversés d’un état requièrent toujours, de la part de la presse, une forte dose de préparation des esprits, afin de fabriquer le meilleur consentement posssible du grand public ou, à défaut, semer suffisamment le doute pour éviter l’émeute. À cette fin, le New York Times a repris toute sa place dans le chœur, en élevant son refrain de marchand de peur à des altitudes inconnues. Le Washington Post remonte le mécanisme déclencheur d’appels en faveur de l’intervention. La salle de crise de la Maison Blanche tourne à plein régime. Fox News déclenche des polémiques hypertrophiées, qui reprochent à Obama d’avancer à petits pas, dans le domaine de la politique étrangère. Les progressistes sont sur la touche, le regard vide, pendant que leur « moindre mal » produit une nouvelle impression experte du « mal suprême ». Obama canalise Clinton. Kerry canalise Cheney. Mais ceci n’est que la normalisation du parcours ; la justification précède le glaive. On se croirait à nouveau en 2003. Ne manque que le retour à la surface de Judith Miller, en possession d’une source provenant des profondeurs chtoniennes de l’administration Assad. Ou Colin Powell, qui déroule Power Point, en brandissant quelques photos de tubes creux, glanées sur Google. Ou encore, que quelqu’un monte dans la chaire du persécuteur pour nous dire, d’un ton plaintif que, oui, oui, il nous faut à nouveau faire la guerre à ces sauvages nomades qui dressent leurs tentes sur ce que Dieu, dans sa générosité, nous a donné.

Quatre étapes vers la guerre

À quoi pouvez-vous vous attendre, dans les jours et les semaines à venir ? En voici un avant-goût. Rien de surprenant, dans la mesure où, depuis des décennies, on améliore la formule. Les noms de ses architectes sont inscrits sur les murs de la Maison Blanche, émérites en infamie. Le modèle exige d’Obama qu’il prenne une série de mesures anti-démocratiques, en faveur de la guerre, que l’on fera passer pour des mesures en faveur de la démocratie, contre la guerre :

* D’abord, il ne tiendra aucun compte de ceux qui l’ont élu. Il affichera une posture de profonde inquiétude, afin de citer quelque lieu commun moralisateur — l’homme de paix, obligé de faire face à la nécessité d’une violence noble. Son front plissé se métamorphosera avec lenteur, pour faire place au regard d’acier de la détermination —le défenseur de la liberté, qui accourt à la rescousse des infortunés prolos syriens. Il agitera le drapeau des droits humains universels, déclarera que les actes ont des conséquences, et pointera un index menaçant en direction de Bashar El-Assad. À peine neuf pour cent du peuple américain, sont favorables à ce scénario. Mais Obama, hypnotisé par sa croisade morale, n’en tiendra aucun compte.

* Puis, il ne tiendra aucun compte de l’avis du Congrès. Cela revient, mais cette fois de manière officielle, à ne tenir aucun compte du peuple. Mais contrairement à ce qui se passe lorsqu’on écarte d’une plaisanterie, les résultats d’un sondage Reuters, il faudra, pour passer outre les délibérations de la branche législative du gouvernement, toute entière, que le Ministère de la Justice, rédige quelque prose nuancée. Aucun problème. À l’occasion de la guerre contre la Lybie, ce même Ministère affirma que l’ensemble constitué par la fourniture d’armes, de lance-missiles, de frappes par des avions téléguidés, n’équivalait pas au « déclenchement d’hostilités ». Donc, il n’y avait pas de guerre. Donc, il n’était pas nécessaire de s’inquiéter de l’approbation du Congrès.

* Ensuite, rendu plus confiant par les évènements du jour, Obama ne tiendra aucun compte des Nations Unies. Tout comme le ministre adjoint John Kerry, il a déjà dit qu’il est trop tard, pour que les inspecteurs d’armements des Nations Unies, en place à Damas, puissent vérifier les déclarations récentes sur l’utilisation illégale d’armes chimiques. Tous deux ont débité un petit nombre d’idioties sur des preuves « altérées », en dépit du fait que le sarin peut rester prisonnier de la terre, pendant des mois. Quoi qu’il en soit, on devrait normalement pouvoir compter sur les Nations Unies pour retourner l’Assemblée Générale, comme le Conseil de Sécurité, s’il n’y avait cette présence agaçante de la Russie, dont l’index est suspendu, immobile, au-dessus du bouton du veto, en attendant que l’administration Obama demande au Conseil de Sécurité de légitimer son bellicisme. Bien entendu, la Russie elle-même se cache derrière une façade d’innocence bafouée, Lorsqu’elle déclare que l’Amérique l’a dupée en 2003 au sujet de l’Irak, et qu’on ne l’y reprendra pas. Ce qui n’est, là aussi, que sophistique.

* Enfin, il bombardera. On lancera des missiles, depuis une base sécurisée, en Méditerranée, ou du calme relatif qui règne en altitude, dans les nuages. Ces missiles prendront pour cibles des zones densément peuplées de Damas, au plus grand regret de notre grand chef. Des images de musulmans en pleurs parsèmeront les ondes hertziennes. Les O.N.G. établiront des listes de morts collatéraux. Le compte des réfugiés —qui s ‘élève déjà à un million —grimpera jusqu’à deux. Quant à la Syrie, cet élément du berceau de la civilisation, elle commencera à ressembler à l’Irak, l’Afghanistan, et la Lybie, par son mélange kaléidoscopique d’infrastructures volatilisées, de massacres sectaires, de déchaînement de sévices sexuels infligés à ses femmes, de difformités génétiques qui frapperont les nouveau-nés, à cause, enfin, du bourdonnement incessant des avions téléguidés, « Predators » ou « Reapers », qui contrôleront le carnage, depuis le ciel.

Mais, en fin de compte, le pétrole, comme le gaz, seront à nous, et à Washington, c’est bien tout ce qui compte.

Jason Hirthler

Jason Hirthler est un vétéran de l’industrie des communications. Il vit, et travaille, à New York, et on peut le joindre à l’adresse suivante : jasonhirthler@gmail.com.

Traduction : http://echoes.over-blog.com/le-pétrole-la-politique-et-le-chemin-de-damas-la-banalité-de-l’empire

»» http://www.counterpunch.org/2013/08/30/the-banality-of-empire/
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