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Le Monde Diplomatique (juin 2018)

Qui sont désormais les « paillassons de Washington » demande Serge Halimi : « Les suppliques et les marques d’affection de trois dirigeants européens — M. Emmanuel Macron, Mme Angela Merkel et M. Boris Johnson — venus cajoler M. Donald Trump n’auront servi à rien : le président des États-Unis a riposté en les humiliant. Il les menace de représailles commerciales et financières s’ils ne violent pas l’accord qu’ils ont eux-mêmes conclu il y a trois ans avec l’Iran. Les États-Unis ayant radicalement changé de position sur le sujet, leurs alliés n’ont plus qu’à s’aligner. Aux yeux de M. Trump, Paris, Berlin et Londres ne pèsent pas lourd, beaucoup moins en tout cas que Riyad ou Tel-Aviv. »

Ibrahim Warde revient sur le « diktat iranien de Donald Trump : « Donald Trump a bâti sa carrière sur le principe que tout est renégociable. Une fois un immeuble terminé, le promoteur invoquait la piètre qualité des travaux (ou d’autres prétextes) pour éviter d’honorer ses engagements. Il imposait alors de nouvelles conditions aux divers corps de métier, en leur déclarant par exemple : « Je ne vous paierai que 75 % du montant dont nous avions convenu. » C’était à prendre ou à laisser. Ceux qui refusaient sa proposition n’avaient qu’à le traîner devant les tribunaux, prenant ainsi le risque de procédures judiciaires coûteuses et à l’issue incertaine face à des avocats aussi retors que coriaces. Dans son livre Trump : Think Like a Billionaire (« Penser comme un milliardaire »), en 2004, il conseillait à ses lecteurs de « toujours contester les factures ». Ses procédés de mauvais payeur étaient bien connus des fournisseurs et des banquiers, dont beaucoup refusaient de traiter avec lui. »

L’Europe connaît un « bouleversement démographique » : « en 1900, l’Europe abritait un Terrien sur quatre. En dépit d’un gain de 180 millions d’habitants entre 1950 et 2000, elle n’en abrite aujourd’hui plus qu’un sur dix. Sur tout le continent, la croissance démographique s’essouffle, une majorité de régions connaissant même une décroissance. Mais cette évolution globale cache de fortes disparités. Les habitants de l’Ouest n’ont guère pris conscience du chaos qui a suivi, dans l’Est, la chute du mur de Berlin, avec l’explosion des inégalités, de la pauvreté et de la mortalité. Si les « thérapies de choc » dictées par les experts financiers occidentaux n’ont pas achevé le malade, elles l’ont rendu anémique et très dépendant du carburant économique de l’Ouest. Dénatalité et exode conduisent à un bilan démographique sévère : vingt-quatre millions d’habitants en moins depuis 1989 dans les anciens pays de l’Est, hors Russie. Un garçon qui naît aujourd’hui en Ukraine peut espérer vivre soixante-six ans, soit treize de moins qu’un Suisse ou un Suédois. Treize années, c’est aussi ce qui sépare l’espérance de vie d’un Français riche de celle d’un Français pauvre. »

Dieu peut se rassurer, nous ne sommes pas immortels (Claude Aubert) : « Une vie toujours plus longue : telle était la promesse des « trente glorieuses », donnant la mesure des progrès sociaux et médicaux acquis depuis la seconde guerre mondiale. Les gains d’espérance de vie forment le socle de nombreuses politiques, notamment du recul de l’âge de départ à la retraite. Pourtant, ils ne sont pas immuables… »

John Bellamy Foster rappelle que Marx s’était intéressé à l’exploitation de la nature : « Pour certains, la crise écologique invaliderait les analyses de Karl Marx, coupable d’avoir délaissé la question environnementale. Le productivisme débridé des régimes se réclamant de lui a paru conforter cette critique. D’autres, tel l’intellectuel américain John Bellamy Foster, suggèrent au contraire que socialisme et écologie forment, chez lui, les deux volets d’un même projet. »

Stefano Liberti estime que « Les paysans mozambicains font reculer l’agro-industrie : Les agro-industriels du Sud ressemblent à ceux du Nord : ils rêvent de profits faciles en développant les cultures commerciales au détriment de la paysannerie vivrière. C’est ainsi qu’est né le projet ProSavana, qui associe le Japon et le Brésil au Mozambique. Mais la résistance inédite des paysans des trois États a permis de stopper l’opération. »

Martine Bulard et Sung Il-kwon évoquent, pour la Corée du Nord, « La politique du rayon de soleil : M. Donald Trump a annoncé le 24 mai à M. Kim Jong-un l’annulation de la rencontre américano-nord-coréenne prévue pour le 12 juin. Au-delà des ruses rhétoriques visant à arracher des concessions à l’autre partie, tous deux divergent sur la méthode pour dénucléariser la péninsule. Le président sud-coréen Moon Jae-in, lui, ne ménage pas ses efforts pour aboutir à un traité de paix. »

Florence Beaugé pense que la libération pour les Saoudiennes est « très calculée : Empêtrée dans sa guerre au Yémen et désireuse de faire porter le chapeau de l’obscurantisme à l’Iran, l’Arabie saoudite met en avant ses efforts pour améliorer la condition des femmes dans le royaume. Des réformes à pas comptés, qui restent fragiles et qui ne répondent que partiellement à une grande attente en matière de changement. »

Richard D. Kahlenberg raconte comment son père l’a fait entrer à Harvard : « Pour sélectionner leurs étudiants, les universités américaines prennent en compte divers critères : les résultats scolaires, l’origine ethnique, le lieu de résidence ou encore le sexe. Les établissements les plus prestigieux considèrent également la filiation du candidat. Ils favorisent les enfants d’anciens élèves, pratiquant ainsi une forme de discrimination positive… pour les riches. »

Renaud Lambert entrevoit une « tentation de l’espoir pour le Mexique : Le 1er juillet, les Mexicains éliront 500 députés, 128 sénateurs, 9 gouverneurs et un nouveau président. Favori des sondages, le candidat de gauche Andrés Manuel López Obrador propose une réponse modérée au cocktail explosif qui ravage le pays : violence, corruption et misère. Mais l’élite — dont les franges économique, politique et mafieuse ont désormais fusionné — acceptera-t-elle le jeu démocratique ? »

Tigrane Yegavian évoque le « second printemps arménien : « Après trois semaines de manifestations pacifiques et de désobéissance civile, un jeune député de l’opposition est devenu premier ministre d’Arménie, le 8 mai dernier. Une population urbaine, créative, polyglotte a réussi à renverser un pouvoir verrouillé, typique de l’espace postsoviétique, dans un mouvement qui évoque davantage celui de l’indépendance que les « révolutions de couleur ». »

Pour Sébastien Gobert, la réforme policière est « vaine » : « Présentée comme une réponse aux aspirations des manifestants de 2014, la réforme de la police ukrainienne s’est focalisée sur la corruption des agents de terrain, laissant intacte l’instrumentalisation de l’État par des clans politiques. Pour y remédier, les bailleurs internationaux exigent la création d’organes judiciaires ad hoc. Une solution qui comporte le risque d’une mise sous tutelle du pays.

Laurent Perpigna Iban décrit la « bataille pour la paix au Pays basque :

Après un demi-siècle de lutte armée marqué par de nombreux attentats et par plusieurs tentatives de résolution pacifique du conflit, l’organisation basque Euskadi ta Askatasuna (ETA) a annoncé début mai sa dissolution. Le gouvernement conservateur espagnol parie sur une défaite totale des indépendantistes, mais son refus de tout geste de conciliation pourrait empêcher les plaies de se refermer. »

Pour la gauche comme pour la droite, « Le terroir ne ment pas : L’aspiration à la transformation du monde passe parfois par un retour à des valeurs qu’on croyait périmées. Ainsi, le terroir, auquel on prête une capacité à nourrir l’identité individuelle et collective, une authenticité qu’on oppose à la mondialisation capitaliste, sinon au progrès, est à nouveau tendance. Des conservateurs comme des révolutionnaires font son éloge. (Evelyne Pieiller).

François Ruffin nous appelle à « déjouer la résignation » : « Il y a un an, les élections législatives françaises offraient à M. Emmanuel Macron une très large majorité parlementaire. Pourtant, dans la Somme, un candidat de gauche, M. François Ruffin, parvenait contre toute attente à battre le candidat du parti du président et celui du Front national. La chronique de sa victoire locale livre des leçons plus générales sur le militantisme de terrain et sur les coalitions sociales. »

Quant à Serge Halimi, « Pour les socialistes en déroute, l’échec, c’est les autres…Confrontés à un désastre électoral, la plupart des responsables politiques remettent en question les choix qu’ils ont faits. Mais les socialistes français semblent incapables d’imaginer une autre stratégie que celle qui les a condamnés. »

Éric Dussert et Cristina Ion nous invitent à une « bonne sieste à la bibliothèque :

Créées dans le sillage de la Révolution française, les bibliothèques ont longtemps été considérées comme de précieux lieux d’éducation populaire. Désormais, elles sont incitées à prouver leur rentabilité sociale en promouvant le « vivre-ensemble », censé garantir une plus grande démocratisation culturelle. »

Samuel Gontier analyse les manipulations télévisuelles lors de la grève des cheminots : « Ce 3 avril 2018, premier jour de la grève des cheminots, la même image tourne depuis des heures sur BFM TV : celle d’un quai de gare bondé, barrée d’une flèche rouge désignant une « passagère poussée sur les voies ». Le présentateur interpelle un représentant de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) : « Vous avez vu les scènes de pagaille qu’on a montrées ! Ça ne pourra pas durer trois mois comme ça ! » Il va y avoir des morts !
Lancé la veille dans une tribune du Point intitulée « Recenser les décès liés aux grèves, quelle bonne idée ! », le sujet a gagné le petit écran. « On a répertorié deux blessés, des tonnes de malaises dans les rames », alerte la députée Emmanuelle Ménard, apparentée Front national, dans « 24h Pujadas », sur LCI. « Et ça pourrait durer trente-six jours dans les trois prochains mois ! », renchérit David Pujadas, qui se tourne vers M. Adrien Quatennens, député de La France insoumise : « Quand on voit (...) ce qui s’est passé, les gens qui rentrent par les fenêtres, les deux blessés, vous dites : “On est prêts à faire trente-six jours de cette grève-là” ? » Au risque de provoquer une hécatombe ?

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Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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