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Le Monde Diplomatique, décembre 2009

Dans ce numéro de décembre 2009 du Monde Diplomatique, Serge Halimi évoque une « dette providentielle » :

« Grâce à des injections plantureuses d’argent public, les banques ont retrouvé leurs couleurs. Elles émergent même de la crise financière plus grosses et plus puissantes qu’avant. Et donc plus susceptibles encore de prendre les àˆtats « en otage » lors de la prochaine tempête. C’est le moment que les gouvernements occidentaux et les banques centrales ont choisi pour sonner à nouveau le tocsin contre la dette.

Astucieusement mis entre parenthèses tant qu’il fallait débourser des montants dépassant l’entendement pour sauver Goldman Sachs, la Deutsche Bank ou BNP Paribas, le spectre de la faillite resurgit afin, cette fois, de hâter l’invasion des logiques de rentabilité commerciale dans des activités qui en étaient préservées. Alourdi par la panne économique, le poids de l’endettement sert une fois de plus de prétexte au démantèlement de la protection sociale et des services publics. On prédisait, il y a un an, le coma des libéraux ; ils trouvent dans l’annonce répétée que « les caisses sont vides » l’instrument de leur résurrection politique. »

Pour Dan Schiller, " Internet enfante les géants de l’après-crise " : « Parce que leurs affaires, désormais globales, nécessitaient que les échanges s’opèrent de manière aussi fluide et instantanée que possible, banques et entreprises ont tout misé sur l’informatisation et la dématérialisation. Ainsi, le trader rivé à ses écrans interconnectés a remplacé le courtier criant des ordres d’achat à la corbeille. Mais ces technologies de l’information et de la communication (TIC) sont aussi le pôle de croissance sur lequel mise le capitalisme pour se renouveler. Ces dernières années, cette dynamique s’est accélérée à une allure vertigineuse. De nouveaux venus - Cisco, Amazon, Google, mais aussi China Mobile - bouleversent l’ordre économique. Tandis que le marché de la culture affronte les conséquences de la déferlante numérique, la téléphonie mobile ou par Internet menace les « télécoms » traditionnelles ; et l’essor des terminaux miniatures pourrait " ringardiser " télévision et ordinateur. Cette transformation engloutit des investissements colossaux. Au moment où il est beaucoup question de déclin américain, elle rappelle le rôle central que les États-Unis continuent de jouer dans le paysage industriel de la planète.

Henry Laurens nous offre une bonne mise au point sur Ernest Renan, monument de la pensée française, mais tellement ambigu : « la guerre de 1870-1871 lui cause un terrible choc moral. Il réagit en rejetant l’évolution démocratique de la société française (comme le fera Vichy en 1940), ce qui fait de lui incontestablement l’une des grandes références de la tradition conservatrice, voire réactionnaire, l’une des sources du maurassisme. »

Très bonne enquête de Jacques Denis, qui aime un peu trop les anglicismes à mon goût (« l’autel de la profitabilité », « revue dédiée aux adhérents », « vingt ans d’expertise dans cette filière »), sur la FNAC, ce beau pays où les fournisseurs payent pour vendre moins cher : « le commerce des produits culturels repose sur un paradoxe : il organise une consommation de masse en flattant les distinctions individuelles. […] L’enseigne des connaisseurs branchés s’est métamorphosée en supermarché du divertissement. Pris en tenaille entre les exigences de son propriétaire et les bouleversements du marché des loisirs, le modèle bat de l’aile. […] Paris, salle Pleyel, 7 mai 2009 ; l’assemblée générale des actionnaires du groupe Pinault-Printemps-Redoute (PPR) s’attribue 418 millions d’euros de dividendes pour l’exercice 2008. Dehors, une centaine de salariés de la Fnac forment un comité d’accueil. « Pinault, escroc, la crise, elle a bon dos ! » PPR, propriétaire de l’enseigne, a annoncé, le 18 février, un plan d’économie de 35 millions d’euros, puis, le 4 mars, un « plan de sauvegarde de l’emploi » - doux euphémisme - destiné au personnel parisien . Quelques jours plus tard, en effet, la direction décide la fermeture d’un « petit » magasin spécialisé dans le disque, la Fnac Bastille. « En 2009, nous resterons concentrés sur trois grands objectifs : l’impact client, la baisse des coûts et la génération de cash-flow », insiste M. François-Henri Pinault, aux commandes de PPR. « Ce qui importe, c’est que le groupe se renforce et puisse assurer une politique de dividendes sérieuse et équilibrée à l’ensemble de ses actionnaires . »

Quant aux employés, toujours plus différenciés les uns par rapport aux autres, ils n’ont pas fini de souffrir.

Excellent dossier qui mériterait d’être tracté à 20 millions d’exemplaires : "Comment vendre à la découpe le service public " . Avec un article lumineux et exhaustif de Laurent Bonelli et Willy Pelletier : " De l’État-providence à l’État manager.

« Nous vivons une drôle d’époque... On a l’impression d’une espèce de vague qui nous surplombe, nous écrase et qui est en train de déferler. » Le politiste Bernard Lacroix pourrait ainsi résumer le désarroi de syndicalistes, d’intellectuels, d’élus ou de citoyens confrontés aux restructurations de l’État.

Les réformes se succèdent apparemment en ordre dispersé ; la technicité les rend opaques ; leurs effets ne sont perçus qu’après coup, lorsque, les décrets d’application adoptés, arrive leur mise en pratique. Et pourtant, derrière ce brouillard, une mobilisation sans précédent est à l’oeuvre pour fabriquer un État réduit dans sa surface et renforcé dans ses structures de commandement.
La compression du format de ce dernier s’exprime de manière particulièrement radicale dans la révision générale des politiques publiques (RGPP). Lancée en conseil des ministres, le 20 juin 2007, celle-ci accélère (et met en cohérence) les entreprises antérieures enserrant l’activité publique dans des impératifs budgétaires, fixés a priori. Six mois plus tard seulement, quatre-vingt-seize mesures programment fusions, regroupements et suppressions de services d’Etat. Dès octobre 2007, les hauts fonctionnaires de la chancellerie, nonobstant leurs réticences, modernisent à marche forcée la carte judiciaire et projettent que, au 1er janvier 2011, cent soixante-dix-huit tribunaux d’instance et vingt-trois tribunaux de grande instance seront supprimés, au nom de l’« efficacité ». L’éducation nationale ferme les collèges de moins de deux cents élèves, jugés trop coûteux. Conformément aux souhaits de son ancien ministre, M. Claude Allègre, elle « dégraisse le mammouth » et élimine plus de quinze mille postes d’enseignant par an .

Pour l’Europe, le mal vient d’outre-Manche. Cela fait 30 ans maintenant que les fonctionnaires sont pressurés, culpabilisés, fragilisés, placés dans des « situations de justification quasi permanente de leurs activités et résultats. » En Allemagne (Olivier Cyran), les usagers financent l’entrée en bourse des transports berlinois ! Plus social-traître que les socio-démocrates, tu meurs : les responsables syndicaux soutiennent la privatisation impulsée il y a dix ans par Schroeder. Norbert Jansen, le secrétaire général de Transnet, a intégré l’état-major de la RATP berlinoise pour un salaire annuel d’1,4 million d’euros…

En Sarkozie, la folie est de plus en plus traitée de manière sécuritaire (Patrick Coupechoux). Michèle Alliot-Marie envisage la castration physique pour les violeurs. Selon sa pensée binaire primaire à laquelle nous sommes désormais bien habitués, Sarkozy oppose le « scandale » des malades en prison au « scandale des gens dangereux dans la rue ». Il oublie ( ?) que 30% des SDF sont psychotiques, abandonnés et « meurent sur les trottoirs de nos villes ». De plus, ce que Sarkozy ne sait pas ( ?), « les fous commettent moins de crimes que la population générale (alors qu’ils sont 17 fois plus souvent victimes de crimes et de délits que le reste de la population). » Pour le capitalisme et ses serviteurs, il est urgent de retourner à la période d’avant Pinel (1745-1826), lui qui avait fait abolir les chaînes pour les malades en qui il voulait voir d’abord des humains.

Augusta Conchiglia estime que le Mozambique fait l’objet de sinistres convoitises. « Le pays doit faire face aux carences d’une économie conçue, depuis la colonisation portugaise, pour satisfaire d’abord les besoins des pays voisins, notamment l’Afrique du Sud. »

Jean Sabaté fait de Vladivostok, frappée par la crise, un portrait saisissant. Le Far East Russe, ce n’est pas la joie : « recul de la production industrielle et du PIB, baisses des salaires et montée du chômage. Le pouvoir russe essaie de contenir le mécontentement. »

Ricardo Petrella exprime son scepticisme face à Copenhague : « réunion de la dernière chance pour certains, elle suscite moins d’espoir que d’inquiétudes, tout nouvel accord n’ayant de sens que s’il est signé, puis ratifié, par les deux principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre que sont les Étas-Unis et la Chine. »

Cédric Gouverneur nous décrit l’exploitation des palmistes en Indonésie, au détriment de la forêt, « massacrée à la tronçonneuse », pour le bonheur des industries cosmétiques.

Gareth Porter évoque les négociations bloquées entre les puissances occidentales et l’Iran. Il craint une escalade d’autant plus dangereuse qu’elle « se produit dans un Proche-Orient miné par les guerres et l’impasse israélo-palestinienne. L’élection d’Obama avait pourtant crée un espoir de perçée diplomatique. »

Un article très intéressant de Laurent Checola et Édouard Pfimlin sur les drones, ces « armes du futur », utilisées comme des jeux vidéos, loin des théâtres d’opération (le Pakistan est bombardé depuis le Nevada), qui occasionnent de nombreuses victimes civiles. « Leur usage déborde les champs de bataille pour servir à des fins sécuritaires jusque dans les banlieues européennes. » La CIA en est une grande consommatrice. Les missions sont secrètes.

Pour Muhammad Indrees Ahmad, « le Pakistan fabrique ses propres ennemis ». Les initiatives militaires du président Zardari ne sont couronnées d’aucun résultat tangible. L’islamisme « se nourrit du comportement des élites » dans un pays où 3 millions de réfugiés sont laissés à l’abandon.

Jorge Magasich revient fort utilement sur le prétendu plan Z qui a épouvanté le Chili en 1973 : Allende étant censé préparer « un auto-coup d’État sanglant », devant déboucher … sur sa propre mort !!! Pendant ce temps (Libio Perez), la politique de Michelle Bachelet est tellement « responsable » que la droite risque de revenir au pouvoir suite aux élections du 13 décembre prochain.

Alexandre Pierrepont s’est mis à l’écoute de la musique qui « illumine Chicago », une musique point de ralliement pour les concitoyens miséreux d’Obama dans leur isolement.

Philippe Rivière m’a rappelé (« Plus ça change… ») une série d’articles historiques de Cavanna dans Charlie Hebdo au début des années 70, " Stop-crève " , en évoquant l’utopie des extropiens, pour qui « nous serons tous immortels en 2100 ». Trop tard pour ce qui me concerne…

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Laurent Mauduit. Les Imposteurs de l’économie.
Bernard GENSANE
Serge Halimi expliquait autrefois pourquoi il ne voulait jamais débattre avec un antagoniste ne partageant pas ses opinions en matière d’économie : dans la mesure où la doxa du capitalisme financier était aussi « évidente » que 2 et 2 font quatre ou que l’eau est mouillée, un débatteur voulant affirmer un point de vue contraire devait consacrer la moitié de ses explications à ramer contre le courant. Laurent Mauduit a vu le « quotidien de référence » Le Monde se colombaniser et (…)
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Personnellement, je n’ai jamais très bien compris ce qu’est le féminisme. Je sais par contre que les gens me qualifient de féministe chaque fois que j’exprime une idée qui me différencie d’un paillasson ou d’une prostituée.

Rebecca West

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