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Le Monde Diplomatique (août 2020)

Serge Halimi nous rappelle que les Etats-Unis sont en guerre avec l’Afghanistan depuis 20 ans : « Les soldats américains de 18 ans qui partent aujourd’hui faire la guerre en Afghanistan n’étaient pas encore nés quand elle fut déclenchée. En 2012, M. Donald Trump avait déjà tranché : « Il est temps de quitter l’Afghanistan (1). » Il n’est pas acquis qu’il parvienne à ses fins mieux que son prédécesseur Barack Obama. Car chacune des tentatives de désengager les États-Unis militairement d’un pays quelconque — la Syrie, la Libye, la Corée, l’Allemagne — provoque une levée de sabres à Washington. Aussitôt le lobby de la guerre se récrie : les Russes sont là ! les Russes arrivent ! Le budget militaire des États-Unis (738 milliards de dollars en 2020) a beau représenter plus de dix fois celui de la Russie, agiter le grelot de Moscou suffit pour que républicains et démocrates hurlent ensemble leur effroi. Et ils savent pouvoir compter sur le soutien éditorial du New York Times. »

Un article novateur sur la langue japonaise par Mizubayashi Akira : « « Langue servile » et société de soumission.Il est impossible, en japonais, de s’adresser en termes identiques à un supérieur ou à un collègue de travail, ni même de parler à son frère aîné comme à son cadet. La langue s’encastre dans une société verticale où la soumission est érigée en vertu. »

Une enquête de David Garcia sur France Inter : « France Inter, écoutez leurs préférences : Depuis quelques mois, France Inter s’enorgueillit d’être la radio la plus écoutée du pays : 6,1 millions d’auditeurs chaque jour, selon la dernière enquête Médiamétrie. Soit. Mais que valent ses émissions et, surtout, à qui sont-elles destinées ? Au fil des innovations (et des purges), la machine est devenue plus performante et moins surprenante. Sociologiquement, idéologiquement, la chaîne généraliste du service public, censée « donner une image la plus réaliste possible de la société française », semble s’adresser à une France particulière. Au point de mépriser les auditeurs qu’elle juge indignes de ses lumières ? »

Pierre Carles nous rappelle que Georges-Ibrahim Abdallah est en prison en France depuis plus de 30 ans pour complaire aux Etats-Unis : « La convention européenne des droits de l’homme interdit de maintenir un condamné en prison « sans aucun espoir de sortie ». Cela semble pourtant correspondre au sort du militant communiste libanais Georges Ibrahim Abdallah, incarcéré en France depuis plus d’un tiers de siècle. La prolongation de sa détention doit beaucoup au climat créé par des attentats auxquels il est étranger. »

Christophe Trontin lève le voile sur ces chercheurs russes « Confinés dans les villes secrètes de l’atome soviétique.De la bombe H à la conquête spatiale, la plupart des grands programmes technologiques soviétiques ont vu le jour entre les murs de villes secrètes. Scientifiques, ingénieurs et ouvriers y vivaient en vase clos, dans un univers relativement préservé. Depuis la chute de l’URSS, ces cités peinent à trouver un nouveau souffle. À l’image de Sarov, un des centres de recherche sur le nucléaire militaire. »

Un article intéressant de Thomas Frank sur les populistes et la médecine aux Etats-Unis : « Les populistes américains contre le lobby des médecins. L’incurie des présidents Donald Trump et Jair Bolsonaro face à la crise sanitaire a conforté l’idée que les « populistes » seraient hostiles à la science, médicale en particulier. L’histoire des États-Unis et du Canada rappelle le contraire : les populistes se sont battus pour démocratiser le savoir et la santé pendant que la corporation des médecins s’employait à les réserver aux riches. »

Thelma Katebi nous explique ce qu’il en est d’être chanteur en Iran : « Confrontés à la censure et à l’ordre moral imposés par l’appareil théocratique, les artistes iraniens oscillent entre autocensure, obligation de composer avec l’administration ou exil, que ce soit à Londres ou, surtout, à Los Angeles. Vilipendé par les autorités, qui le qualifient d’« indécent » et qui interdisent ses concerts, le rap rencontre l’adhésion d’une jeunesse en mal d’ouverture politique. »

Arthur Asseraf nous emmène aux origine de la presse arabe : « Au début du XIXe siècle apparaissent les premiers journaux en langue arabe, qui ont longtemps eu une finalité administrative. Par la suite, les pouvoirs coloniaux y ont vu un outil pour s’adresser directement aux populations autochtones et diffuser leur propagande dans l’ensemble du monde arabophone. Les titres indépendants ont bénéficié, eux, du savoir-faire de maronites syro-libanais. »

Pour Mohammed Lari Bouguerra, le hadj est l’autre pétrole des Saoud : « Le pèlerinage à La Mecque, cinquième pilier de l’islam, garantit une manne perpétuelle aux autorités saoudiennes. Pour recevoir un nombre toujours plus important de visiteurs, les dirigeants wahhabites n’hésitent pas à transformer la ville sainte en chantier permanent, quitte à la défigurer. L’ambition d’accueillir toujours plus de pèlerins pose de graves problèmes de sécurité et de santé. »

Hélène Ferrarini revient sur l’historien marxiste Walter Rodney, oublié au Guyana : « En 1980, 35 000 personnes assistaient, à Georgetown, à l’enterrement de Walter Rodney, opposant au pouvoir en place, assassiné. Quarante ans plus tard, au Guyana, on cherche en vain des traces de l’historien marxiste, qui voulait remplacer la politique ethnique de son pays par des organisations fondées sur une solidarité de classe. »

Cédric Gouverneur lance un cri d’alarme : « La Bolivie affronte l’agonie de ses glaciers. « Témoins par excellence des évolutions du climat terrestre, la plupart des glaciers connaissent une phase de décrue. Dans les Andes tropicales, cette fonte s’accélère depuis trente ans et hypothèque l’irrigation, la production d’électricité ou l’alimentation en eau. De grandes métropoles comme La Paz, en Bolivie, voient une partie importante de leurs ressources menacées. »

Philippe Baqué explique la Polémique sur la restitution des objets d’art africains : « Voilà près de trois ans que le président Emmanuel Macron s’est engagé à restituer les biens culturels africains pillés pendant la colonisation. Depuis, la promesse est prise dans un parcours d’obstacles. Tandis que les collectionneurs et musées européens freinent des quatre fers, les pays spoliés peinent à réunir les conditions nécessaires pour la réception et la conservation de ces œuvres. »

Un conte écrit pour Le Monde Diplomatique par Yan Lianke : « Babel jeune et innocente. Écrivain parmi les plus oniriques de son temps, Yan Lianke s’empare des maux de la société chinoise, au risque parfois d’être censuré dans son propre pays. Mais il ne cède rien à son engagement, à son humour et à sa plume. Celui qui révèle la vérité- ou tout simplement la réalité — le paye parfois de la mort. »

Mais à quoi servent donc les artistes, demande Evelyne Pieiller ? « Depuis le XIXe siècle, les artistes se demandent avec inquiétude s’ils vont pouvoir vivre de leur pratique et (ce qui n’est pas sans rapport) quel est leur rôle dans la société. Cependant, cette dernière se le demande tout autant. Parasite inspiré ? Fournisseur de supplément d’âme ? L’artiste a-t-il une spécificité qui puisse le rendre utile et utilisable ? »

Aurélie Catin plaide pour plus de sécurité sociale dans la culture : « Le monde de l’art et de la culture, violemment touché par la gestion de la crise sanitaire, se voit confronté aux limites d’un modèle où la rémunération est très liée à la dynamique des marchés. Étendre et renforcer le statut de l’intermittence pour aller vers le salaire à vie, conçu comme un droit politique, permettrait aux travailleurs des arts d’affranchir leurs activités du capital et des subsides étatiques. »

Pierre Rimbert nous met en présence de « La bourgeoisie intellectuelle, une élite héréditaire. La société, lit-on souvent, serait divisée entre les 1 % les plus riches et les 99 % restants. Mais ce résumé-choc évacue les inégalités liées aux diplômes. Et dissimule le rôle joué par la bourgeoisie intellectuelle, qui, même lorsqu’elle sert les 1 %, aime se représenter dans le camp des opprimés. Cette couche sociale issue de la « méritocratie » transmet ses privilèges à ses descendants, comme l’aristocratie d’autrefois. »

Agathe Mélinand nous met en présence « des usages de Bach. De 1750, date de la mort du cantor de Leipzig, à nos jours, l’héritage musical de Jean-Sébastien Bach, qui posa les bases de la tonalité, n’a jamais cessé de fructifier. Une victoire de la « musique absolue », tour à tour célébrée, interprétée, récupérée… »

Benoît Bréville s’adresse aux « pétitionnaires de tous les pays : PRIVES de voyages, de restaurants et de shopping, les vedettes s’ennuyaient pendant le confinement. Elles ont donc fait des concerts de salon, des entretiens par webcam, des photos #Stayhome sur Instagram et même des performances engagées sur YouTube, tels ces vingt-cinq artistes américains qui entonnèrent en chœur, depuis de luxueuses résidences, Imagine, de John Lennon : « Imagine la fin de la propriété, imagine tous les gens se partageant le monde. » Désireuses de donner leur avis sur l’actualité, d’autres célébrités se sont également découvert des talents de pétitionnaire. Deux cents artistes et scientifiques ont ainsi signé le manifeste « Non à un retour à la normale » lancé début mai par la comédienne Juliette Binoche et l’astrophysicien Aurélien Barrau, avec le soutien de Madonna, Robert De Niro et Emmanuelle Béart. « Le consumérisme nous a conduits à nier la vie en elle-même : celle des végétaux, celle des animaux et celle d’un grand nombre d’humains. (…) La transformation radicale qui s’impose — à tous les niveaux — exige audace et courage. Elle n’aura pas lieu sans un engagement massif et déterminé », affirme un texte sans concession. Qui rappellera ces constats à Isabelle Adjani, Monica Bellucci ou Guillaume Canet la prochaine fois qu’ils tourneront une publicité pour L’Oréal, Christian Dior ou Caprice des Dieux ? »

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Le Capital a horreur de l’absence de profit. Quand il flaire un bénéfice raisonnable, le Capital devient hardi. A 20%, il devient enthousiaste. A 50%, il est téméraire ; à 100%, il foule aux pieds toutes les lois humaines et à 300%, il ne recule devant aucun crime.

Karl Marx, Le Capital, chapitre 22

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