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Le Monde Diplomatique (août 2018)

Serge Halimi revient sur « la fable du 31 août 2013 » :

Il y a exactement cinq ans, une interprétation de l’histoire des relations internationales a triomphé dans toutes les capitales occidentales. Rabâchée avec méthode, elle est devenue une religion officielle. En substance, explique-t-elle, le président Barack Obama a commis une faute lourde de conséquences, le 31 août 2013, en renonçant à attaquer l’armée syrienne après que celle-ci se fut rendue coupable d’un bombardement chimique meurtrier dans un faubourg de Damas. Cette pusillanimité aurait garanti le maintien au pouvoir d’un régime ayant massacré une partie de sa population. Au demeurant, prétend l’ancien président François Hollande parmi beaucoup d’autres, « le régime syrien n’a pas été le seul à se croire tout permis. Vladimir Poutine a compris qu’il pouvait annexer la Crimée et déstabiliser l’est de l’Ukraine (1) ». Une telle reconstitution historique, enluminée de la référence obligée à Winston Churchill (qui comprit que les accords de Munich allaient ouvrir la voie à d’autres agressions nazies), légitime par avance les guerres préventives et la politique dite de « paix par la force ». En particulier face à la Russie.

Pour Guillaume Piton, la voiture électrique est une aubaine pour la Chine :
En finir avec le pétrole et les gaz à effet de serre : telles sont les promesses de la voiture électrique. Mais l’enthousiasme actuel occulte les nouvelles pollutions et les dépendances géopolitiques que cette révolution implique. Car, grâce à son monopole de certaines matières premières, la Chine pourrait devenir la capitale mondiale de l’automobile.

Jean-Baptiste Malet analyse « le système Pierre Rabhi :

La panne des grandes espérances politiques remet au goût du jour une vieille idée : pour changer le monde, il suffirait de se changer soi-même et de renouer avec la nature des liens détruits par la modernité. Portée par des personnalités charismatiques, comme le paysan ardéchois Pierre Rabhi, cette « insurrection des consciences » qui appelle chacun à « faire sa part » connaît un succès grandissant.

Harlie Hochschild se demande pourquoi Donald Trump séduit l’électorat populaire :
Dans un État américain très pauvre comme la Louisiane, souillée par les marées noires, une majorité de la population vote pour des candidats républicains hostiles aux allocations sociales et à la protection de l’environnement.

Le routier américain, une icône en voie de disparition car on pourra bientôt se passer de chauffeurs (Julien Brygo) :

En 2016, pour la première fois, un camion sans chauffeur a effectué une livraison commerciale aux États-Unis. Depuis, les essais se sont multipliés, ouvrant la voie à un monde où les marchandises se déplaceraient sans intervention humaine. Face à cette révolution technologique qui menace l’existence même de leur métier, les routiers américains oscillent entre panique, déni et incrédulité.

Evo Morales est aux prises avec… ses soutiens (Hervé Do Alto) :

Alors que les forces conservatrices sont à l’offensive en Amérique du Sud, un pays demeure ancré à gauche : la Bolivie de M. Evo Morales, où la contestation se concentre désormais au sein même du camp politique du chef de l’État, notamment chez les mineurs. L’histoire singulière du parti présidentiel, le Mouvement vers le socialisme, éclaire cette situation étonnante.

Pékin et Moscou sont complices mais pas alliés (Isabelle Facon) :

Destinée à normaliser les rapports américano-russes, la rencontre entre M. Donald Trump et M. Vladimir Poutine, le 16 juillet, a tourné à la confusion. De quoi pousser un peu plus la Russie dans les bras de la Chine, malgré le déséquilibre de puissance entre les deux pays. Moscou et Pékin ont renforcé leurs liens ; mais tous deux défendent leurs intérêts… qui ne coïncident pas toujours.

Emmanuel Haddad évoque, au Liban, le spectre des barils toxiques :

Les élections législatives libanaises du 6 mai dernier ont consacré la victoire du camp pro-Hezbollah. Présentées en marge des grandes formations communautaires, les listes pluralistes issues de la société civile n’ont pas obtenu les résultats que leurs multiples mobilisations en faveur de l’environnement laissaient entrevoir. Le problème de la collecte et du traitement des déchets demeure.

Alain Vicky décrit « la dernière monarchie absolue d’Afrique » :

Au printemps dernier, le Swaziland a fêté à la fois son demi-siècle d’indépendance et le cinquantième anniversaire de son roi, Mswati III. Le monarque règne sans partage sur ce petit pays d’Afrique australe, quatrième producteur de canne à sucre du continent ; son clan capte l’essentiel des richesses. Confrontée à l’arbitraire, la population perd patience.

Gérard Noiriel s’est lancé dans une Histoire populaire de la France :

En 1980, l’universitaire Howard Zinn publiait une « Histoire populaire des États-Unis » afin de redonner la parole à ceux qui en avaient été privés — les femmes, les Amérindiens, les esclaves… Trois décennies plus tard, Gérard Noiriel s’est lancé dans un projet comparable au sujet de la France. De la guerre de Cent Ans à nos jours, son ouvrage décortique les relations de pouvoir au sein de la société.

Jean-Arnault Dérens revient au temps de la Yougoslavie anticoloniale :

L’éclatement de la Yougoslavie a fait oublier que ce pays avait joué un rôle majeur dans les relations internationales. Au moment des grandes luttes de libération nationale, il leur apporta son appui, en particulier en Afrique. À la même époque, l’Union soviétique se montrait plus prudente, soucieuse de ménager ses rapports avec les États-Unis et avec les anciennes puissances coloniales.

Quand l’Europe créa Compostelle (Lola Parra Craviatto) :

Sur la route de la Galice, les chemins de Saint-Jacques attirent chaque année des centaines de milliers de marcheurs. Promoteur de ce succès, le conseil de l’Europe a exaucé un rêve que les papes Léon XIII et Jean Paul II partageaient avec Francisco Franco : entretenir par ce biais les racines chrétiennes du vieux continent. Quitte à prendre quelques libertés avec l’histoire et la géographie.

Laura Raim analyse le regain d’intérêt de la bourgeoisie pour le corps : « Jus détox et cardio-training, le nouvel esprit de la bourgeoisie » :

Compétition ou solidarité, culte du résultat ou de l’effort, règne de l’individualisme ou apprentissage de l’esprit d’équipe ? Les forces politiques se disputent depuis longtemps les valeurs qu’elles associent à l’exercice physique. L’essor des clubs de sport haut de gamme suggère toutefois un regain d’engouement de la bourgeoisie pour le corps. Les performances et la bonne santé justifieraient désormais le statut social.

Charles Perragin et Guillaume Renouard dénoncent le « le mythe du transhumanisme » :

De l’an mille à la bombe atomique, la peur d’une fin du monde scande l’histoire de l’humanité. Depuis le début du XXIe siècle, le spectre d’une technologie hors de contrôle, dépassant puis terrassant notre espèce, hante les commentateurs. L’intelligence artificielle et les prothèses numériques promettraient à « Homo sapiens » le sort de Frankenstein. Mais qui propage ce grand récit, et à qui profite-t-il ?

Pour Alain Deneault, Total est un gouvernement bis :

Dedans et dehors. Dedans quand il s’agit, avec l’appui du gouvernement français, de décrocher des contrats, de protéger ses investissements, d’orienter les politiques publiques. Dehors quand, dégagée de toute tutelle gouvernementale, la multinationale peut mieux défendre les intérêts de ses actionnaires, majoritairement étrangers. Mais pourquoi la France reste-t-elle alors si obstinément fidèle à Total ?

Agathe Mélinand nous parle d’Offenbach :

Septième d’une famille de dix enfants, musicien précoce chassé d’Allemagne par les persécutions antisémites, Jacques Offenbach finira par régner sur le Paris festif et agité du milieu du XIXe siècle. Et par inventer un genre typiquement français : l’opéra-bouffe.

La beauté est toujours en instance, selon Annie Lebrun :

Contrairement à la rumeur, la guerre de Troie, dont l’origine tient à un choix esthétique. n’en finit pas d’avoir lieu. Car la beauté, dont l’idée même serait de plus en plus contestable aussi bien intellectuellement que politiquement, demeure au centre de tous les enjeux. Mais qu’est-ce que la beauté ? Comment l’appréhender ?

Sigmund Freud admet ne pas être d’un grand secours quand, en 1929, il affirme au début de Malaise dans la civilisation : « Malheureusement, la psychanalyse a (…) moins que rien à dire sur la beauté », tout en précisant : « Un seul point semble assuré : c’est que la beauté dérive du domaine de la sensibilité sexuelle ; ce serait un modèle exemplaire d’une motion inhibée quant au but. » Ce que ne vient pas contredire le point de vue de Salvador Dalí quatre ans plus tard : « La beauté n’est que la somme de conscience de nos perversions. » Ainsi, pour Freud et pour Dalí, si la beauté a trait à nos pulsions, elle est avant tout indissociable de l’irréductible singularité de chacun, par son pouvoir d’en révéler soudain certaines parts d’ombre.

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