Cher Bernard Gensane, je reviens d’un exil médical de plusieurs jours, et je trouve entre autres sur LGS la « brève » que tu as très opportunément reproduite du blog « tout-ça-n’empêche-pas-Nicolas... »
C’est essentiel de réfléchir sur cette « privatisation en bonne voie » de notre gouvernement, et du système institutionnel en général.
Les exemples donnés sont percutants. Et je pense aux postes occupés respectivement par Fabius père et fils, l’un à la tête du Conseil consrtitutionnel, l’autre chez MacKinsey...
Cela montre à quel point on aurait tort, face à ces intrusions du privé, de sous-estimer la portée et l’efficacité des batailles parlementaires, comme le font trop souvent les beaux esprits, dédaigneux du travail de nos élus : soutien aux revendications et suite à donner aux luttes, recherche d’informations, dossiers, préparation d’interventions ciblées et argumentées, interventions aussi devant la Presse et en direction du grand public, avec l’effort incessant pour percer le mur de silence et de mensonges qu’Elle oppose à tous ceux qui risqueraient de réveiller et de mobiliser durablement les consciences.
Évidemment, en fait d’élus, il y a une crise de la Représentation. Cela s’explique par la Constitution elle-même (1958 !), et par les innombrables traficotages dont elle a été l’objet au cours des mandatures, de la part des gardes du corps, valets de chambre, cuistots, marmitons et autre domesticité du capital.
Mais cela ne veut pas dire qu’on pourrait se passer complètement de système "représentatif", ni qu’il faille prêcher le mépris des élections (ou du tirage au sort éventuellement), comme c’est devenu la posture facile de beaucoup. La preuve : l’Assemblée Nationale fait encore tellement peur aux puissants, que Macron voulait réduire drastiquement le nombre des députés !
Les Insoumis, dont le nom ne ment pas (même si on n’en est pas encore à Retournez les fusils...), qui sont présentement la principale force populaire capable de labourer dans le bon sens le terrain politique figé des vieux partis, - et quels que soient leurs défauts ou errements divers, - savent mener ces batailles et sont pleins d’inventivité. Je pense à Adrien Quatennens, François Ruffin, Mathilde Panot, Caroline Fiat, et tant d’autres responsables nationaux ou locaux.
Ils sont prêts à conquérir une majorité, avec d’autres, sur un programme prévu pour combattre de front la politique de Macron. Et pour aller toujours plus loin au fur et à mesure que les luttes se développeront.
Ils sont soutenus, non pas par des cabinets-conseil, mais par un parlement de campagne composés de syndicalistes, responsables associatifs, juristes, artistes, métiers de la culture et personnalités diverses.
J’invite donc les doctrinaires enfermés dans leurs miradors et bardés de barbelés idéologiques à en sortir pour considérer sans préjugés le paysage de l’actualité.
Et surtout, sans procéder à cette manie infantile propre à la sénilité politique, qui consiste à étiqueter, étiqueter, encore étiqueter et toujours étiqueter, avec plus ou moins d’originalité. Soc-déms, troskystes, eurolâtres, vert-moulus, vieux lambertiste (« vieux lambertiste » : ya pas plus con comme injure).
J’invite ces étiqueteurs rigidifiés à consulter Je - Sur l’individualité, ouvrage collectif, Messidor 1987. Ils trouveront (entre autres) p. 209-247 la contribution de Lucien Sève intitulée « La personnalité en gestation ». Avec les rubriques suivantes, indispensables à toute réflexion marxiste sur l’activité politique : « L’individu humain, une variable historique.- Le point aveugle de la psychologie.- La personnalité comme objet théorique et pratique inédit. - Formes historiques d’individualité.- Déterminations sociales et fait naturel de l’individualité.- La question de la subjectivité. - Emploi du temps et biographie. - Une révolution biographique.- Crise de la vie militante ? - Pour une science du singulier. - L’avenir d’une gestation. »
Sur ce sujet, je peux renvoyer aussi les amateurs à un article très nourrissant de la revue Contretemps (Revue de critique communiste), intitulé : « Enquêter pour retrouver l’espoir » ; c’est l’épilogue de l’ouvrage de Haud Guéguen et Laurent Jeanpierre, La perspective du possible. Comment penser ce qui peut nous arriver, et ce que nous pouvons faire, coll. « L’horizon des possibles », éd. La Découverte, 2022.
Ne pas oublier que le possible est une catégorie de la pratique (et non seulement de la logique dogmatique) : le possible est inséparable du rendre possible.
Geb et beaucoup d’autres trouvent les Insoumis débiles. Il se plaint d’ailleurs du naufrage de la vieillesse. Mais c’est moi la plus vieille ici : j’avais 30 ans en 68. Qui dit mieux ?
Alain écrivait déjà - ce que ne renieraient ni Marx, ni Lénine, ni Jaurès : « savoir utiliser la force du vent contre le vent ».
Alors dernière référence savante : un des Petits Livres d’Or (à Gilet jaune ?) que je lisais jadis à mes enfants :
« Je suis Hublot, chien matelot,
Je suis Hublot, chien matelot,
Vent ou tempête, rien ne m’arrête,
Voile au vent, en avant ! »