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Le franc suisse est fort. Vraiment ?

Le franc suisse est fort. Le franc suisse est fort. Le franc suisse est fort. Voilà une litanie douteuse qui devient vraie à force de la répéter. Finalement tout le monde y croit !

Si le franc suisse a longtemps été considéré comme la monnaie refuge par excellence, c’était grâce à la protection exceptionnelle d’une couverture-or partielle. Cela n’est plus le cas depuis l’entrée en vigueur en 2003 de la nouvelle loi sur la BNS. Une bonne partie de l’or a été vendue. Par ailleurs, la multiplication du bilan de sa banque centrale aidant, la valeur du franc suisse a été fortement diluée. Finalement, il n’est plus si différent des autres devises.

La question lancinante est donc de savoir si le franc suisse est vraiment fort ou s’il s’agit d’une simple propagande permettant de pratiquer tranquillement un assouplissement quantitatif fort discutable....

Un franc suisse aux perspectives anglo-saxonnes négatives

Deux informations nous mettent sur la voie d’un franc pas si fort que ce que veulent bien nous présenter les autorités monétaires et fédérales suisses. Ce sont des éléments collectés dans la presse anglo-saxonne. Le premier nous arrive du Wall Street Journal. Nous y apprenons que M G Soros – référence active incontournable des marchés financiers contemporains – avait misé en 2014 sur la baisse du franc suisse. On pourrait être tenté de se fier à ses connaissances et ses compétences pour évaluer les tendances à venir.

Le deuxième évènement nous est fourni par le site financier zerohedge qui a offert une tribune au Dr Keith Weiner. Ce monsieur, docteur en Economie, président du Gold Standard Institute USA, et CEO de Monetary Metals, annonce carrément l’effondrement à venir du franc suisse. Il base son analyse sur l’évolution des taux d’intérêt avec un risque de cashflow négatif ! Raisonnement plus que défendable…

Le franc suisse n’est pas la seule valeur refuge

Des analystes de politique monétaire de la BNS se sont penchés sur la question. Ils ont démontré que le franc suisse n’était pas la seule valeur refuge. MM Christian Grisse et Thomas Nitschka ont abouti à ce constat :

« Dans la période étudiée, le franc s’est valorisé – en même temps que la VIX (indice qui mesure la volatilité du marché financier étasunien) augmentait – par rapport à des monnaies telles que le dollar australien, le rand sud-africain, mais aussi l’euro. Il s’est, par contre déprécié par rapport au yen et au dollar US lorsque l’incertitude et l’aversion au risque– mesurées au VIX – ont progressé. »

Les deux auteurs concluent leur publication ainsi :

« D’autres monnaies sont aussi des valeurs refuges. En résumé, notre analyse montre que le franc a le caractère d’une valeur refuge par rapport à de nombreuses devises : il s’apprécie lorsque l’aversion au risque et l’incertitude grandissent. Nous constatons,toutefois, que ce caractère est encore plus prononcé pour le cours des grandes zones monétaires, comme celui du yen ou du dollar US. »

La réforme du franc suisse

La Suisse a changé ses normes en 2003. La loi qui régit sa banque nationale a été totalement libéralisée. Les éléments majeurs que nous en retiendrons concernent l’abolition de la détention obligatoire d’une partie de ses actifs en or et la liberté totale donnée à l’établissement dans l’expansion de son bilan et la gestion de ses devises.
Par conséquent le franc suisse d’après 2003 n’a plus rien à voir avec celui d’avant. Or, cette réserve d’or avait une double vertu :

• Elle donnait une consistance à la monnaie et lui donnait une valeur liée à un bien tangible.
• Elle empêchait précisément ce qui se passe depuis 2003, à savoir l’assouplissement quantitatif qui fait gonfler par la volonté d’une petite élite la valeur du bilan hors de toute réalité économique.

La dilution de la valeur du franc

Dès 2003, la BNS a commencé à imiter ses collègues dans la production de monnaie centrale. Cette pratique a la fâcheuse conséquence de gonfler le bilan, de dissoudre les fonds propres et de faire perdre en pouvoir d’achat.

Cette pratique s’est amplifiée au lendemain de la crise américaine des subprimes et a atteint des sommets grâce à la fixation du taux plancher avec l’euro.

En parallèle à cet expansionnisme, les taux d’intérêts qui accompagnent cette politique monétaire sont devenus négatifs. En clair, la pratique de la BNS équivaut à une condamnation à mort des capitaux de retraite et d’épargne.
Le franc suisse soumis à l’économie de marché

Le franc suisse évolue officiellement – tout comme son environnement – dans une économie de marché. Ce serait un marché libre et anonyme qui définirait la valeur du franc grâce à la loi de l’offre et de la demande.

Mais voilà, plusieurs exemples de manipulations collectives de devises menées par de grands groupes bancaires sont là pour nous montrer à quel point ce marché a toutes les caractéristiques d’un monde cartellisé. Il n’est donc ni libre ni anonyme. Il suffirait que ce marché ait des attentes vis-à-vis de la Suisse pour qu’il mette en place des moyens de pression pour titiller le franc.

Dès lors, la valeur du franc est celle que veut bien lui donner le marché financier.

La fuite de capitaux

Une monnaie forte, reflet d’une économie saine, fait affluer les capitaux et les investisseurs. Si cela a été longtemps le cas pour le franc suisse, cela semble avoir changé... Voici des chiffres édifiants passés sous silence par les autorités.

Les investissements directs étrangers en Suisse ou afflux de capitaux étrangers en Suisse dans un but d’investissement ont effectué un plongeon magistral.

La BNS les affiche à 0.6 milliard de francs suisses en 2013 (statistique la plus récente), soit un plongeon de 95.9% par rapport à 2012 (cf tableau ci-dessous).
La CNUCED (Conférence des Nations Unis pour le commerce et le développement) est plus sévère et affiche un afflux négatif de plus de 5 milliards de dollars. Cela revient à dire que les investisseurs étrangers se sont désinvestis à hauteur de 5 milliards de dollars. On peut admettre des différences selon le taux change adopté mais tout de même...

En revanche, les investissements des suisses vers l’étranger se portent toujours bien. La BNS estime que 31.5 milliards de francs ont quitté la Suisse dans un but d’investissement à l’étranger. Selon la CNUCED, ce sont 60 milliards qui auraient été investis à l’étranger ! Ce chiffre de 60 milliards est confirmé par le communiqué de l’ATS :

L ‘an dernier en Europe, la hausse des entrées de l’IED est restée faible (+3%), à 251 milliards. Si les entrées d’IED ont enregistré une forte augmentation en Allemagne, elles ont nettement diminué en France et au Royaume-Uni.

Les investissements des pays européens à l’étranger ont, eux, progressé de 10% pour atteindre 328 milliards. En raison de la faiblesse des investissements de plusieurs autres pays, la Suisse a été en 2013 le premier investisseur direct de l’Europe à l’étranger.

Selon le rapport de la CNUCED, la Suisse a été l’an dernier le 6e pays d’origine de l’IED à l’échelle mondiale, avec 60 milliards de sorties, après les Etats-Unis (338 milliards), le Japon (136 milliards), la Chine (101 milliards), la Russie (95 milliards), Hong Kong (92 milliards), devant l’Allemagne (58 milliards).

Par conséquent, si nous cumulions le désengagement des investisseurs étrangers et la poursuite des investissements suisses à l’étranger, on constate que des sommes colossales quittent le territoire helvétique. Plus grave les investisseurs délaissent la Suisse et ses compétences.... Quid de l’avenir des emplois ?

La surévaluation du franc est un argument obsolète

L’ensemble des observations faites ci-dessus ne plaident pas en faveur d’un franc suisse fort ou surévalué. D’ailleurs, le professeur émérite d’économie de l’Université de Lausanne Jean-Christian Lambelet l’écrit dans une excellente analyse : « Alors, si je peux me permettre de donner en toute humilité un conseil à la BNS, peut-être vaudrait-il mieux mettre dorénavant une sourdine à ce sujet. Cela lui évitera la contradiction apparente de décider de libérer le franc (désarrimage du 15 janvier par rapport à l’euro NdA), et donc de le laisser s’apprécier, tout en affirmant en même temps qu’il est toujours surévalué. »

Alors comment expliquer la politique monétaire suisse ?

Une hypothèse pourrait expliquer le comportement de la BNS. Les autorités monétaires soutiennent avec l’aval de la cheffe du département des finances l’expansion des firmes transnationales suisses mais aussi européennes dans leur conquête du marché unique mondial.

Pour ce faire, de l’argent est mis à disposition en quantités gigantesques à taux négatifs – certaines entreprises sont payées pour emprunter ! – à travers des comptes de virements des banques en Suisse. Il bénéficie en priorité et presque exclusivement aux établissements financiers transnationaux dits too big to fail.

Ce compte est une véritable caisse noire tant son contenu est opaque. Ce sont de vraies dettes engageant le peuple et les contribuables. Aucune analyse ne l’accompagne dans aucun rapport...

Les autorités fédérales auraient tourné le dos à l’intérêt public au profit des lobbies des firmes transnationales. Rappelons que la BNS s’est installée à Singapour, plaque tournante financière de ce nouveau monde.

Bref, la création monétaire est destinée aux circuits financiers tournés vers l’étranger et non suisses. Cela expliquerait que la création monétaire non seulement n’engendre aucune inflation mais crée à la longue de la déflation (assèchement de liquidités disponibles au niveau local).

Jusqu’où pourrait aller cette politique ?

Le marché financier admet ce montage voire le provoque aussi longtemps que la création monétaire ex nihilo disponible sur le compte à virements des banques est inférieure ou égale aux capitaux de l’épargne et des retraites (fruit de l’économie bien réelle). Ce sont autant de garanties à portée de main...

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Eric Hazan. Changement de propriétaire. La guerre civile continue. Le Seuil, 2007
Bernard GENSANE
Très incisif et très complet livre du directeur des éditions La Fabrique (qui publie Rancière, Depardon, Benjamin etc.), ce texte n’est pas près de perdre de son actualité. Tout y est sur les conséquences extrêmement néfastes de l’élection de Sarkozy. Je me contenterai d’en citer le sombrement lucide incipit, et l’excipit qui force l’espoir. « Dimanche 6 mai 2007. Au bureau de vote, la cabine dont on tire les rideaux derrière soi pour mettre son bulletin dans l’enveloppe s’appelle un (…)
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