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Le dogme atlantiste qui pèse sur l’Europe.









Liberazione, vendredi 16 février 2007.


La prétention des Etats-Unis de prendre la ville de Vincenza dans la morsure d’une double base militaire soulève en des termes dramatiques un sujet de stratégie politique globale trop longtemps négligé. Ce n’est pas seulement la question de la « souveraineté limitée » de l’Etat italien et de la violation de sa Constitution qui sont en cause : Ederle, comme Aviano, a déjà été utilisée, et le sera de plus en plus, pour soutenir les guerres d’agression des armées étasuniennes.

Il y a un sujet plus général sur lequel il faut réfléchir : c’est le rapport entre l’unification de l’Europe et sa dépendance politique et militaire persistante à l’égard des Etats-Unis. L’empire soviétique depuis longtemps tombé et le pacte de Varsovie dissous, l’Europe continue à se blottir sous le parapluie nucléaire et satellitaire des Etats-Unis, comme si rien n’avait changé. Dogmatiquement fidèle à l’Alliance Atlantique, autrefois barrière défensive à l’égard de la menace nucléaire soviétique, l’Europe s’en tient disciplinairement aujourd’hui à la stratégie impériale du new world order et de la global security, lancée par les Etats-Unis au début des années 90, le siècle dernier.

L’Europe unie a aujourd’hui une population qui est plus du double de celle des Etats-Unis et quatre fois celle du Japon. Elle est la première puissance commerciale au monde et son Produit intérieur brut est égal à un quart du P.I.B mondial. Mais sur le plan politique et militaire, l’Europe est simplement la frontière qui sépare l’hémisphère occidental de l’orient asiatique et du monde islamique. L’Europe est un nain politique et militaire, incapable d’exercer un rôle autonome dans un contexte international de plus en plus instable et turbulent : un monde où des grandes puissances régionales comme la Chine, l’Inde et la Russie sont en train d’élaborer de façon conjointe un projet de désaliénation de leur position subalterne vis-à -vis de l’empire atlantique.

Nous avons deux indicateurs empiriques de l’absence d’autonomie de l’Europe : la transformation fonctionnelle de l’Otan et la pression croissante que les Etats-Unis ont exercé ces dernières années, et continuent d’exercer, à l’égard de l’aire européenne et méditerranéenne. L’Alliance atlantique, d’appareil défensif, s’est transformée en instrument militaire offensif. Le nouvel atlantisme se fonde sur des engagements stratégiques « mondiaux » : il est l’expression d’une stratégie de projection, d’expansion, dynamique et flexible, en mesure de permettre des interventions militaires bien au-delà des frontières de la sphère européenne.

Le new strategic concept de l’Otan définit en des termes nouveaux la notion même de « sécurité », et cette mutation conceptuelle a opéré une accélération rapide immédiatement après l’attentat contre les Tours Jumelles, le 11 septembre 2001. La sécurité coïncide avec la « guerre au terrorisme », qui s’exprime surtout en comportements hostiles contre une série de pays musulmans définis parles Etats-Unis comme « états canailles ». Mais l’Otan n’entend pas se limiter à la seule dimension militaire : elle se développe en englobant la politique et l’économie de façon, aussi, à mieux contrôler ainsi les pays arabes de la Méditerranée et du Moyen-Orient.

L’atlantisme contemporain est fils de cette logique impériale : l’Otan est utilisée par les Etats-Unis essentiellement pour trois finalités stratégiques : avant tout encercler la Russie, en enrôlant dans ses rangs un nombre croissant de pays de l’Est européen à raccrocher au rempart atlantique turc. En particulier, la guerre de l’Otan de mars 99 contre la République Fédérale Yougoslave avait pour objectif la déstabilisation de la zone euro méditerranéenne et moyen-orientale sous l’hégémonie des Etats-Unis. Ceux ci ont réussi à venir à bout de l’obstacle, représenté par la Serbie et son président Slobodan Milosevic, qui s’opposaient au projet de séparation de l’Europe du centre ouest du monde slave orthodoxe, à travers le contrôle par l’Otan de toute la zone qui va de la Baltique à l’Adriatique, à la Méditerranée centrale et orientale.

En second lieu, l’Otan a été utilisée pour décourager les timides tentatives européennes de se doter d’une structure militaire autonome. Les éventuels appareils militaires européens - ont décrété les Etats-Unis après la guerre du Kosovo - seront « séparables » de l’Otan, mais ne pourront jamais en être « séparés » de façon stable. Enfin, l’Otan a permis aux Etats-Unis de garder sous son propre contrôle politique et militaire toute la zone méditerranéenne en excluant l’Europe de ce processus de contrôle. Que l’on pense aux bases militaires étasuniennes opérationnelles dans des pays méditerranéens comme le Maroc, l’Albanie, la Grèce et la Turquie. Et l’on pensera aussi à l’expansion de la présence militaire des Etats-Unis en Italie - il y a au moins 130 installations militaires étasuniennes sur notre territoire -, avec ou sans couverture Otan, l’Italie étant le pays méditerranéen par excellence à utiliser comme rampe de lancement pour les forces de « déploiement rapide ».

Et l’on n’oubliera pas que la conséquence la plus concrète de la « guerre humanitaire » contre la Serbie a été, au-delà des massacres et dévastations, la construction au Kosovo, aux environs de Urosevac, de Camp Bondsteel, soit l’une des plus grandes bases militaires que les Etats-Unis aient construit après la guerre du Vietnam. Elle peut accueillir cinq mille soldats et a été réalisée en un temps record sur un haut plateau artificiel, obtenu en rasant trois collines entières, autrefois cultivées en champs de blé.

Danilo Zolo, est professeur de droit international à Florence, il a été professeur associé d’université anglaises et étasuniennes, et auteur de nombreux ouvrages de droit international ; il est le coordinateur du site Jura Gentium


 Source : Liberazione www.liberazione.it

 Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio



Agrandissement de la base militaire US à Vicenza, riposte. Manlio Dinucci, Marco Revelli.

OTAN - Le grand jeu des bases militaires en terre européenne, par Manlio Dinucci.






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