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Le CPT presse les autorités espagnoles à enquêter sur de “mauvais traitements”

C’est un nouveau coup dur porté aux méthodes, souvent contestées, des forces de sécurité espagnoles. Dans un rapport publié mardi 30 avril, le comité européen pour la prévention de la torture (CPT), organe de référence rattaché au Conseil de l’Europe, a sollicité les autorités espagnoles pour qu’elles mènent des “investigations rigoureuses et indépendantes” sur le traitement subi par certains détenus. Cette semonce officielle fait suite à une visite d’une délégation du CPT opérée du 30 mai 2011 au 13 juin 2011 dans plusieurs centres de détention espagnols.

Les représentants du CPT se sont notamment entretenus avec onze des seize personnes interpellées au cours de deux opérations policières menées par la garde civile les 18 janvier et 1er mars 2011.

Ces onze personnes ont toute été soumises au régime de mise au secret (incommunicado) qui, pendant cinq jours, limite considérablement les droits du détenu : pas de communication avec l’extérieur, pas de possibilité de s’entretenir avec un avocat ou un médecin de confiance, le motif de l’interpellation peut être caché, tout comme le lieu de détention.

“La délégation a reçu des allégations crédibles et concrètes de mauvais traitements de la part de 10 des onze personnes avec lesquelles elle s’est entretenue” précise le CPT. Et les faits sont sans appel : coups à répétition pendant le transfert du lieu de détention jusqu’au centre de détention à Madrid, pratique de la technique de “la bolsa” (asphyxie en disposant un sac plastique sur la tête du détenu) pendant les interrogatoires, obligations de réaliser des efforts physiques prolongés et menaces d’agressions sexuelles ou même abus sexuel dans un cas. Parmi les dénonciations figure entre autres l’édifiant témoignage de Beatriz Etxebarria, interpellée le 1er mars à Bilbo dans le cadre d’une opération contre l’organisation ETA (cf. extraits en encadré [1])

Trois condamnations par la CEDH

En réponse au rapport, les autorités espagnoles ont détaillé les garanties juridiques en vigueur concernant la détention au secret. Mais, le CPT précise sur son site internet qu’il “recommande encore une fois que des mesures soient prises pour veiller à ce que les garanties contre ce type de détention soient effectives dans la pratique”.

Madrid ne s’est pas engagé à mener une enquête sur les méthodes de la garde civile.

Le 15 octobre 2012, pourtant, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné pour la troisième fois l’Etat espagnol pour ne pas avoir enquêté sur les allégations de torture.

Antton ROUGET

Traduction réalisée par Ekaitza

»» http://www.lejpb.com/paperezkoa/20130502/400767/fr/Le-CPT-presse-les-a...

[1Extraits du témoignage de Beatriz Etxebarria - Mars 2011

- Arrestation et perquisition

Aux alentours de 4 heures du matin, le 1er mars 2011, la porte de chez moi est enfoncée. On m’empoigne par les cheveux et je suis soulevée du sol et emmenée au salon. Je suis en soutien-gorge et je n’ai pas le droit de m’habiller pendant la durée de la perquisition.

Une fois dans le salon, ils m’immobilisent violemment et essaient de me passer les menottes sur le canapé. Ils se mettent en colère parce qu’elles sont trop petites. Pendant que je suis assise sur le canapé, ils me disent : “tu vas voir, les 5 jours que tu vas passer”. (...)

- Transfert

On me fait monter dans un Patrol [camionnette de la Garde civile, ndlr]. (...) Un garde civil qui se faisait appeler “le commissaire”, vient me chercher et nous changeons de voiture. Celle de maintenant n’est pas un Patrol, c’est un véhicule normal d’après l’espace et la hauteur quand j’y entre. Aussitôt dans l’autre voiture, “le commissaire” commence à me crier à l’oreille et à me menacer : “Je suis militaire et je suis entraîné à tuer.” Il me dit que j’ai deux options : parler dès le début, ou pas. (...)

Au cours du voyage à Madrid, ils me donnent des coups sur la nuque et sur la tête, et me font des menaces constantes. Ils me disent que la voiture va s’arrêter et que :“je vais te mettre à poil(...) je te jette dans la neige et je vais t’ouvrir en deux”. “Le commissaire” enlève sa veste et commence à se frotter contre mon corps. L’autre policier qui était à côté de lui “calme” le commissaire mais en même temps me menace. Ils me mettent un sac en plastique deux fois sur la tête sur la route de Madrid. (...)

- Commissariat

Au commissariat, il y avait différentes pièces : dans l’une d’elles, j’entendais les cris du reste des détenus, et il y en avait une autre située en bas qui me donnait la sensation d’être isolée et là-bas, le traitement était encore plus dur. J’appellerai la première la “pièce dure” et la seconde la “très dure”. (...)

On m’emmène à la “pièce dure”. On me fait asseoir sur une chaise et on me mouille les mains, tandis que j’entends des bruits de quelque chose qui rappelle des électrodes. (...) On me dit que je dois parler et on commence à me déshabiller jusqu’à me mettre totalement nue. Quand je suis nue, on me jette de l’eau froide. Ils me replacent le sac en plastique jusqu’à 3 fois de suite. Ils me menacent de me faire [le supplice de] la baignoire. Alors que je suis nue, ils me placent à quatre pattes sur une espèce de tabouret. Ils me passent de la vaseline sur l’anus et le vagin et ils m’y font un peu entrer un objet. Alors que je suis toujours nue, ils m’enveloppent dans une couverture et me donnent des coups. Ils m’attrapent, me secouent et me relèvent du sol. (...) Un moment après, arrive le commissaire, il me sort de la cellule et me conduit à la salle “très dure”. Là, le commissaire me déshabille de nouveau. Il me tire les cheveux, me donne des coups à la tête et me crie à l’oreille qu’il est militaire et qu’il est entraîné à tuer et que : “je vais te crever tout entière par-dedans pour que tu ne puisses pas avoir de petits etarras”. (...)

Durant toute la période de mise au secret, sauf quand j’allais voir le médecin légiste, j’ai eu les yeux couverts par différents masques. Il y en avait un en latex avec une espèce de poudre, à propos de laquelle ils me disaient que si j’ouvrais les yeux, il allait me laisser aveugle. (...) Devant le juge, je n’ai pas confirmé la déclaration que j’avais faite devant la police et j’ai dénoncé les tortures que j’avais subies.


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