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Le bien, le mal, l’éternité et l’histoire humaine.

Que l'on mesure la présomption de ceux qui, du sein de la vieille société de classes, prétendent, au cours de bouleversements sociaux inouïs, imposer à la société sans classes de l'avenir une morale éternelle, indépendante du temps et des transformations du réel ! A supposer même, - ce que nous ignorons jusqu'à présent, - qu'ils comprennent tout au moins dans ses lignes fondamentales la structure de cette société future. [M.D. d'après F.E.)

... Le bien et le mal. Cette opposition se meut exclusivement sur le terrain moral, donc dans un domaine qui appartient à l’histoire des hommes, et c’est ici que les vérités définitives en dernière analyse sont le plus clairsemées.

De peuple à peuple, de période à période, les idées de bien et de mal ont tant changé que souvent elles se sont carrément contredites.

- Mais, objectera-t-on, le bien n’est pourtant pas le mal, le mal pas le bien ; si le bien et le mal sont mis dans le même sac, c’est la fin de toute moralité et chacun peut agir à sa guise.

 Mais la chose ne se règle tout de même pas si simplement. Si c’était aussi simple, on ne disputerait pas du bien et du mal, chacun saurait ce qui est bien et ce qui est mal. Mais qu’en est-il à présent ?

Quelle morale nous prêche-t-on aujourd’hui [1878] ?

C’est d’abord la morale féodale chrétienne, héritage de la foi des siècles passés, qui se divise essentiellement à son tour en une morale catholique et une morale protestante, ce qui n’empêche pas derechef des subdivisions allant de la morale catholique-jésuite et de la morale protestante orthodoxe jusqu’à la morale latitudinaire.

A côté de cela figure la morale bourgeoise moderne, puis derechef à côté de celle-ci la morale de l’avenir, celle du prolétariat, de sorte que rien que dans les pays les plus avancés d’Europe, le passé, le présent et l’avenir fournissent trois grands groupes de théories morales qui sont valables simultanément et à côté l’une de l’autre.

Quelle est donc la vraie ? Aucune, au sens d’un absolu définitif ; mais la morale qui possède le plus d’éléments prometteurs de durée est sûrement celle qui, dans le présent, représente le bouleversement du présent, l’avenir, c’est donc la morale prolétarienne.

Dès lors que nous voyons les trois classes de la société moderne [en 1878, mutatis mutandis], l’aristocratie féodale, la bourgeoisie et le prolétariat, avoir chacune sa morale particulière, nous ne pouvons qu’en tirer la conclusion que, consciemment ou inconsciemment, les hommes puisent en dernière analyse leurs conceptions morales dans les rapports pratiques sur lesquels se fonde leur situation de classe, - dans les rapports économiques dans lesquels ils produisent et échangent.

Cependant, dans les trois théories morales citées ci-dessus, il y a maintes choses communes à toutes les trois : ne serait-ce pas là un fragment de la morale fixée une fois pour toutes ?

Ces théories morales représentent trois stades différents de la même évolution historique, elles ont donc un arrière-plan historique commun et par suite, nécessairement, beaucoup d’éléments communs.

Plus encore. A des stades de développement économique semblables, ou à peu près semblables, les théories morales doivent nécessairement concorder plus ou moins. Dès l’instant où la propriété privée des objets mobiliers s’était développée, il fallait bien que toutes les sociétés où cette propriété privée prévalait eussent en commun le commandement moral : tu ne voleras point.

Est-ce que par là ce commandement devient un commandement moral éternel ? Nullement.

Dans une société où les motifs de vol sont éliminés, où par conséquent, à la longue, les vols ne peuvent être commis que par des aliénés, comme on rirait du prédicateur de morale qui voudrait proclamer solennellement la vérité éternelle : Tu ne voleras point !

C’est pourquoi nous repoussons toute prétention de nous imposer quelque dogmatisme moral que ce soit comme loi éthique éternelle, définitive, désormais immuable, sous le prétexte que le monde moral a lui aussi ses principes permanents qui sont au-dessus de l’histoire et des différences nationales.

Nous affirmons, au contraire, que toute théorie morale du passé est, en dernière analyse, le produit de la situation économique de la société de son temps.

Et de même que la société a évolué jusqu’ici dans des oppositions de classes, la morale a été constamment une morale de classe ; ou bien elle justifiait la domination et les intérêts de la classe dominante, ou bien elle représentait, dès que la classe opprimée devenait assez puissante, la révolte contre cette domination et les intérêts d’avenir des opprimés.

Qu’avec cela, il se soit en gros effectué un progrès, pour la morale comme pour toutes les autres branches de la connaissance humaine, on n’en doute pas. Mais nous n’avons pas encore dépassé la morale de classe. Une morale réellement humaine, placée au-dessus des oppositions de classe et de leur souvenir, ne devient possible qu’à un niveau de la société où on a non seulement vaincu, mais oublié pour la pratique de la vie, l’opposition des classes.

Que l’on mesure maintenant la présomption de M. Dühring qui, du sein de la vieille société de classes, prétend, à la veille d’une révolution sociale [1878], imposer à la société sans classes de l’avenir une morale éternelle, indépendante du temps et des transformations du réel ! A supposer même, - ce que nous ignorons jusqu’à présent, - qu’il comprenne tout au moins dans ses lignes fondamentales la structure de cette société future.

Friedrich Engels

Image : « Tout ceci est nécessaire car le mal triomphera si les hommes bons restent cois ».


Une question, pour conclure :
 La morale d’un socialiste cubain aujourd’hui est-elle la même que celle d’un impérialiste voisin ?
 Non, bien sûr, ils vivent dans des conditions trop différentes.Mais ceux qui ont fait la révolution avaient une morale.
 Certes, mais d’où tenaient-ils cette morale, sinon des longs efforts révolutionnaires en Amérique latine et de la formidable révolution prolétarienne à l’échelle mondiale ?

Mauris Dwaabala

 http://www.marxists.org/francais/engels/works/1878/06/fe18780611k.htm
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COMMENTAIRES  

24/08/2015 21:42 par patrice

Bonsoir Mauris,
C’est pour celà qu’il faut faire table rase du passé,
par delà bien et mal, capitalisme et socialisme (qui ne vont pas tarder à se rejoindre et mettre définitivement en esclavage l’humanité) mais avec la complicité de nos particules élémentaires.

Nous nous rendrions compte alors que nous pouvons tous maitriser notre destinée !

Aide-toi et tes particules élémentaires se chargeront du reste...

24/08/2015 22:57 par Geb.

All that is necessary for the triumph of evil is that good men do nothing

« Tout ceci est nécessaire car le mal triomphera si les hommes bons restent cois ».

Pas tout à fait ça... (- :

Mais plutôt : "Tout ce qui est nécessaire pour le triomphe du "Mal" c’est que les bonnes gens ne fassent rien".

Quant à la "morale" d’un "socialiste cubain" il est certain que entre le début de la Révolution castriste et son achèvement elle a certainement dû pas mal évoluer. Surtout si on lit Fidel ou le Che, on s’aperçoit que leur vision du Monde, (Au départ ce sont plutôt des Bourgeois bienveillants), et des rapports avec celui-ci, évolue au fur et à mesure qu’ils se rendent compte des réalités concrètes qu’il doivent affronter.

Par contre je pense que leur "humanisme", lui, était certainement aussi évolué et présent au début qu’à la fin.

24/08/2015 22:58 par cunégonde godot

Plus encore. A des stades de développement économique semblables, ou à peu près semblables, les théories morales doivent nécessairement concorder plus ou moins. Dès l’instant où la propriété privée des objets mobiliers s’était développée, il fallait bien que toutes les sociétés où cette propriété privée prévalait eussent en commun le commandement moral : tu ne voleras point.
Est-ce que par là ce commandement devient un commandement moral éternel ? Nullement.
Dans une société où les motifs de vol sont éliminés, où par conséquent, à la longue, les vols ne peuvent être commis que par des aliénés, comme on rirait du prédicateur de morale qui voudrait proclamer solennellement la vérité éternelle : Tu ne voleras point !

Pures conjectures car il n’a jamais existé de société récente « où les motifs de vol ont été éliminés ». Les sociétés communistes ont essayé avec les résultats que l’on sait, et ce n’était pas faute d’avoir rééduqué un certain nombre de fauteurs de tout poil, pour ne pas dire un nombre certain…

Il n’existe pas de morale bourgeoise ni de morale prolétarienne, car il n’y a ni progrès ni régrès en matière de morale. "Tu ne tueras point", "Tu ne voleras point" ressortissent d’abord à la Nécessité, avant de devenir moraux par défaut en quelque sorte lorsque, toujours par nécessité la vie et le fruit de l’effort manuel et/ou intellectuel produisirent logiquement richesses et bien-être, et par-là se « transfigurèrent » en valeurs suprêmes. La Nécessité s’imposant d’elle-même, la morale, son supplément d’âme, aussi. Dans toute société, ces commandements perdurent. Toujours par nécessité. Sauf exceptions : le nazisme p.ex. Le nazisme est-il spécifiquement d’essence « bourgeoise », et seulement "bourgeoise" ? En voilà une bonne quession qu’elle est bonne !

25/08/2015 00:30 par Pierre M. Boriliens

C’est très intéressant d’illustrer Engels, un chef de file révolutionnaire, par une citation de Burke, un chef de file contre-révolutionnaire...
Ça, c’est de la dialectique bien comprise !

25/08/2015 08:15 par Calame Julia

De trop grands esprits s’expriment ici.
 Le nazisme est spécifiquement d’essence "bourgeoise" et seulement "bourgeoise" ! En voilà une bonne
question qu’elle bonne- !
Les "nuits de cristal" et "nuit des longs couteaux" sont-elles spécifiquement d’essence "bourgeoise"
et seulement "bourgeoise" !
En voilà une exclamation qu’elle bonne et non une question...

25/08/2015 08:15 par cunégonde godot

« Tout ceci est nécessaire car le mal triomphera si les hommes bons restent cois ».
Sur la morale en politique, un cas d’école : M. Tsipras qui, au pouvoir, a fait exactement le contraire de ce pourquoi il s’est fait élire. Qui d’autre que la gauche "radicale" pourrait mieux traiter ce sujet en profondeur ?

25/08/2015 09:03 par Cartésien

@ Cunégonde Godot

M. Tsipras qui, au pouvoir, a fait exactement le contraire de ce pourquoi il s’est fait élire.

Exactement le contraire... Vous confirmez le exactement le contraire ?
Vous devriez lire ce que dit Sia Anagnostopoulou en Une du GS : « En Grèce et en Europe, nous sommes plutôt au début de la lutte qu’à la fin ».
Lire sans chercher à réfuter chaque mot, mais en essayant de voir si, des fois...

25/08/2015 09:43 par Jacques Dompmartin

On peut discuter philosophiquement sur la nature du Bien et du Mal. Comme celle de la Vérité, la Justice, etc... Cependant, lorsque je suis face à un enfant qui me raconte des bobards, agresse ses congénères, chipe les affaires des autres, détruit mon local, alors curieusement, la discussion philosophique (forcément agréable et intéressante entre amis cultivés) cesse. Et la "praxis" des adultes raisonnables s’affirme par un acte d’autorité quelconque. C’est cette réaction qui devrait prévaloir si la "famille humaine" ne souhaite pas se faire tuer par ses éléments les plus "turbulents". Nous sommes dans un monde où les plus riches se conduisent comme des enfants mal élévés : serons-nous capable d’arrêter leurs nuisances ?

25/08/2015 09:45 par cunégonde godot

@Cartésien
M. Tsipras a fait le contraire en cela qu’il s’est fait élire pour commencer la lutte, et l’a terminée, et enterrée très rapidement en renonçant d’emblée à ce que la lutte et ses objectifs impliquaient : la sortie de l’euro. Résultat : la politique suivie par M. Tsipras et soutenue par la gauche "radicale" conforte la politique d’austérité imposée par l’ "Europe" et accélère la braderie généralisée de son pays. Elle conforte la grande bourgeoisie apatride suceuse de sang.
Est-ce bien moral ?

25/08/2015 12:10 par legrandsoir

Vous avez oublié ici un mot que semblait vous reprocher votre interlocuteur : le mot "exactement".

25/08/2015 10:36 par Dwaabala

@ Pierre M. Boriliens pour une fois apprécie et ne fait pas la fine bouche.

25/08/2015 11:34 par Dwaabala

@ cunégonde godot

il n’y a ni progrès ni régresions en matière de morale.

Par exemple :
La maxime « Œil pour oeil, dent pour dent. » est inscrite dans le Code civil, de même que la lapidation de la femme adultère ; la condamnation de la sodomie ; Oscar Wilde où il se trouve, doit particulièrement apprécier, et Francis Lopez, l’auteur des opérettes chantées par Luis Mariano, qui fut exclu de l’’École polytechnique aussi ;et l’application de la peine de mort ; « Tu ne tueras point. » est bien sûr à la base de l’euthanasie ; « Tu ne voleras pas » était le précepte des conquêtes coloniales du XIXe siècle par des généraux honorés. Tout cela et encore bien d’autres chose

car il n’y a ni progrès ni régression en matière de morale.

25/08/2015 12:03 par Geb.

@ P. M. Borilien...

Ça, c’est de la dialectique bien comprise !

Exactement.

Burke avait probablement une définition des "good men" qui correspondait à sa vision de classe. Evidemment, au vu des écrits de F. E. ça ne devait pas être dialectiquement la même que celle de F. Engels.

Engels, qui je me permet de le rappeler était pourtant plutôt de la "classe sociale" de Burke que de la "Classe prolétarienne".

Et rien n’empêchait que l’un et l’autre en dehors des clivages sociaux soient des "Humanistes" sincères.

Et ça illustre bien le fait que "la morale" peut-être totalement à géométrie variable et qu’elle est subordonnée aux intérêts bien compris de ceux qui prétendent l’appliquer. Et surtout l’appliquer en fonction de ces intérêts,

C’est pour cela que dans la réponse précédente je fait diverger et "évoluer" "la" morale" des Révolutionnaires cubains entre le début et la suite de leur prise de conscience révolutionnaire, et leur "humanisme" qui lui ne saurait être subordonné aux intérêts des uns et des autres ou à leur appartenance de classe mais plutôt aux intérêts des Humains en général.

Les militaires de Batista torturaient et assassinaient les Révolutionnaires castristes alors que les Révolutionnaires soignaient les prisonniers blessés et les renvoyaient chez eux.

On rentre ici dans le débat qui sous-tend l’application ou non de la "peine capitale".

Soit on considère le "crime" du point de vue "moral" et on décide que cette "morale" implique l’élimination du responsable, en "punition", soit on le considère du point de vue "humain" et on décide de laisser vivre le criminel tout en le mettant hors capacité de récidiver en l’enfermant ou en le rééduquant.

La "morale" est subordonnée au type de société ou l’on vit. Chaque société humaine dans l’Histoire a possédé son type de crime "majeur" et il n’a bien souvent eu rien à voir avec celui des sociétés collatérales, précédentes ou postérieures.

L"’Humanisme" est subordonné au fait que nous appartenons tous au Monde vivant et que , (Sauf dans le but de prévenir des atteintes immédiates à la vie d’autres humains), personne n’a le droit d’ôter la vie à quelque Humain que ça soit "à postériori" de son "crime".

On pourrait même imaginer un Monde ou "avoir de la morale" serait de n’en avoir aucune, ou aussi où chacun se ferait la sienne propre. (On y est presque).

Mais si on est un "Humaniste" il doit être particulièrement ardu d’y vivre. Quelle que soit notre classe sociale.

Et c’est ce qui se passe actuellement.

Bon courage pour la suite...

25/08/2015 12:37 par cunégonde godot

@Dwaabala :
Quand les critères moraux changent, ils ne changent pas avant tout portés par la dynamique de progrès ou de régrès, mais par nécessité (sauf exception, comme je l’ai précisé à propos du nazisme p.ex.). Et là, plutôt que de changer, ils s’estompent et/ou disparaissent purement et simplement car devenus non opératoires. L’idéologie du progrès moral en l’espèce accompagne la nécessité. Ex. : il n’était nul besoin d’habiller d’idéologie du progrès l’autorisation d’avorter (sous conditions) dans les années 70. Là encore, Nécessité fit Loi.

25/08/2015 12:51 par Dwaabala

La notion d’ « humain en général » semble avoir son origine dans le christianisme, le peuple élu étroitement tribal du judaïsme devenant l’ensemble de l’humanité, esclaves compris. Ce qui, dans une société dont le régime de production, par conséquent toute l’idéologie et la morale était essentiellement esclavagistes (la force de travail de l’esclave comme propriété du maître) était proprement scandaleux. C’est ce qui se cachait derrière le conflit entre la divinité de Rome et de l’empereur, et celle du Dieu universel.
Après les persécutions, et les progrès du christianisme y compris dans les couches favorisées de l’Empire, Constantin aboutit à un compromis de type « social-démocrate » avant l’heure, jusqu’à ce que l’esclavage ne se maintînt plus qu’à titre de survivance pour passer au féodalisme et à sa nouvelle morale. Qui devait perdurer en Europe jusqu’à la fin du XIXe quand elle fut définitivement supplantée par la morale bourgeoise, déjà alors en conflit avec la morale prolétarienne, celle qu’évoque F. Engels.

25/08/2015 15:03 par Dwaabala

Autre chose.

Pures conjectures car il n’a jamais existé de société récente « où les motifs de vol ont été éliminés ».

Il suffit d’ouvrir les yeux : la notion de bien public matériel existe déjà et si elle n’est pas respectée ce n’est que par les vandales.
Et le vol des biens privés ne se généralise qu’avec l’appauvrissement de certaines couches de la société.
Dans une société qui satisfait les besoins, le vol devient une aberration.
Si les revenus de chacun lui me permettent de manger des pommes à chaque dessert, aller les voler sur l’étal dirige celui qui le fait vers la psychiatrie.

25/08/2015 16:07 par macno

« mais la morale qui possède le plus d’éléments prometteurs de durée est sûrement celle qui, dans le présent, représente le bouleversement du présent, l’avenir, c’est donc la morale prolétarienne ».

Elle a bien raté son coup face à "l’avenir", la morale prolétarienne, car nous sommes pour l’auteur dans cet "avenir" et apparemment rien n’est vraiment gagné pour elle...
De l’art de mélanger Morale & Politique
Mais qu’est-ce que ça signifie "morale prolétarienne" ?
Moi je n’en connais qu’une de morale, basique, celle qui fait que chacun puisse vivre en paix sur son bout de rocher terrestre, comme n’importe quel animal qu’il n’a jamais cessé d’être.
Tout le reste n’est que politique au sens très large du terme, incluant bien évidemment la religion, un des, si ce n’est le seul point qui le différencierait des autres créatures vivantes. Tiens "créature", une chose qui a été créée, c’est très religieux comme terme.
Toutes les structures grégaires animales sont basées en premier sur des luttes de pouvoirs internes qui n’ont rien à voir avec la morale, et d’abord quelle morale ? Pourquoi suivant les races animales ici un mâle dominant, et là ce sera une femelle dominante, alors là ? La seule "morale"qui unit tous ses membres, c’est la pérennisation de l’Espèce, ou plus modestement du Clan, ou de la Famille.
Les sociétés humaines sont régies strictement à l’identique.
À partir du moment où on partage arbitrairement l’organisation de la société humaine en trois "morales", « celle de l’aristocratie féodale, celle de la bourgeoisie ou celle du prolétariat », on ne laisse aucune place au choix, et pourrait-on dire on s’enferme alors arbitrairement dans des castes.
C’est un concept bien particulier qui préjuge de l’existence d’une "aristocratie" (ce que toutes les sociétés humaines ne possèdent pas automatiquement), il ne serait déjà pas possible d’en déduire une règle, mais passons.
Par contre si on remplace le terme de morale par celui de politique, là tout s’’éclaire.
Chacun peut alors se définir, définir sa propre vision de la politique concernant l’organisation de sa Société en fonction des différents groupes sociaux qui la composent, et non plus en fonction d’une caste arbitraire...
Ça aurait évité de persévérer dans LA terrible ânerie-auto-destructrice de la gauche que fut « la dictature du prolétariat ».
Et puis,
« Les aspirations des pauvres ne sont pas très éloignées des réalités des riches »
avait persiflé Pierre Desproges...

25/08/2015 19:24 par Dwaabala

@ macno

Elle a bien raté son coup face à "l’avenir", la morale prolétarienne,

Vous n’avez visiblement pas tout compris, en particulier ceci :
Ce n’est pas la morale (fût-elle prolétarienne) qui décide de l’avenir, mais la lutte des classes.

Une morale réellement humaine, placée au-dessus des oppositions de classe et de leur souvenir, ne devient possible qu’à un niveau de la société où on a non seulement vaincu, mais oublié pour la pratique de la vie, l’opposition des classes.

25/08/2015 21:48 par macno

@ Dwaabala
Non, j’insiste, relisez la phrase :
« mais la morale [ la morale prolétarienne de la fin] qui possède le plus d’éléments prometteurs de durée est sûrement celle qui, dans le présent, représente le bouleversement du présent, l’avenir, c’est donc la morale prolétarienne ».
..et je réitère ce que j’ai dit. De toute façon que ce soit la morale prolétarienne qui est démoralisée, ou la lutte des classes qui a pris de sérieux coup, toujours est-il que le bilan des "prolétaires de tous les pays unissez vous" est assez catastrophique, et ça ne me fait pas rire du tout...Le pire c’est que tu ne retiens que ça de mon commentaire, et que ce "ça" était un point vraiment accessoire, un constat que je ne suis (hélas) pas seul à faire.
Mais tant qu’on y est on peut prendre un grand sac poubelle et y réunir "dictature du prolétariat " et "lutte de classes", car depuis pas mal de temps (trop), ces deux concepts n’ont pas fait preuve de leur grande efficacité, ils auraient plutôt réagi en boomerang.
C’est bien Warren Buffett qui a dit qu’il existait « bel et bien une guerre des classes mais c’est ma classe, la classe des riches qui fait la guerre et c’est nous qui gagnons ».
Faudrait donc à voir à changer de recettes....

26/08/2015 01:21 par Dwaabala

@ macno
Puisque je « ne prends qu’une partie », prenons en une autre.

où on partage arbitrairement l’organisation de la société humaine en trois "morales", « celle de l’aristocratie féodale, celle de la bourgeoisie ou celle du prolétariat »

« Arbitrairement ». Ce qui montre encore que vous n’avez pas tout compris. Et ne venez pas opposer qu’il ne s’agit cette fois non plus d’« une phrase » mais « d’un mot » cueilli de manière malveillante, car « phrase » aussi bien que « mot » sont au fond de ce que vous pensez. Commençons donc.

L’organisation de la société, ou plutôt sa structure résultant d’un long processus historique objectif (bien que la volonté humaine ait joué son rôle dans ce processus), est (ou était en 1878) une structure de classe :

 celle de la propriété foncière aristocratique ayant traversé les révolutions, aussi bien en Angleterre qu’en France ou en Allemagne.
À la recherche du temps perdu peut être lu comme le roman de la disparition de cette classe à la fin du XIXe et au début de XXe siècle en France. Sa morale était aristocratique, liée à la naissance, héritée de la morale féodale de l’Ancien régime. Avec les adaptations nécessaires au temps nouveau, évidemment.
C’est son existence et son importance qui conduisirent Marx à étudier de manière si approfondie la rente foncière dans Le Capital.

 celle de la propriété bourgeoisie, ou capitaliste : marchande, industrielle et financière il suffit de lire Zola pour se renseigner sur ses mœurs d’alors donc sur sa morale. Il est inutile de mentionner sur ce point toute la littérature marxiste.

 celle du prolétariat, privé de toute propriété (des moyens de la production) hormis celle de sa force de travail, dont l’importance économique et politique s’affirme. Encore Zola, mais aussi Jaurès en plus des précédents. La morale de cette classe a ceci de particulier qu’elle pose en principe aussi bien théorique que pratique ce que les autres lui appliquent : la lutte des classe.

Mais tout ceci (les classes et leurs morales) reposait entièrement sur le processus historique de développement économique de la société.

Ce n’est pas la morale qui « organise la société » comme vous le prétendez, même si elle cherche à conserver des formes dépassées, ou conforte sa forme actuelle pour les classes du passé, et lui promet de disparaître pour la classe de l’avenir, c’est inversement l’organisation de la société fondée sur le mode de production capitaliste qui était la base de ces morales.

Ceci est inscrit dans l’histoire matérielle, économique, sociale et des idées de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.

Vous pouvez avancer les élucubrations que vous voulez sur ce qui a suivi et ce qu’est la soi-disant désolation d’aujourd’hui. Vous ne pouvez rien n’y changer. C’est comme inscrit dans le marbre.

Et le travail du théoricien maintenant est d’analyser derechef l’économie et la structure de la société de classe d’aujourd’hui afin de permettre à la classe des prolétaires de mener son combat, avec sa morale de lutte des classes correspondant au moment actuel.

Celles et ceux qui ont eu la patience de lire ces lignes (et celles qui précèdent) sont maintenant à même de juger où est « l’arbitraire »..

26/08/2015 07:29 par cunégonde godot

Dwaabala :
Autre chose.

Pures conjectures car il n’a jamais existé de société récente « où les motifs de vol ont été éliminés ».

Il suffit d’ouvrir les yeux : la notion de bien public matériel existe déjà et si elle n’est pas respectée ce n’est que par les vandales.
Et le vol des biens privés ne se généralise qu’avec l’appauvrissement de certaines couches de la société.
Dans une société qui satisfait les besoins, le vol devient une aberration.
Si les revenus de chacun lui me permettent de manger des pommes à chaque dessert, aller les voler sur l’étal dirige celui qui le fait vers la psychiatrie.

Oui. Vous avez raison. Tout s’éclaire dans mon petit esprit. C’est beau comme un verset !
Et j’y pense ! Avec la disparition de la lutte-de-classes-moteur-de-l’histoire, l’Histoire elle aussi aura disparue, toute histoire sans faire d’histoires à n’en plus finir. Le Paradis sur Terre, en somme ! Merci Dwaabala !

26/08/2015 07:43 par cunégonde godot

legrandsoir :
Vous avez oublié ici un mot que semblait vous reprocher votre interlocuteur : le mot "exactement".

J’ai enlevé l’adverbe "exactement", mot superflu pour commenter le thème proposé ici, la morale, en puisant dans l’actualité récente. Rien d’autre.

26/08/2015 12:20 par Dwaabala

@ cunégonde godot
Vous avez une technique éprouvée : vous citez in extenso, puis vous discutez à côté.
Pour que« tout s’éclaire vraiment dans votre esprit », je vais vous faire une confidence : je ne cherche absolument à« avoir raison », et à vous convaincre de quoi que ce soit, mais en éclaircissant mes propres idées permettre peut-être à quelqu’un qui nous lit d’avancer dans les siennes.

28/08/2015 11:29 par Beaujean

Que de beaux esprits si sûrs d’eux-même, aussi assurés dans leur(s) connaissance(s) de la généalogie de la Morale que dans celle(s) de la nature humaine...
Hélas, il semble avoir existé - et exister encore - quelques milliers de cultures, de civilisations, adoptez la terminologie qui vous chante, légèrement différentes de nos sociétés judéo-christino-occidento-etc... Passer une fois par Clastres - une société sans Clastres ? son rêve... - permet à l’intelligence de respirer plus large pour considérer l’humain. Je vous évite la liste des auteurs...
En tant que {}croyant à la Hugo ou à la Jaurès (avec les grands noms, ça passe mieux), tout ceci me fait autant rigoler que les curés athées qui {}savent que Dieu n’existe pas. Y en a qu’ont bien de la chance.

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