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Le bancor sans le bancor : la parité douanière versus la parité financière

Comment un Etat peut imposer unilatéralement et pacifiquement l’équilibre de sa balance des paiements et ainsi recouvrer une politique économique et financière dont les priorités sont sociales et environnementales.

La règle d’or qui est violée par tous les pays et qui alimente la crise économique actuelle, celle qui permet à une ploutocratie de s’enrichir sur la misère grandissante des populations, n’est pas celle de l’équilibre des budgets publics, mais celle de l’équilibre de la balance des paiements. Il ne s’agit pas ici d’analyser les tenants et les aboutissants de ce principe, mais de dénoncer l’absence de mesures pour rétablir cet équilibre, de dénoncer la passivité, la lâcheté de s’appuyer sur le manque de consensus international, d’organisation internationale à même d’imposer cet équilibre pour tous les pays. On feint d’ignorer qu’une telle unanimité n’émerge jamais qu’après l’écoeurement de malheurs répétés. On s’abstient de remettre en cause le besoin d’une telle unanimité et d’une alternative au Bancor. Or il est parfaitement possible pour un pays seul d’imposer l’équilibre de sa balance des paiements, pour dans un premier temps s’épargner nombre des maux dont nous souffrons actuellement, pour dans un second temps être suivi par toute la communauté internationale et dans le même mouvement vaincre les pouvoirs et l’idéologie du néolibéralisme et refonder la politique sur des valeurs démocratiques, sociales et environnementales.

Pour un Etat, imposer l’équilibre de sa balance des paiements est la simplicité même, il suffit de taxer les échanges internationaux au taux qui équilibre les échanges. Par exemple si pour une année et une devise données, les entrées sont de 200 unités et les sorties de 250 unités, la taxe sur les sorties de devises, autrement dit les importations sera de 20% car 20% de 250 font 50 soit le montant du déficit. L’année suivante les importations ainsi taxées sont moins avantageuses et baissent donc beaucoup s’il s’agit de produits facilement substituables ou peu sinon. Par exemple l’année suivante les entrées restent à 200 unités mais les sorties diminuent à 210 unités à cause de la taxe. Le déficit se monte à 5% et comme les taxes étaient de 20%, elles passent alors 25% la troisième année. On procède ainsi empiriquement pour chaque pays et devises donnés et pour chaque période de temps pour tendre vers l’équilibre de la balance des paiements. Après cette présentation grossière du principe, voici une formalisation possible du calcul de cette taxe anti-déséquilibre dans le cas général de plusieurs pays et devises.

La comptabilité nationale donne l’état de la balance des paiements par devise et par pays. On taxe en import les transactions en devise dont le solde entre le pays (la France) et le reste du monde est déficitaire. Pour chaque année, le produit total de la nouvelle taxe est augmenté du double du solde de la balance des paiements : une fois pour récupérer l’excédent ou le déficit de l’année précédente et la seconde fois pour tendre vers l’équilibre de la balance. On a donc l’équation ∑(T’.I)=2x∑(E-I)+∑(T.I). Le taux de la taxe est individualisé par pays : il tend vers un taux minimum (t) quand le solde est bénéficiaire, et est proportionnel au solde sinon. Une fonction continument dérivable qui satisfait à ces conditions est : T’=t+(T-t).ln(1+exp(k.(I-E)))/ln(2). Pour simplifier, le coefficient de proportionnalité k est le même pour tous les pays ayant des transactions avec la France en cette devise et se déduit par itération de ces deux équations. Quand on observe cette fonction on voit qu’elle tend vert t si les exportations sont excédentaires, reste à T si on est à l’équilibre et tend à être proportionnelle au déficit (I-E) si les importations sont excédentaires. On procède de façon symétrique pour les taxes sur les exports pour les devises dont le solde avec le reste du monde est excédentaire. La seule intervention politique dans ces automatismes est dans le sens de l’arrondi du taux de la taxe : arrondi supérieur ou inférieur. Comme on vise à équilibrer les balances de paiement, les mouvements de capitaux sont donc aussi taxés à ces mêmes taux.

Tableau 1 - exemple fictif de calcul de la taxe douanière pour les 3 pays qui commercent en devise Alpha avec la France

Devise Alpha
  Pays Année Année N+1
Import Export Solde Taxe Produit Coefficient Taxe Produit attendu
I E S=E-I T
t=5%
P=T.I k T’=t+(T-t).ln(1+exp(-k.S))/ln(2) P’=T’.I
∑P’=-2.∑S+∑P
X 50 70 +20 10% 5 0,119223 5,64% 2,82
Y 90 80 -10 20% 18 36,54% 32,88
Z 130 100 -30 10% 13 31,00% 40,30
Total âˆ‘ 270 250 -20   36     76,00

Par ces taxes on vise à accéder à l’équilibre que le marché n’a pas atteint et l’agent de ce rétablissement, l’État, se rétribue par le montant exact de ce déséquilibre. En taxant tant les imports que les exports selon une règle publique et transparente pour viser un équilibre global la France montre qu’elle n’a aucune visée mercantiliste ou protectionniste. Avec un tel système, peu importe le nom de la monnaie (on pourrait à la limite adopter le dollar) ou sa parité, car les taxes individualisées par pays pondèrent les prix exactement comme le ferait la parité idéale qui équilibrerait les échanges. Et cette parité douanière est totalement individualisée car elle peut être différente pour des pays échangeant pourtant avec la même monnaie. On a donc un mécanisme bien plus précis que le Bancor, puisque celui-ci se basait principalement sur la parité de la monnaie. Or dans ce cas si un pays dévalue pour restaurer l’équilibre envers un deuxième pays, cette dévaluation peut très bien creuser le déséquilibre envers un troisième pays. De plus si dans l’idéal la parité d’une monnaie doit refléter les déséquilibres commerciaux, dans la réalité, le cours des monnaies dépend beaucoup de la politique des banques centrales et de la puissance politique des États. De plus, à la différence du Bancor ce mécanisme peut être mis en place unilatéralement sans attendre un accord international. La parité douanière, le cours des biens échangés pondérés par cette taxe, implique par sa construction même l’équilibre de la balance des paiements et réduit la parité financière, le cours nominal entre les monnaies à un simple coefficient de conversion totalement arbitraire.

Avec l’équilibre automatique par les taxes, on se rend indépendant de toute contrainte extérieure et on peut donc choisir les normes sociales et environnementales que l’on veut. On peut faire une relance en augmentant les salaires, faire des investissements pour préparer l’après pétrole et lutter contre le réchauffement climatique sans craindre un déficit de la balance commerciale. Ces taxes ont pour but de permettre à des sociétés ayant fait des choix politiques différents de cohabiter. Elles ne sont pas conjoncturelles mais structurelles : on aura toujours des déséquilibres à compenser tant que les politiques des pays divergeront. Et cet équilibre des échanges retrouvé par les taxes assure la confiance en la monnaie de l’État aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières. Il appartiendra ensuite aux négociations internationales de faire converger les lois nationales dans le sens du progrès social. Et les taux de taxation suivront ce mouvement en décroissant. L’alternative est soit la guerre des monnaies où chacun essaie de dévaluer sa monnaie par rapport à celle de ses partenaires, ce qui est en plus impossible au sein de l’euro, soit une course délétère au moins disant social et environnemental. On pourrait aussi faire la course à l’échalote de la baisse du profit, mais dans le cadre de la mondialisation néolibérale, cela est bien sûr le tabou suprême.

On procède via des taxes douanières, et il ne s’agit nullement de protectionnisme. Car ces taxes peuvent être nulles avec un taux d’ouverture des marchés de 0% comme de 100%. Car leurs taux ne dépendent que du déséquilibre entre importations et exportations et sont indépendantes des produits échangés. Ces taxes sont proportionnelles aux déséquilibres des échanges or la mondialisation actuelle se construit sur ces déséquilibres et d’autres encore plus néfastes les uns que les autres : ceux de l’environnement, de la surexploitation et du chômage, de la misère et de l’opulence. En stoppant ces déséquilibres, on arrête le moteur économique de la mondialisation pour redonner le pouvoir aux instances politiques.

Ces taxes renchérissent les importations et donc les prix. Pour que cela soit socialement acceptable, elles doivent s’accompagner d’une redistribution vers les plus faibles revenus. Et dans un second temps elles n’ont de sens qu’avec un politique industrielle de relocalisation, d’investissement et de protectionnisme. Et de part leur mode de calcul tout frein protectionniste qui réduit les importations réduit du même coût le taux de ces taxes.
En taxant à l’export on s’assure qu’un pays ne nous paye pas en monnaie de singe à moins que cette monnaie ne soit aussi acceptée dans d’autre pays pour se procurer des biens. On peut se permettre d’être très excédentaire sur nos échanges directs avec les États-Unis tant que cet excédent sera d’autre part intégralement dépensé en pétrole notamment. C’est un point aveugle du libre-échangisme ou du mercantilisme, mais à partir du moment ou il n’y a plus d’étalon or, les exportations ne constituent plus nécessairement un enrichissement si on est créancier d’un pays qui nous paye avec sa propre monnaie, comme la Chine vis à vis des États-Unis. De plus politiquement, un excédent structurel est un signe de volonté mercantiliste et hégémonique. D’un point de vue politique et économique l’équilibre est donc le seul état viable et le meilleur qui soit. Taxer à l’export permet aussi à l’État de se financer au lieu de laisser ce produit à l’État importateur via ses propres taxes à l’import.

Si des États taxaient nos produits en représailles, leurs exportations seraient également et automatiquement plus taxées en retour. Si les circonstances l’exigent, on peut actualiser les taxes mensuellement, car les informations douanières nécessaires sont très simples à obtenir et à agréger. Les sanctions ne pourraient s’exercer que par boycott et embargo, ce qui est politiquement beaucoup plus difficile à faire accepter.

Les taxes à l’import et à l’export s’appliquent bien sûr aux pays de l’Union Européenne, même à ceux de la zone Euro, car celle-ci ne constitue nullement une zone monétaire optimale. Elle ne le sera que le jour où existera un État fédéral garantissant une péréquation entre les régions et l’homogénéité des législations sociales et environnementales. Les taxes douanières n’ont aucun raison d’être à l’intérieur de la France même car personne ne se soucie de la balance commerciale du Limousin par rapport à celle de l’àŽle de France. Il en sera de même en Europe et dans le monde entier lorsque ces balances n’auront plus de sens entre les pays et que le budget d’un gouvernement fédéral permettra de maintenir les différences de revenu dans une fourchette très étroite.

Comme Jacques Généreux le soutient, il ne tient qu’aux États de recouvrer le contrôle de l’économie pour réduire les nuisances de la finance et réorienter l’économie dans l’intérêt de l’environnement et des hommes. Cette reprise en main n’est pas un acte hostile envers les autres nations, et encore moins un isolement défaitiste. Elle n’appelle qu’à être imitée pour que le nouvel ordre devenu possible au sein d’un pays devienne la règle dans le monde entier.

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GoodYear, Continental, Whirlpool, Parisot-Sièges... Depuis dix ans, à travers la Picardie d’abord, la France ensuite, j’ai visité des usines de robinets, de pistons, de cacao, de lave-linge, de canapés, de chips ; de yaourts, avec toujours, au bout, la défaite. Ca m’a lassé de pleurnicher. Mieux valait préparer la contre-offensive. C’est quoi, leur grande trouille, en face ? Leur peur bleue ? Il suffit de parcourir le site du MEDEF. Ou de lire leurs journaux, Le Monde, La Tibune, Les (…)
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C’est amusant comme le commun des mortels s’imagine que nous sommes sans cesse affairés à leur mettre des idées dans la tête, alors que c’est en empêchant certaines pensées d’y pénétrer que nous faisons le mieux notre travail.

C.S. Lewis, 1942

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