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Depuis plusieurs jours, à la suite du scandale révélé dans l’entreprise Spanghero (de la viande de cheval vendue comme étant du boeuf), il n’est bruit que de nouveaux scandales, découverts dans d’autres entreprises de la grande distribution ou de l’agro-alimentaire.
Je constate que les médias traitent de ces scandales comme elles traitaient, il y a quelques semaines, du dopage de Lance Armstrong : en se focalisant sur tel ou tel individu, considéré comme tricheur, malhonnête, profiteur, mafieux, etc.
Or, de même que ce n’était pas seulement l’individu Lance Armstrong qui était coupable, mais toute une idéologie (propagée - si ce n’est suscitée - par les médias eux-mêmes) : l’idéologie de la compétition, de la performance, qui pousse à grappiller des dixièmes, des centièmes, des millièmes de seconde, à enchaîner des épreuves - gagnantes, cela va de soi - à un rythme délirant, de même, ce n’est pas tel ou tel "pourri", qui met de la viande de cheval à la place de la viande de boeuf, ou de l’huile de palme à la place de l’huile d’olive, ou tel additif plus ou moins toxique. L’origine, la cause première de la fraude alimentaire se situent bien au-delà , bien plus haut...
Je veux, à cet égard, rappeler un article (on peut le dire aujourd’hui prémonitoire) paru dans Le Monde diplomatique en décembre 2002, soit il y a plus de 10 ans : "Racket dans la grande distribution à la française", de Christian Jacquiau, article lui-même issu d’un livre écrit en 2000 et portant le titre voisin de Les coulisses de la grande distribution (Albin Michel, Paris, 2000).
A l’époque, déjà , Christian Jacquiau décrivait l’hyper-concentration de la grande distribution (cinq centrales d’achat géantes), qui par leur poids, par leur position d’oligopole, par leur puissance financière, pesaient sur les fournisseurs en leur imposant des prix sans cesse plus bas, qui n’étaient pas (loin de là !) répercutés auprès des consommateurs...
Lorsqu’on étrangle des fournisseurs avec des exigences qui les font passer au-dessous du seuil de rentabilité, il ne faut pas s’étonner qu’un grand nombre de ces fournisseurs se tournent vers des sous-traitants, qui à leur tour, font appel à d’autres sous-traitants, hors de France, en Roumanie, ou en Asie...
Il ne faut pas s’étonner si les marques de la grande distribution ne cherchent pas trop à connaître l’origine et la qualité de leurs produits, la manière dont ceux-ci ont été élaborés, les conditions de travail et les salaires des agriculteurs, éleveurs ou ouvriers travaillant dans l’agro-alimentaire. Il suffit simplement que l’étiquette de l’enseigne soit apposée, et le tour est joué...
Ce qui est étonnant, c’est qu’il ait fallu plus de 10 ans pour que le système décrit par Christian Jacquiau dévoile toute sa perversité.