Certes Macron a dû lâcher un peu de lest pour répondre à la force intacte du mouvement populaire des Gilets jaunes : notamment il reviendrait pour les petites retraites sur la honteuse désindexation que son gouvernement maastrichtien avait initialement décidée. Tous les retraités que BFM fait pleurer chaque semaine sur les « violences », devront remercier les Gilets jaunes qui ont pris de graves risques sur leur santé, voire sur leur vie, pour que vive l’aspiration au progrès social dans notre pays.
Certes, Macron annonce une prétendue baisse des impôts directs pour les couches moyennes sans davantage de précisions ; ce qui est clair en revanche, c’est que cela se paiera par la « baisse des dépenses publiques » (exigée par l’UE !). Donc en réalité, par la suppression massive de postes de fonctionnaires (enseignants, infirmières, pompiers, policiers de proximité, postiers, agents de l’Equipement, etc.) ; donc par une nouvelle dégradation des services publics, à l’encontre de ce que revendiquent les Gilets jaunes.
L’annonce par Macron d’un moratoire sur la suppression des écoles et des hôpitaux en zone rurale est bonne à prendre – si elle est jamais suivie d’effet ! – mais dans le cadre austéritaire fixé par Macron et par l’UE – ces maintiens se feront nécessairement par redéploiement au détriment d’autres services, et ils entraîneront une nouvelle précarisation des agents publics déjà pressurés. Car rappelons que sur le terrain les professeurs témoignent déjà des suppressions de postes et d’heures d’enseignement avec la réforme du lycée et la loi Blanquer. Quant à la précarisation de l’ensemble de la Fonction publique et la suppression de missions ou leurs privatisations elles sont tout à la fois inscrite dans la loi Dussopt de “transformation de la Fonction publique” contre laquelle l’ensemble des organisations syndicales appellent à la grève le 9 mai prochain mais aussi dans les ordres du plan Action Publique 2022. Localement, le gouvernement avance par ailleurs à marche forcée pour supprimer et concentrer une nouvelle fois les services des différents ministères dans les départements, avec notamment l’annonce de la fusion des secrétariat généraux de ces directions à l’échelon départemental, voir régional.
En outre, cette mesure fiscale ne fait pas le poids pour répondre aux revendications (les GJ demandaient surtout la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité, qui frappent proportionnellement les pauvres bien plus que les riches) ; Macron ne bouge absolument pas sur le niveau des salaires et des pensions bloqués depuis des décennies en raison de l’austérité imposée au nom de la monnaie unique (critères de Maastricht, dictature financière de la BCE obsédée par les besoins de la grande industrie allemande) : Macron se sert du Grand Débat pour accélérer la casse néolibérale en feignant de satisfaire les demandes populaires.
Par exemple l’annonce de la suppression de l’ENA, et peut-être dans la foulée, des classes préparatoires et des Grandes Ecoles créées par la Révolution française, est pure démagogie. Pas question pour nous, certes, d’exonérer les énarques de leur conformisme néolibéral écrasant. Mais s’il s’agit de détricoter davantage la Fonction publique et l’administration à la française pour promouvoir un Etat de type anglo-saxon, ce serait là un alignement supplémentaire de notre pays sur ce que d’autres pays ont de moins bon.
Enfin, tout montre que Macron a déjà fixé sa feuille de route, celle que lui fixent le MEDEF, l’UE, ses traités et ses directives, indépendamment de tout « débat » : le cap est déjà mis sur la funeste « retraite à points » destructive des retraites par répartition créées en 1946 par le ministre communiste Ambroise Croizat. Avec à l’arrivée la baisse vertigineuse des pensions et le report de fait de l’âge de départ à la retraite bien au-delà des 62 ans, comme l’exigent les Accords de Barcelone fixant à 67 ans en moyenne l’âge de départ moyen en Europe. Déjà, la contre-réforme Blanquer de l’Education nationale se heurte à la majorité du monde enseignant tandis que les projets macroniens sur la Fonction publique montrent tout bonnement que le pouvoir veut mettre en extinction le statut créé par Maurice Thorez à la Libération. Ne parlons pas des projets de privatisation finale d’EDF, d’ADP et de la SNCF, de la vente à la découpe de la grande industrie (Alstom) : il n’y a pas que Notre-Dame de Paris qui part en fumée dans notre France saccagée par les politiques patronales et européennes...
Tout montre en conséquence qu’il ne fallait rien attendre de substantiel, comme nous l’avions annoncé, de ce « Grand débat » destiné surtout à séparer les classes populaires en lutte des couches moyennes plus « légitimistes » et à permettre au gouvernement de continuer d’appliquer son programme ententantdereprendre (tantbienquemal) lamainsurlesGJ.Rienà attendrenonplus du prétendu « dialogue social » cher aux jaunes sans gilet de la CFDT et à leurs accompagnateurs du syndicalisme euro-formaté.
Tirons alors la conclusion logique : il faut que convergent les Gilets jaunes, mais aussi les professeurs en lutte, les syndicalistes de classe exaspérés par l’indécision des confédérations, y compris de la CGT. A quand une grande manifestation commune sur les Champs Elysées, avec expressions aussi plurielles que nécessaire des organisations manifestantes, pour exiger la démission de Macron, l’amnistie pour les victimes de l’Etat policier, l’abrogation des lois liberticides, l’augmentation générale des salaires petits et moyens, la justice fiscale et une vraie République sociale, souveraine et fraternelle ?
Plus que jamais la vie montre que les avancées sont le résultat de la lutte et que les Gilets jaunes ont bien raison de durcir leur mouvement pour les salaires, la souveraineté populaire et la justice fiscale.
Avec en outre, pour dessiner un débouché politique au mouvement, un large débat sur l’exigence que la France sorte de l’UE par la voie progressiste sans crainte de mettre en cause le système capitaliste qui asservit le monde du travail, assèche la démocratie et détruit notre nation.
Georges GASTAUD, secrétaire national du PRCF, et Jo HERNANDEZ, responsable national de la commission Luttes du PRCF – 18 avril 2019.
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