Dans ce numéro 34, Paul Ariès plaide pour une « économie du bonheur » : « Yves de Kerdrel signait dans Le Figaro du 27 novembre un papier titré « Un pays sans riches, ce sont des rosiers sans engrais ». Cet éloge de la division sociale répondait à la prétendue fuite des « élites » vers des pays où la fiscalité serait plus clémente aux enrichis : « L’ancien député de la Corrèze restera dans l’histoire comme le créateur du plus grand exode de forces vives depuis l’abolition de l’édit de Nantes par Louis XIV, qui a forcé les banquiers protestants à prendre le chemin de la Suisse » ; « Un pays sans riches, avertit le plumitif du Figaro, c’est peut-être un paradis pour certains ayatollahs socialistes qui hurlent "casse-toi !" sans se rendre compte qu’ils injurient l’avenir, mais c’est aussi peu porteur de promesses qu’une plate-bande de rosiers sans engrais […] Sans riches, sans capitaux et sans esprit industrieux, la France devra se contenter d’une exotique collection de bonsaïs. » La conclusion s’imposerait donc d’elle-même : « Vouloir un pays sans riches, c’est donner naissance à un pays de pauvres. Et de pauvres qui deviennent chaque jour plus pauvres. » Cette fable est mensongère car l’enrichissement des uns se fait toujours au détriment des autres. Elle est même contraire aux intérêts bien compris de 99 % de la population puisqu’un trop grand écart de revenus n’est bon pour personne. L’économie du bonheur qui se fraye aujourd’hui une légitimité est fondée sur un constat bien établi depuis 1974 et connu sous le nom de paradoxe de Easterlin, selon lequel à partir d’un certain niveau de revenu, estimé à 15 000 dollars par an et par personne, les ressources financières n’apportent qu’un supplément modeste de bonheur. Ce constat dérangeant prouve que le culte de la croissance économique ne sert que les grands. L’économie du bonheur qui se fraye aujourd’hui une légitimité est fondée sur un constat bien établi depuis 1974 et connu sous le nom de paradoxe de Easterlin, selon lequel à partir d’un certain niveau de revenu, estimé à 150 000 dollars par an et par personne, les ressources financières n’apportent qu’un supplément modeste de bonheur. »
Daniel Burette dénonce la précarité énergétique : « Nous rêvons d’une société post-pétrolière, post-extractiviste, mais cela n’est possible qu’en assurant à chacun de quoi vivre dignement. Nous soutenons la revendication pour un bouclier énergétique assurant le droit à la bonne vie pour tous. »
Selon Gabriel Amard, « la guerre de l’eau continue ! » : « Toutes les formes de gratuité se valent : eau vitale, restauration scolaire, services culturels, transports en commun urbains, services funéraires. Preuve que ce combat dérange : les grandes firmes déclarent la guerre à ceux qui sont du côté de la belle vie. »
Pour Michel Feynié, on est passé d’une logique de service public à une logique marchande : Les nouveaux modes de management visent à casser les collectifs de travail, il « proscrit tout écart entre le travail prescrit et le travail effectif, avec la multiplication des fiches de poste, il est inefficace. L’entreprise accorde de la promotion aux plus cyniques qui sont aussi les plus cyniques avec l’entreprise et se moquent finalement de tout, même de l’entreprise. Ce management se développe aussi dans le secteur public.
Christine Bergé explique pourquoi les essais nucléaires français furent une bombe sanitaire : « Recensements lacunaires, dosimètres détériorés, conditions de radio-protections déplorables, la République française faisait fi des vies qui lui étaient confiées. »
Pour Didier Minot (" Vers l’autonomie associative " ), « les gauches restent marquées par une vision centralisatrice du changement social. Elles sont aveugles à tout ce qui s’invente dans l’autonomie associative. »
Le sophiste Roland Paillard se demande si et comment les socialistes vont réformer l’Éducation nationale : « C’est impossible sans commencer par un programme de réduction des inégalités réelles. Renoncer à une école qui légitime les inégalités, c’est renoncer à une société qui a besoin d’inégalités. »
Francine Mestrum réfléchit aux " biens communs " : « La question des biens communs permet de penser une nouvelle gauche radicale qui ne soit plus seulement celle de la plus grande louche. Belle occasion aussi de repenser un féminisme pour aujourd’hui en faisant de l’égalité des genres un bien commun. »
Un entretien très intéressant sur le suicide en tant que " question politique " : « Les gauches ont toujours entretenu la mémoire de leurs grands suicidés (Paul Lafargue, André Gorz, Roger Salengro, Gilles Châtelet, Walter Benjamin, Georgette Vacher qui se suicide en 1981 pour protester contre le fonctionnement et la politique de la CGT, son syndicat. »
François Houtard explique que la logique d’un nouveau paradigme de la vie collective de l’humanité « est une condition de survie pour la planète et pour le genre humain. »
Pour Paul Ariès, « la gauche productiviste, c’est le stalinisme. Le productivisme n’est pas une maladie infantile de la gauche mais le résultat du pouvoir en son sein d’une oligarchie. »
Benoît Schneckenburger et Christophe Miquet estiment que « le souci de soi et la nature ne suffisent plus pour construire notre avenir, si nous ne leur associons pas une conscience politique. Comment prendre au sérieux l’écosocialisme ? »
Pour Michel Ducommun, « c’est bien la contradiction entre les besoins systémiques du capitalisme et les objectifs du développement durable qui explique l’échec de ce dernier. »
Olivier Canal se demande si Canton n’est pas devenu " un comptoir africain " . La Chinafrique remet en cause la Françafrique.
Pour Yann Fiévet, l’École de la République « est défaillante quant à l’intégration " normale " des professeurs et des élèves handicapés. La question du handicap à l’école doit être un combat de portée universelle. »
Antoine Fernandès réfléchit au précariat en tant que nouvelle classe : « Est-ce le nouveau sujet historique capable de faire la révolution ? »
Pour Jacques Cossart, le parti socialiste a depuis longtemps adopté les principes entérinés à Bad-Godesberg : libre concurrence et libre initiative de l’entrepreneur. » [J’en profite pour signaler que Bad-Godesberg était déjà en 1959 une station balnéaire très chicos - un peu comme si les socialistes français s’étaient réunis à Vichy. Elle est jumelée avec les villes chicos de Saint-Cloud et Windsor. Accessoirement, elle est la ville natale de Klaus Barbie.].
Bernard Gensane
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