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La Syrie, Paul Danahar et le règne du non-dit.

Les non-dits jalonnent de plus en plus les textes sur la Syrie. Dernier exemple en cours, celui de Paul Danahar. Pourquoi ce jeu étrange ?

Il y a dans l’air comme une prédilection pour le non-dit. Aussi est-il devenu tragiquement amusant de parler de ce qui se passe en Syrie sans jamais se poser les vraies questions, le pourquoi et le comment, les questions qui interrogent les faits, tous les faits, pour les soumettre à une analyse concrète et dialectique qui puisse permettre de poser le problème comme il se doit, dans l’intelligence et la clarté.

L’article de Paul Danahar « Le conflit prolongé en Syrie ne montre aucun signe d’apaisement (BBC) » que nous livre actuellement « Le grand soir » en est un parfait spécimen : quelques vérités par ci - la prétendue Armée Syrienne Libre n’existe pas en tant qu’armée et ne constitue qu’un ramassis de djihadistes d’Al-Qaida et de bandes criminelles armées – quelques contre-vérités par là - les Etats-Unis n’agissent pas parce qu’ils ne savent pas quoi faire ni avec qui le faire, les pays européens pas plus ( rions ha ! ha ! ) et aucune interrogation sur les causes du conflit, son commanditaire et ses buts de guerre, et pour conclure faire appel au fatalisme (pas de solution) et à la morale (crimes, viols et destructions forment le quotidien du Peuple syrien). Finalement l’approche et la procédure prennent l’allure d’un tour de passe -passe qui jette le lecteur dans la voie de l’empathie et des larmes et lui fait oublier les enjeux de ce conflit qui pourtant s’inscrit dans la droite ligne de ce qui s’est passé en Irak, ou en Libye. Et bien sûr pas un mot sur Israël comme si l’Etat sioniste n’a rien à voir avec ce qui se passe à sa frontière (encore ha ! ha !), Pas un mot sur le plateau du Golan, silence par ailleurs commun à tous les médias occidentaux…

Comme pour une enquête policière, la recherche de la vérité au sujet d’un conflit (après tout un conflit armé n’est qu’un crime perpétré par l’agresseur contre l’agressé) commence par la question à qui cela profite-t-il et pour quel mobile. Dans le cas syrien, on ne part pas de zéro, il y a déjà beaucoup d’éléments indiscutables, il suffit de les convoquer comme aime à dire les spécialistes des questions « sociétales ».
D’abord les éléments relatifs au mobile. Israël s’est attribué dans la région le rôle du lion de la fable de Monsieur Jean de La Fontaine qui a toujours raison parce qu’il est le plus fort. – hommage à ce grand talent français dont la plupart de ses fables sont toujours d’une actualité brûlante, j’aimerais bien lui témoigner mon respect en écrivant quelque chose). Or cet état, fort de sa force militaire, politique et financière a tout fait pour semer autour de lui haine et destruction - agressions, colonisation, spoliations, emprisonnements… Peut-on seulement imaginer un seul instant que quelque chose puisse se passer dans la région sans qu’Israël y soit mêlé d’une manière ou d’une autre ? Première chose.

Le plateau du Golan, Israël l’occupe et ne veut pas le rendre au nom de sa sécurité malgré moult résolutions de l’ONU. Se pourrait-il que le conflit syrien ait un lien avec la Golan ? L’hypothèse mérite d’être examinée, or c’est motus et bouche cousue de la part des politicologues, des stratèges et autres experts, Monsieur Paul Danahar n’en souffle mot aussi. Etrange – n’est-ce pas ?

Autre élément du mobile : l’Iran l’allié fort de la Syrie et du Hezbollah libanais qui a vaincu l’armée israélienne. Ce n’est pas un secret qu’Israël veut en découdre avec ce pays et soumettre la Syrie c’est encercler l’Iran, et cerise sur la gâteau couper l’herbe sous les pieds du mouvement de Hassan Nasrallah, le seul à avoir damné le pion à Tsahal.

Pour expliquer l’agression que subit la Syrie, ceux-là même qui évitent ne serait-ce que de poser comme hypothèse l’implication d’Israël, servent l’explication religieuse et parlent de rivalités séculaires entre sunnites et chiites ce qui permet de donner le rôle de commanditaire à l’Arabie Saoudite et au Qatar. Tout est expliqué comme si royaumes et Émirats de la région, le Gardien des Lieux Saints de l’Islam en tête n’étaient pas tous inféodés corps et âme aux USA et pouvaient donc bouger le petit doigt sans ordre du Maître lui-même féal de l’état hébreux. Le tour de passe-passe est bien commode, et pince sans rire, Monsieur Paul Danahar décrète que maintenant le conflit n’est plus politique mais sociétal ! Double, triple ha ! ha ! ha !
Si encore cela avait été dit avant le fantastique retournement d’alliance de la Turquie d’Erdogan qui, oubliant l’abordage de sa flottille humanitaire pour Gaza le 31 mais 2010, s’est réconcilié avec l’Etat hébreux, passant par pertes et profits ses morts. Comment expliquer ce retournement de chemise sinon par un oukase des USA signifié à la Turquie en tant que membre de l’OTAN. Je dis la Turquie d’Erdogan car beaucoup de manifestations dans ce pays viennent donner une idée de l’impopularité de cette alliance contre-nature.

Ce qui prouve sans la moindre ambigüité que les Etats-Unis agissent et continuent d’agir et savent parfaitement pourquoi, comment et avec qui. Ils n’ont qu’un problème leurs agents, conseillers et autres mercenaires rencontrent une grande résistance sur le terrain de la part de la grande majorité du peuple syrien et de son armée. Idem pour les Européens dont beaucoup d’hommes politiques sont gagnés de corps et d’esprit à la cause sioniste. Inutile que je cite des noms.

Pour ne pas quitter le thème du retournement, voyons un peu l’étonnant retournement de Sarkozy concernant Bachar Al-Assad et Kadhafi fait étonnant mais qui n’étonne personne et semble enfoui au plus profond des mémoires des analystes politiques. Rappelons-nous le président français prenant le contre-pied de Chirac, comble de la considération que peut faire la France à un hôte étranger de grande marque, l’a invité à la cérémonie du 14 juillet lui demandant d’être à ses côtés pour saluer le défilé militaire. Et par deux fois le chef de l’Etat français s’est déplacé en Syrie, en septembre 2008 et en janvier 2009. Enfin Assad a été reçu une dernière fois à l’Elysée en novembre 2009 deux jours après la visite du premier ministre israélien Netanyahou.

Et pourquoi tout ce tralala diplomatique ? – Le Golan ! voici ce qu’on peut lire sur le site de France 24 qui rend compte de la visite du dirigeant syrien à Paris, le 13/11/2009’ : "Le plateau du Golan toujours au centre des discussions… Les négociations entre Israël et la Syrie ont souvent achoppé sur le problème du plateau du Golan. Le Syrie a toujours fait de la restitution de ce territoire, situé au sud-ouest de la Syrie et annexé par l’État hébreu en 1981, une condition non négociable à l’ouverture de pourparlers directs avec Tel Aviv." Le poupon de Président syrien s’est avéré intransigeant sur la restitution du plateau du Golan ! Notons au passage que la Turquie qui fanfaronne au premier rang des anti-Assad a aussi voulu servir d’intermédiaire dans l’annexion du Golan par Israël et a rencontré la même intransigeance. A peine quelques mois plus tard, la foudre française s’est abattue sur la Syrie dans le sillage du – dit –ha ! ha ! – printemps arabe. En langage de vulgaires mafieux c’est : Monsieur Assad tu cèdes le Golan où tu dormiras avec les poissons, c’est comme tu veux !

Comme le montre parfaitement cet épisode qui a vu Sarkozy investir toute son énergie de frimeur pour amener ASSAD à trahir sa patrie et céder le Golan à Israël, beaucoup de dirigeants politiques français ou européens, de droite ou de gauche, ont à cœur les intérêts de l’Eta hébreux avant ceux de leur propre peuple français. Car il faut le rappeler, la Syrie, la Libye, l’Iran étaient de bons clients de la France mais depuis qu’ils font l’objet de représailles militaires et économique demandées selon les injonctions des dirigeants sionistes, ils ne peuvent ou ne veulent plus rien acheter chez-nous et notre balance commerciale en a pris un coup avec tout ce qui s’en suit comme conséquences : PME qui ferment, pertes de marchés, chômage etc.

Comme toute la question syrienne est jalonnée d’oublis ! C’est décidément étrange En voici encore un. De taille celui-là. Psitt ! comme par magie voilà dissipé dans l’air du temps le plan de « remodelage du « Grand-Moyen-Orient » concocté par les conseillers de Bush comme par exemple Dick Cheney et Donald Rumsfeld, qui dans une appellation soft sont étiquetés « néoconservateur » mais en réalité sont des manitous du sionisme. Ce plan était d’une simplicité machiavélique : semer le chaos dans la région pour la reconstruire à leur guise c’est-à-dire conformément aux nombreux désirs de l’Etat sioniste qu’ils portent dans leur cœur comme une perle dans un écrin de velours. Dans le sillage du 11 septembre, la théorie du chaos constructeur a connu un début d’application avec l’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak. Et l’installation à leur tête de dirigeants anciens membres de la CIA comme Karzaï. Cependant l’occupation militaire s’est vite révélée très couteuse en termes de communication et en termes de victimes américaines. En conséquence, elle a apparu aux stratèges américains et israéliens comme méthode discréditée et donc non réutilisable. Mais cela signifie-t-il que le plan du remodelage du Grand Moyen-Orient par l’utilisation de la théorie du chaos-constructeur a été abandonné ? Evidemment non ! Il y a lieu tout juste de changer de dispositions, de tactique et de plan de communication : remplacer Bush par un président noir, construire de toutes pièces une opposition aux régimes récalcitrants, recruter et armer des mercenaires, trouver un slogan percutant et, il faut reconnaître le grand talent du communicant qui a trouvé ce « printemps arabe » Bravo ! Avantage, ce sont des Arabes mercenaires qui feront le sale bouleau, tapi dans l’ombre Israël peut faire la sourde oreille et les GI ne risquent pas le retour dans le cerceuil.

Dix ans d’occupation de l’Irak nous donnent un bon indice sur ce qui est le réel objectif de ce plan de remodelage du « Grand Moyen-Orient assurément commandité par Israël ce que tous les éléments de l’analyse corroborent. Oui ! Chaos il y a mais « constructeur » que dalle ! Dix ans de ruines, de morts, de guerre civile et aucun espoir de retour à la vie normale ne se dessine à l’horizon. Même scénario pour la Libye qui a déjà deux ans d’âge de parfait chaos. Et s’il reste un doute, il est levé par les deux récents raids menés directement par l’aviation israélienne pour venir au secours de ses combattants-mercenaires encerclés par l’armée régulière syrienne.

La solution, d’évidence n’est pas en Syrie ni dans aucun pays Arabe. Elle est en Israël. Elle est en premier lieu entre les mains de ces millions de juifs d’Israël et d’ailleurs qui comme vous et moi gagnent leur vie à la sueur de leur front et qui ne croient pas à la chimère du Peuple Elu. Notre rôle est de les aider à prendre conscience, et le plutôt sera le mieux, que la politique sioniste menée en leur nom, mélange de racisme, de haine et de volonté hégémonique, loin d’assurer leur sécurité, finira par se retourner contre eux pour les mettre au ban des nations et des peuples. Et les faire renouer avec les désastres passés. Quant aux peuples alentour ils ne peuvent rien faire d’autre que résister héroïquement, aux agressions et il faut le faire remarquer, ce qu’ils ont subi jusqu’à ce jour n’est rien par rapport à ce qui les attend demain. C’est comme ça, c’est la faute au destin et à l’Histoire qui ont fait prendre racine dans leur voisinage à un monstre cruel et glouton aimant le sang et le tumulte des armes.

Comme on le voit, l’affaire syrienne met au goût du jour le principe que parfois le non-dit est largement supérieur en importance que le dit, ou que le hors champs est souvent plus utile à la compréhension que ce qui est donné à voir. C’est toujours cela de gagné !

Hassen Bouabdellah

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Analyste politique progressiste de tout premier plan aux États-Unis, Michael PARENTI, docteur en Sciences Politiques de l’Université de Yale, est un auteur et conférencier de renommée internationale. Il a publié plus de 250 articles et 17 livres. Ses écrits sont diffusés dans des périodiques populaires aussi bien que dans des revues savantes, et ses textes engagés l’ont été dans des journaux tels que le New York Times et le Los Angeles Times. Ses livres et ses conférences, informatives et (…)
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