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De defensa

La stratégie du bazar

Phillippe Grasset Analyse les marchandages qui entourent le dépeçage d’un Irak qui n’a pas encore été occupé.

Iront-ils en guerre ou n’iront-ils pas ? Sous quelle forme ? Avec quelle stratégie ? Avec quel soutien ? Depuis le 12 septembre (discours de GW), l’affaire irakienne est devenue pour une bonne part l’affaire de l’ONU et celle de la "communauté internationale".

Inutile de conclure quoi que ce soit, tant la confusion est extrême, tant les scénarios de guerre, les hypothèses d’alliance, les propositions de compromis abondent, se croisent et se contredisent ; inutile non plus de se réjouir de cet apparent déplacement vers un pseudo multilatéralisme qui n’est, de la part des USA, qu’une ballade tactique ( voir Kagan pour l’explication de texte ).

Il faut reconnaître que la préparation à la guerre du Golfe-I présentait au moins un certain ordre, voire une certaine dignité où l’on sentait au moins la tension de la tragédie à venir. Celle-ci, Golfe-II, se prépare dans le désordre le plus complet, désordre intellectuel dans tous les cas, et le reste qui suit, et nous sommes partagés entre ce que nous croyons être la réalité et les diverses virtualités qui composent la préparation de la guerre, entre les spéculations guerrières et le partage des dépouilles.

Il faut tout de même noter cette réalité-là , que nous nommons "la stratégie du bazar" : la préparation de l’après-Saddam, - c’est-à -dire, essentiellement, le partage du gâteau pétrolier de l’Irak. D’une part, il y a un côté "peau de l’ours" puisque, finalement, au cas où on ne l’aurait pas noté, rien n’est encore fait. De l’autre, il y a une indécence peu banale à voir étalée cette concupiscence économique et pétrolière, à lire tous les détails des marchés et des accords en train de se faire. (Au reste, rien n’est fait, répétons-le, et cette fois pour les détails des marchés, et toutes ces précisions peuvent n’être, et sont sûrement pour l’essentiel, des spéculations vaines et des manoeuvres de désinformation à la petite semaine.) Ce qu’il nous importe de noter est que cela se dit et s’écrit partout sans soulever d’observation sérieuse, de protestation substantielle. On parle de la guerre et de ses aspects les plus vils, on parle d’un conflit qui, à la lumière de ces commentaires, à d’abord pour but de faire signer quelques contrats, et cela circule dans l’indifférence générale.

L’article donne une excellente mesure de ce qui se dit et se noue, éventuellement de ce qui se prépare et se trame si les prévisions sont tenues.

Le discours de Bush mardi aux Nations unies a marqué le début d’intenses négociation de couloir visant à determiner quel type de récompense peut aider à convertir des pays qui du moins publiquement refusaient de se joindre à la campagne anti-hussein.
Les officiels américains s’attendent à ce que les turcs demandent des armes et des remises de dette, les Qataris veulent du cash pour onstruire leur base aéerienne, et les jordaniens des garanties sur le commerce et le pétrole. Les officiels s’attendent à ce que beaucoup d’autres pays se joignent à cette vente de chameau et prédisent qu’il n’y aura pas de timides.

« les pays du Moyen Orient ont une approche bazariste » affirme Danielle Pletka, une ancienne adjointe de Senateur qui travaille maintenant à L’American Entreprise Institute [1] « Dès lors qu’ils savent que nous voulons acheter le ciel est la seule limite », dit l’assistant d’un membre du congrés. « C’est un grand moment pour aller de l’avant et obtenir ce que vous voulez des Etats-Unis »

Bien évidemment, la même chose se dit et se négocie du côté américain, pour le partage ou la répartition pour les sociétés pétrolières US (avec lesquelles beaucoup de dirigeants de l’administration ont des liens). Les informations générales sur cet aspect des choses sont présentées dans de nombreux articles, dont celui du Washington Post du 14 septembre [2]. Les commentaires, parfois de personnes citées, ne prennent pas de gants, comme on voit ci-dessous, dans l’extrait de l’article du Post, celui de James Woolsey, ancien directeur de la CIA et neo-conservateur notoire [3].

L’importance du pétrole de l’Irak en a fait potentiellement une des meilleures cartes de l’administration dans ses négociations visant à gagner le soutien du CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L’ONU et des alliés Occidentaux pour L’appel de Bush à une action internationale dure contre Saddam. Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité - les Etats-Unis, la Grande- Bretagne, la France, la Russie et la Chine - ont des compagnies de pétrole internationales avec des intérêts majeurs dans un changement de régime à Bagdad.

"C’est assez direct," a dit James Woolsey, un ancien directeur de C.I.A. qui a été un des principaux partisans de l’usage de la force contre Saddam.

"La France et la Russie ont des compagnies de pétrole et des intérêts en Irak. On doit dire leur dire que s’ils nous aident à installer en Irak un gouvernement convenable, nous ferons de notre mieux nous pouvons pour nous assurer que le nouveau gouvernement et les compagnies américaines travaillent étroitement avec eux."

Et d’ajouter : "s’ils se rallient à Saddam, il sera difficile voire impossible de persuader le nouveau gouvernement irakien de travailler avec eux."

En effet, la simple perspective d’un nouveau gouvernement irakien a attisé les inquiétudes des compagnies de pétrole non-américaines. Elles pourraient être exclues par les Etats-Unis, qui seront presque certainement la puissance étrangère dominante en Irak après la chute de Saddam. Les représentants de beaucoup d’entreprises pétrolières étrangères ont rencontré les leaders de l’opposition irakienne pour présenter leurs arguments concernant de futurs investissements et les sonder pour connaître leurs intentions.

Toutes ces agitations sont remarquables pour définir le climat établi par cette administration et les conceptions qui l’habitent. Lors de Golfe-I, on parla certes du pétrole, mais d’une façon générale, à la fois stratégique et pour l’économie américaine en général (on se rappelle le "jobs, jobs, jobs". On a une bonne indication de degré, non pas de décadence du système, mais de sa dégénérescence et de sa perversion. Le cynisme (en général inconscient, car nous avons affaire à des hystériques plus qu’à des cyniques) va de pair, comme dans cette phrase de Woolsey parlant du nouveau gouvernement, pressé de répartir le gâteau pétrolier et manipulé par les USA avant même d’exister, comme d’un « decent government ».

Il est difficile de voir dans une structure aussi corrompue un gage d’avenir, y compris pour les expéditions coloniales grandioses qu’envisagent les grands penseurs martiaux qui fleurissent en son sein, type- Robert Kagan. L’Amérique actuelle est bien la suite dégénérée et entièrement pervertie de ce système qui a dominé la Guerre froide, dont l’historien Derek Leebaert, dans son livre "Fifty Year Wound", écrit ceci : « L’ascendant de l’Amérique [sur le monde] était celui des enfants de Henry Ford, pas d’Andrew Jackson, qui étaient au travail, cherchant à construire un système, pas un empire. [...] Ce n’était pas la domination du monde ; c’était une ambivalence domestique. Outre-mer, c’était la confusion et l’amateurisme. » Les « enfants d’Henry Ford » avaient encore une certaine allure ; ses petits-enfants n’ont plus que celle de l’actionnaire cupide.

article paru dans De defensa.org : la stratégie du bazar


[1Note de la rédaction du grand soir : Pour savoir qui est L’American Entreprise Institute et connaître ses liens avec tant le lobby militaro industriel que l’extême droite sionniste lire l’article de Jason Vest : les hommes du CSP et du JINSA

[2Traduction intégrale de l’article disponible ici : Quand ce sera fini, qui aura le pétrole ?, NDT

[3Note de la rédaction du grand soir : Pour savoir qui est Woolsey et connaître ses liens avec tant le lobby militaro industriel que l’extême droite sionniste lire l’article de Jason Vest : les hommes du CSP et du JINSA


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